HUART Lucien [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Marianne Enckell

Né le 9 juillet 1884 à Paris 14e, mort après 1939. Cordonnier ; anarcho-syndicaliste.

Fils de Joséphine Villette, couturière d’Ivry (Seine), il fut reconnu par son père Jérôme Huart puis légitimé en 1886 suite au mariage de ses parents. Son père mourut le 17 août 1894 ; la famille était alors domiciliée à Paris 19e arr. En 1905, résidant à Rouen, Lucien fut dispensé de l’armée comme fils aîné d’une veuve. Il fut toutefois mobilisé pendant la première guerre.

Lucien Huart était, en 1912, secrétaire du syndicat de la chaussure de la Seine. Il représenta plusieurs syndicats des cuirs et peaux au congrès CGT du Havre, du 16 au 23 septembre 1912. Il représenta ensuite le syndicat de la chaussure de la Seine au congrès extraordinaire de la CGT « contre la guerre et les trois ans » les 24 et 25 novembre 1912 à Paris.

Dans le cadre d’une polémique, L’Humanité du 11 avril 1927 révéla qu’il avait été exclu du syndicat en 1913 pour « indélicatesse ». Selon Huart, le syndicat lui devait des frais de délégation et il s’était servi dans la caisse sans discernement car « il était jeune ».

Étant réapparu sur la scène militante à la faveur d’une grève en février 1924, l’assemblée générale du syndicat de la chaussure CGTU tenue le 25 octobre accepta de le réintégrer à condition qu’il rembourse les 200 francs qu’il avait subtilisés (ce qu’il fit), et sous condition qu’il n’occupe plus jamais de poste de responsabilité dans le syndicat.

Aussitôt, il s’engagea dans les activités de la Minorité syndicaliste révolutionnaire (MSR) de la CGTU, alors en plein désarroi.

Les 1er et 2 novembre 1924, la MSR tint un congrès pour fixer sa conduite. Tandis qu’une minorité décidait de poursuivre l’opposition au sein de la CGTU, la majorité fondait l’Union fédérative des syndicats autonomes (UFSA), et Lucien Huart s’efforça d’y entraîner une partie du syndicat de la chaussure CGTU. Il appartint à sa commission administrative provisoire où figuraient également Julien Le Pen*, Corre, Eugène Juhel*, Georges Courtinat*, Guillaume Verdier*, Pierre Besnard*, Jean Gaudeaux, Albert Guigui*, Saroléa et Pécastaing. Le secrétaire provisoire de l’UFSA fut un postier syndicaliste révolutionnaire (mais pas anarchiste), Jean Moiny. Cependant l’avenir de l’UFSA était sujet à discussion. Certains prônaient le retour dans la CGT ; d’autres le maintien dans l’autonomie ; Besnard et Huart, eux, prônaient la fondation d’une troisième centrale, authentiquement syndicaliste révolutionnaire et adhérente à l’AIT.

Lors de la conférence de Saint-Ouen, le 28 juin 1925, Besnard et Huart furent élus cosecrétaires du bureau exécutif de l’UFSA. Les autres membres du bureau étaient Amélie Planteline* (trésorière), Saroléa (trésorier adjoint) et Lentente (archiviste).

En août 1926, il lança, avec Besnard et Albert Guigui, La Voix du travail, bulletin mensuel qui se voulait le porte-voix en France de l’Association internationale des travailleurs (AIT), l’internationale syndicaliste révolutionnaire fondée à Berlin en 1922.

Du 26 au 31 août 1926, Lucien Huart fut délégué par l’UFSA au congrès de la CGTU, où il tint un discours d’ouverture, mais ferme sur l’indépendance syndicale.

Dans La Voix du travail d’octobre-novembre 1926, parut l’appel « Pour le regroupement de nos forces » qui préconisait la création d’une 3e CGT, authentiquement syndicaliste révolutionnaire. L’appel était cosigné de Huart et Besnard (UFSA), Leroy (Fédération autonome des coiffeurs), Boisson*, Juhel et Andrieux (Fédération autonome du bâtiment).

Les 13 et 14 novembre 1926, Lucien Huart représenta l’UFSA au congrès de la Fédération autonome du bâtiment, à Lyon, et y plaida pour la création d’une troisième CGT. Puis, les 15 et 16 novembre se tint le congrès de l’UFSA à la mairie du 6e arrondissement de Lyon. Il y fut décidé, par 84 mandats contre 3 et 2 abstentions, la création de la CGT syndicaliste révolutionnaire (CGT-SR), adhérente à l’AIT, dont le siège fut fixé au 86, cours Lafayette, à Lyon. Huart en présenta les statuts aux congressistes.

Henri Fourcade* ayant refusé le poste de secrétaire général de la CGT-SR, Lucien Huart accepta d’en assurer l’intérim pendant trois mois, avec Henri Raitzon* comme secrétaire administratif. Une commission provisoire de 16 membres fut également élue, comprenant Allegré*, Koch*, Laplanche, Charrent, Chapuis et Mme Bonnefond.

Le 17 novembre, le meeting inaugural de la CGT-SR à la mairie du 6e arrondissement fut animé par Besnard, Huart, Boudoux et Boisson.

Lucien Huart déménagea ensuite de Paris à Lyon pour assurer son mandat qui, en réalité, devait durer deux années durant lesquelles il se révéla un orateur de talent et un propagandiste dévoué. Le 1er décembre 1926 parut le premier numéro du Combat syndicaliste, organe mensuel de la CGT-SR, dont Huart fut l’administrateur.

Le Ier congrès de la CGT-SR, les 14 et 15 août 1927 à Lyon, le confirma dans ses fonctions. Au IIe congrès de la CGT-SR, du 2 au 4 novembre 1928, Lucien Huart fut remplacé par Eugène Juhel et plaida pour que le siège confédéral soit ramené à Paris, vu l’affaiblissement de l’union des syndicats du Rhône de la CGT-SR.

Dans l’entre-deux-guerres, Lucien Huart donna des articles à plusieurs titres libertaires dont Libération, édité par Jules Vignes en 1927-1929, Le Libertaire et La Voix libertaire, organe de l’Association des fédéralistes Anarchistes (AFA) qui fut édité à partir de mars 1929.

Au printemps 1931, Lucien Huart conduisit une délégation de la CGT-SR en Espagne, où la république venait d’être proclamée et où la CNT retrouvait davantage de liberté d’action. Suite à cette visite, il effectua une tournée de conférences en France pour évoquer la situation espagnole.

En 1935, lors des négociations de réunification CGT-CGTU, Lucien Huart fit partie des militants qui, avec Henri Fourcade et Paul Massoubre, plaidèrent pour que la CGT-SR rejoigne l’unité syndicale. Avec une partie de la CGT-SR, il rejoignit alors la CGT et, pour sa part, l’Union anarchiste. À l’époque, il habitait à Toulouse.

Dès l’été 1936, Lucien Huart fut particulièrement actif dans le soutien à la Révolution espagnole. Au congrès du Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la libération du prolétariat espagnol (CASDLPE) des 24 et 25 octobre 1936 à Paris, où il représentait un CAS du Midi, il fit chorus avec Lecoin*, Faucier*, Le Meillour* et Anderson qui défendaient un élargissement politique du soutien à la Révolution espagnole. Suite à cela, il rejoignit le Comité pour l’Espagne libre (CEL) qui venait de se constituer. Il fut à plusieurs reprises l’orateur attitré de l’UA dans les grands meetings d’unité antifasciste organisés par le CEL puis par la Solidarité internationale antifasciste (SIA). « Bon orateur et militant actif, il ne marchandait pas son temps et se contentait d’une modeste rétribution », selon les souvenirs de Nicolas Faucier.

Durant l’hiver 1936-1937, il fit avec Charles Ridel (Louis Mercier*) une tournée de conférences avec projections de films de la CNT-FAI, qui attira plusieurs dizaines de milliers de spectateurs et dégagea un bénéfice de près de 10 000 francs. Il continua d’effectuer des tournées de conférence, par exemple en Bretagne (mars 1938) et en Algérie et Tunisie (en octobre 1937 puis en avril et en décembre 1938).

Lucien Huart fut délégué des groupes de Toulouse et d’Alger au congrès de l’UA des 30 octobre et 1er novembre 1937 à Paris. Il était alors membre du groupe Élisée Reclus de Narbonne (Aude). En septembre 1939, il était domicilié à Toulouse, 42 rue Peyrolières et aurait été l’un des animateurs du groupe Orobon Fernandez de Toulouse.

Dès l’instauration du gouvernement de Vichy, Lucien Huart fut arrêté administrativement et interné à la prison Saint Michel de Toulouse avec notamment les frères Eugène et Marius Tricheux. En 1943 il fut interné au camp de Noé situé à une dizaine de kilomètres de Toulouse et où l’on perd sa trace.

Selon le premier numéro du Libertaire reparu à la Libération, Lucien Huart serait mort en déportation en Allemagne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155278, notice HUART Lucien [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Marianne Enckell, version mise en ligne le 9 mars 2014, dernière modification le 20 avril 2020.

Par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Marianne Enckell

SOURCES : Arch. PPo BA/1899 et 2160 — La Bataille syndicaliste quotidienne, 17 janvier 1912-7 février 1913 — La Voix du travail, août-septembre 1926 — SIA, années 1938-1939 — Le Libertaire, année 1936 et 1944 — Samuel Jospin « La CGT-SR à travers son journal Le Combat syndicaliste, 1926-1937 », mémoire de maîtrise, Paris-I, 1974 — Lettre de Nicolas Faucier à Jean Maitron, 21 juin 1986 — René Bianco, Cent dans de presse…, op. cit. — Claire Auzias, « La CGT-SR 1926-1928 : un épisode de décentralisation syndicale », Le Mouvement social n°144, octobre-novembre 1988 — Claire Auzias, Mémoires libertaires, Lyon 1919-1939, L’Harmattan, 1993 — Boris Ratel, « L’anarcho-syndicalisme dans le bâtiment en France entre 1919 et 1939 », mémoire de maîtrise, Université Paris-I, 2000 — David Berry, A History of the French Anarchist Movement, 1917-1945, Greenwood Press, 2002 — Valentin Cionini, « SIA, une organisation “proto-humanitaire” dans la guerre d’Espagne, 1937-1939 », mémoire de Master 2, Aix-Marseille I, 2008. — Etat civil.

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