POISSON Ernest [POISSON Auguste, Philippe, Ernest]

Par Jean Gaumont

Né le 1er janvier 1882 à Mortain (Manche), mort le 24 mars 1942 à Paris ; avocat ; socialiste, membre de la CAP du Parti socialiste SFIO de 1910 à 1933 ; coopérateur ; fervent artisan de la réalisation de l’Unité coopérative ; premier secrétaire général de la Fédération nationale des coopératives de consommation (FNCC), il en fut, jusqu’en 1940, l’animateur.

Le père d’Ernest Poisson avait fait carrière dans l’administration préfectorale, puis dans celle des Finances. Après des études secondaires aux lycées de Rennes, Rambouillet, Nantes, villes où son père occupa des postes successifs, Ernest Poisson entra à la Faculté de Droit de Caen. Licencié, il s’inscrivit au barreau de Caen. Dès l’âge de dix-sept ans, alors qu’il était élève au lycée de Nantes, il s’était intéressé à la politique et avait adhéré à un groupe socialiste allemaniste. À Caen, il participa aux luttes suscitées par l’Affaire Dreyfus. Il fonda un groupe socialiste et devint secrétaire de la fédération socialiste normande en 1900. Il fut le correspondant départemental de La Vie socialiste, revue du courant de gauche animé par Jean Longuet et Pierre Renaudel. Brillant, éloquent, il obtint une grande influence dans les milieux socialiste du Calvados. Jérôme Letournel écrit : "Il est le commis voyageur de la fédération [socialiste d’après 1905], dont la gouaille fait merveille et dont le champ d’action ne se limite pas au Calvados" (p. 117).

Après avoir été condamné à Nantes pour outrages à agents à la suite d’une manifestation, Poisson dut quitter en 1906 le barreau de Caen. Il s’installa alors à Rouen.

Le 17 novembre 1907, il présida à Caen le congrès de fondation de la fédération Calvados-Orne du Parti socialiste SFIO. À Rouen, il publia le journal Le Semeur, qui parut de 1907 à 1912. Henry Verger lui succéda. Au cours de ces mêmes années, il occupa, grâce à Renaudel, le poste de délégué à la propagande, poste dont il démissionna en 1912.

Poisson fut, à plusieurs reprises, mais sans succès, candidat aux élections législatives, en 1910 et 1912, dans la 3e circonscription de Rouen (Elbeuf), en 1914, enfin en 1919 et 1924. À propos de sa candidature en 1912, on peut lire dans la Dépêche de Rouen du 7 février : « Le candidat appartient à la fraction réformiste de son parti ». À quoi Poisson répondra dans le même journal : « Je ne suis pas antipatriote, ce serait absurde. Je suis partisan d’une entente internationale des travailleurs. Mais la défense du territoire national et de la patrie est un principe socialiste ». En 1913-1914, il prit position contre la loi des trois ans ; il obtint au second tour des élections 6 469 voix contre 6 763 au candidat progressiste.

Il assista comme délégué de la Seine-Inférieure ou d’autres départements à plusieurs congrès nationaux et fut nommé, en 1914, membre de la CA permanente du Parti socialiste. Il fut un des témoins de l’assassinat de Jean Jaurès au café du Croissant le 31 juillet 1914.

Ernest Poisson joua un rôle important dans le mouvement coopératif. Dès 1904, il fondait à Caen la petite coopérative socialiste « L’Ouvrière », remplacée dès 1906 par « La Solidarité caennaise ». En 1907-1908, il compta parmi les fondateurs de la boulangerie « La Semeuse » de Caen. Appelé par le Parti désormais unifié à occuper un poste de délégué à la propagande en 1907, il vint à Paris et donna son adhésion à la coopérative « l’Avenir de Plaisance ». À deux ou trois reprises, il avait figuré comme délégué aux congrès de la Bourse des coopératives socialistes qui l’élut à son comité confédéral en 1911 au congrès de Calais. La même année, il était choisi comme secrétaire général adjoint de la Bourse, puis, bientôt, comme secrétaire général de la Bourse devenue au lendemain du congrès de Calais la Confédération des coopératives socialistes et ouvrières. Le même congrès lui ayant donné mandat d’entrer en pourparlers avec l’Union coopérative, Poisson entreprit la négociation qui aboutit à la signature du pacte d’Unité — Tours, fin décembre 1912.

Élu secrétaire général de la nouvelle Fédération nationale des coopératives, avec Daudé-Bancel, il eut à procéder à l’organisation des fédérations régionales prévues par le congrès d’unité et à celle du congrès national de Reims de 1913 qui décida une campagne en faveur de la concentration des forces coopératives. Il réalisa au cours des années 1913 et 1914, jusqu’à la guerre, un certain nombre de fusions, à Paris en particulier. Ce travail fut repris en 1916 et plusieurs coopératives de fusion et de développement régional furent créées dans l’ensemble du pays.

En même temps, il organisait à Paris une conférence internationale des coopératives des nations alliées de la France (22-23 septembre 1916) et le congrès national français (24 et 25 septembre). Puis ce fut la création du Conseil supérieur de la Coopération et la tenue de nouveaux congrès nationaux (1918 et 1919), l’organisation à Paris de deux conférences internationales d’abord, puis des coopératives alliées et neutres (1919). En décembre 1920, Ernest Poisson, signataire de la motion du Comité de résistance socialiste, fut délégué et intervint au congrès de Tours. De 1920 à 1926, puis de 1930 à 1933, il fut membre de la commission administrative permanente du Parti socialiste.

Élu en 1921 au comité central de l’Alliance coopérative internationale reconstituée et devenu l’un de ses vice-présidents, il jouera désormais un rôle international de premier plan. Il était en 1926 un des administrateurs délégués du Magasin de gros des coopératives de France fondé le 16 septembre 1906. Voir Auguste Cleuet*.

À l’intérieur du mouvement français ses occupations ont été innombrables : administration des institutions centrales : FNCC, MDG, BCF, et de plusieurs grandes coopératives régionales : Paris, Lorraine, Normandie, de l’Office central de la coopération à l’École, participation aux congrès des fédérations régionales, propagande orale et écrite, lutte contre les adversaires de l’indépendance du mouvement, pour le maintien du pacte d’unité, en faveur des formules de coopération rochdalienne, participation aux comités et conseils des institutions officielles comme l’Office du Blé, le Conseil supérieur de la coopération, le Conseil national économique (vice-présidence), groupe parlementaire de la Coopération... Il avait encore été chargé de suivre et d’animer les relations les plus étroites possibles avec la Fédération de la Mutualité et de la Coopération agricoles et figurait dans le comité des relations entre coopératives agricoles et coopératives de consommation fonctionnant sous l’égide du Bureau international du Travail. Il collabora à un grand nombre de publications coopératives ou autres et publia un certain nombre d’ouvrages sur des sujets coopératifs — voir ci-dessous.

Au début de 1922, une délégation de l’Alliance coopérative internationale était envoyée en Russie pour enquêter sur les conditions de fonctionnement des organisations coopératives de ce pays. Poisson en faisait partie et s’associa aux conclusions de ce rapport, favorables à la réintégration du mouvement coopératif russe dans l’Alliance. En juin 1929, il conduisit à nouveau en Russie un groupe d’une quinzaine de coopérateurs français, pour un voyage de documentation.

Il fut membre du Conseil national économique de 1925 à 1940 et membre du Comité permanent économique en1939-1940.

En 1934, il fit partie de la commission de six membres nommée par décision du congrès national coopératif (Orléans) pour mener une enquête sur l’orientation générale du mouvement et appartint en 1935 à la commission de réorganisation générale du mouvement coopératif.

Après la défaillance de la Banque des coopératives, il fut amené à prendre en main l’administration de la Société et c’est en grande partie à ses efforts que la situation très grave du mouvement tout entier put être redressée.

Durement atteint par la maladie en 1939, plus durement encore au printemps 1940, Ernest Poisson dut cesser toute activité. Il mourut deux ans plus tard.

E. Poisson fut, avant tout, un organisateur et un entraîneur d’hommes. « Son activité s’identifie avec l’histoire de la coopération française d’après 1912 et, pour une bonne part, de la coopération internationale » (Jean Gaumont).

Ernest Poisson fut candidat du Parti socialiste dans la Seine-Inférieure à deux reprises : en 1919, il obtint 41 479 voix sur 223 320 inscrits et, en 1924, 52 428 voix sur 217 782 inscrits.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article126768, notice POISSON Ernest [POISSON Auguste, Philippe, Ernest] par Jean Gaumont, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 17 avril 2020.

Par Jean Gaumont

ŒUVRE (Cotes de la Bibl. Nat.) — Retenons : La République coopérative, 1920, X-256 p., 8° R 29 745. — La Politique du Mouvement coopératif français, 1929, 254 p., 8° R 36 715. — Fourier, 1932. — Le Coopérateur Albert Thomas, un quart de siècle de vie militante, 1933, XXIV-359 p., 8° Ln 27/64 966. — Comment j’ai vécu les malheurs de la Banque des coopératives de France, 1934, 336 p., 8° R 41 718. — "La crise syndicaliste", la Revue socialiste, syndicale et coopérative, octobre 1911. — Socialisme et coopération, Bibliothèque socialiste, Rieder.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13 567 — Arch. PPo. 309. — Le Coopérateur de France, 27 février 1937, 24 mars 1962. — Jean Gaumont, À nos Morts, préface de Gaston Prache, 1944-1945. — P. Ramadier, Ernest Poisson, 1947. — Jean Gaumont, Histoire de la coopération, op. cit., t. II, et Le 50e anniversaire de la FNCC, 1963. — Brizon et Poisson, La Coopération, op. cit. — Notes de J. Gaumont et Jean Maitron. — Jérôme Letournel, Socialisme et socialistes dans le Calvados des origines à la fin du XXe siècle (1864-1998, Université de Caen, 2013. — Encyclopédie socialiste, op. cit.

ICONOGRAPHIE : Brizon et Poisson, op. cit., p. 295. — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., p. 158.

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