NOCHER Jean [CHARON Gaston, dit]

Par Jean-Louis Panné

Né le 27 septembre 1908 à Poitiers (Vienne), mort le 22 juin 1967 à Bougival (Yvelines) ; journaliste ; fondateur des JEUNES ; directeur de l’Espoir ; député RPF de la Loire (1951-1955) ; animateur d’émission de radio.

Jean Nocher
Jean Nocher
Député

Fils d’un directeur d’école, Jean Nocher fit ses études au lycée de Poitiers puis au lycée Henri IV à Paris. Bachelier, puis élève de Normale supérieure, il obtint une licence de lettres et un DES de philosophie. Membre CGTU avant son entrée à l’École normale, il participa à la constitution du comité Amsterdam-Pleyel. Envoyé en Yougoslavie par le Comité mondial de la jeunesse contre la guerre et le fascisme, il y fut emprisonné. Il fut nommé en 1933 à Verdun mais il abandonna rapidement l’enseignement pour se lancer dans le journalisme et devint collaborateur de L’Œuvre dès 1933.

Début 1934, à la suite d’un appel paru dans L’Œuvre, Jean Nocher fonda les Jeunes équipes unies pour une nouvelle économie sociale (JEUNES) dont l’action s’inspirait des théories de Jacques Duboin. À la suite du 6 février, le mouvement se lia aux organisations qui constituèrent plus tard le Rassemblement populaire et les JEUNES participèrent aux manifestations du 12 février, à celles du 1er août 1934 et du 14 juillet 1935. Collaborant avec la Ligue pour le droit au travail de Duboin, les JEUNES connurent un certain développement : en janvier 1936, Jean Nocher revendiquait cinquante équipes de base en région parisienne et le journal du mouvement, vendu en octobre 1935 à 1500 exemplaires, aurait atteint une diffusion de 20 000 exemplaires en mai 1936. Il fixa aux JEUNES comme objectif le recrutement de 10 000 militants « d’élite », condition indispensable pour que l’organisation puisse provoquer l’application de ses théories. Plus tard, une Université populaire des jeunes, à laquelle collaborèrent Albert Bayet et Philippe Lamour, fut mise sur pied.

Jean Nocher, qui était le délégué général du mouvement, marqua de sa personnalité l’action de cette organisation très structurée (« Groupe Dynamo » pour les techniciens, « Énergies nouvelles » pour les femmes, équipes de base pour les autres militants) qui disposait d’un local à Paris (rue Favart, puis rue d’Amsterdam) et organisait avec succès meetings et fêtes. Ayant conservé son poste de journaliste à l’œuvre, il fut mis en cause pour les liens que ce quotidien entretenait avec l’agence Havas contrôlée par Horace Finaly, directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Affectionnant les « formules chocs » (« Le monde doit être reconstruit en deux ans, ou bien nous sommes tous morts, jeunes en tête », « Vivre trois fois mieux en travaillant trois fois moins »), Jean Nocher critiquait les plans de réforme, « même de gauche » qui, selon lui, ne pouvaient que consolider le capitalisme. Néanmoins, il développait son propre plan qui, tenant compte des révolutions survenues dans le domaine de la technique et de l’état de l’économie, permettrait le passage de l’économie de la rareté et du profit à celle de l’abondance et de la distribution.

S’il avait annoncé dans L’Œuvre (1er décembre 1935) que le leader du Parti socialiste serait le premier président du conseil du Rassemblement populaire, Jean Nocher n’en dénonça pas moins la « dialectique squelettique de M. Léon Blum » et la bureaucratie de la SFIO. Se proclamant révolutionnaire, il dénonçait également les "timidités" de la CGT et le stalinisme du Parti communiste. En juin 1938, il publia son Manifeste de l’Abondance dans lequel il présenta une charte de l’économie distributive, reposant sur la satisfaction des besoins, non sur le partage des produits rares, grâce à une production de plus en plus abondante et un plan complet de distribution. Dans cette "démocratie des consommateurs", chacun serait astreint à accomplir un service social au profit de la collectivité. Péremptoire, Jean Nocher ne voyait alors que deux gouvernements possibles : le fascisme et le collectivisme qu’il appelait de ses vœux.

C’est sans doute lui, qui le 24 septembre 1936 dans L’Œuvre, introduit la formule "Plutôt Hitler que le Front populaire", reprise ensuite dans la lettre ouverte du comité central du KPD à Maurice Thorez publiée dans L’Humanité du 12 décembre 1936. Dans sa rubrique "Tant va la cruche à l’eau...", il dénonce la progression du nazisme en Alsace, en évoquant un séjour à Strasbourg où viennent "de défiler trente mille "Paysans catholiques", L’un d’entre eux lui aurait rapporté les propos en allemand lors de la manifestation du chanoine Ritz disant : "Plutôt Hitler que le Front populaire".

"Opposé à la non-intervention en Espagne, Jean Nocher s’affirma partisan d’une "politique d’énergie" face aux régimes totalitaires et fut par conséquent anti-munichois. En 1938, il fut désigné, aux côtés de Louis Lecoin, Marceau Pivert, René Belin, Georges Pioch (voir Georges Jules Pioch), pour faire partie d’une délégation de la Solidarité antifasciste internationale qui devait se rendre à Barcelone pour demander au gouvernement républicain la libération des antifascistes emprisonnés. Après dans L’Œuvre de l’article de Marcel Déat, "Mourir pour Dantzig", il démissionna du journal.

Mobilisé dans l’aviation à la déclaration de guerre, démobilisé le 6 août 1940, il devint rédacteur à la Tribune républicaine de Saint-Étienne où il signait ses articles Toc et Zède. Il aurait été alors un protégé de Dumoulin de La Barthète, un admirateur de Pétain et aurait eu des entrevues avec Otto Abetz (Histoire de la France contemporaine, tome 7, p. 418). Il eut une brusque et rapide conversion et participa à la Résistance dans la Loire. En 1941, il fut le premier responsable départemental des Mouvements unis de résistance. Arrêté en septembre 1942, il resta emprisonné quinze mois à la prison Saint-Paul à Lyon, puis au fort Montluc. Libéré sur intervention de Pierre Laval (arrêté du n° 5499 du 27 décembre 1943). Fin 1943, il signa une lettre adressée au général de Gaulle avec André Blumel , Champetier de Ribes et Roger Stéphane. Ils y constataient la mort des anciens partis et appelaient à la constitution d’un « grand parti républicain du peuple ».

À la Libération, il prit la direction du quotidien L’Espoir, organe du Mouvement de libération nationale, édité à Saint-Étienne, fonction qu’il conserva jusqu’en avril 1950 moment où il fut remplacé par le conseil d’administration. Dès 1946, Jean Nocher dut subir les attaques des communistes, tel Marius Patinaud , qui lui reprochaient son anticommunisme. Il est vrai qu’il dénonçait les "girouettes" qui dirigeaient le Parti communiste, rappelant leurs multiples volte-face, et appelait à "en finir avec les ennemis de l’intérieur" (France au combat, 15 octobre 1947).

Élu député de la Loire en 1951, il fut exclu en 1953 du Rassemblement du Peuple français pour avoir formé une liste dissidente aux élections municipales. Il perdit son siège de député en 1955. En 1958, il devint éditorialiste à la radio-diffusion française. Ses chroniques "En direct avec vous" (éditées ensuite par Del Duca), qui connurent un certain succès, provoquèrent de nombreuses polémiques pour ses prises de positions "anticommunistes". Son émission fut suspendue quelque temps en 1960 après une violente polémique contre Mitterrand. Qualifié de "Philippe Henriot de la RTF" par l’Humanité, Jean Nocher la reprit en septembre 1960 et l’assura jusqu’à la veille de sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article124065, notice NOCHER Jean [CHARON Gaston, dit] par Jean-Louis Panné, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 8 novembre 2022.

Par Jean-Louis Panné

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Député

ŒUVRE : Collaboration aux journaux cités et aux Cahiers du dynamisme, journal de l’UPJ — Frankenstein, l’âge d’or ou la fin du monde, (préf. de A. de Monzie), Les Éditions nouvelles, 1935. — Témoignage de la jeunesse qui vient, (préf. de V. Margueritte, Éditions Fustier, s.d. [1937]. — Manifeste de l’Abondance, Paris, Éditions Nantal, 1938. — Geôles de la liberté. Journal de cellule d’un combattant de la Résistance..., Saint-Étienne, Éditions de l’Espoir, 1945. — Les clandestins. La vie ardente et secrète de la Résistance, Gallimard, 1946.

SOURCES : JEUNES, Bulletin mensuel des JEUNES, septembre 1935-1938, suivi de Libération par l’abondance, 1938-1939. — Essais et Combats, juin-juillet 1938. — M. Sadoun, Les Socialistes sous l’occupation, Presse de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982. — Tract de la SIA, mars 1938. — Who’s who. — Lettre de J. Nocher au directeur de l’Humanité, 22 janvier 1946. — Le Monde, 27 juin 1967. — Histoire de la France contemporaine, tome 7, Editions sociales, 1981, p. 418. Notes de Rachel Mazuy.

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