TASLITZKY Boris

Par Jean Maitron

Né le 30 septembre 1911 à Paris (VIe arr.), mort le 9 décembre 2005 à Paris (XIVe arr.) ; artiste peintre ; militant communiste , membre de l’AEAR, secrétaire général des peintres et sculpteurs de la Maison de la culture.

Les parents de Boris Taslitzky étaient des réfugiés politiques venus en France à la suite de la Révolution russe de 1905. Son père, socialiste révolutionnaire en Russie, qui était ingénieur devenu mécanicien d’aviation chez Bréguet, s’engagea en septembre 1914 et, sergent au 169e RI, fut tué le 13 juillet 1915 à Ronchamp-le-Château. Sa mère, Anna Riback, couturière, éleva seule Boris, pupille de la Nation, puis se remaria en 1920.

Boris Taslitzky commença ses études de peintre à l’âge de quinze ans aux Académies de Montparnasse puis à l’École des Beaux-Arts. Il s’intéressa aux questions sociales après son service militaire (5e RI). Dès 1933-1934, il milita pour l’instauration puis le maintien de la caisse de chômage des artistes. Il organisa avec Jean Amblard une réunion à la Bourse du Travail sous la présidence de Francis Jourdain*. Avant l’hiver 1933, non encore membre du parti, il participa avec des artistes à l’accueil à Saint-Denis des marcheurs de la faim du Nord. Il fut présent aux contremanifestations des 6, 9 et 12 février 1934 aux côtés des communistes. Il adhéra à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR) que présidaient en 1933 Paul Vaillant-Couturier* et Louis Aragon* et qui donna naissance à la « Maison de la Culture » en 1934. Il fut élu l’un des trois secrétaires de l’Association des peintres et sculpteurs de la Maison de la Culture puis en devint, en 1938, le secrétaire général. Il participa aux débats et aux expositions des peintres de la Maison de la culture (« La querelle du réalisme » à la galerie Billiet en mai 1936 avec une peinture « Le Mur »).

Boris Taslitzky adhéra au Parti communiste en 1935. Son œuvre d’artiste fut fortement et consciemment marquée par l’idéologie marxiste. En art, il reçut les leçons de Jacques Lipchitz et exécuta plus de cinquante copies libres d’après les maîtres anciens au musée du Louvre, afin de se livrer à l’étude qui lui fit comprendre comment et pourquoi les grands aînés savaient se situer dans leurs époques et qui l’amena à se déterminer lui-même dans la sienne.

Mobilisé en 1939 au 101e régiment d’infanterie, fait prisonnier en juin 1940, Boris Taslitzky s’évada en août et se mit à la disposition du Parti communiste. Envoyé en zone libre, il rejoignit Jean Lurçat* à Aubusson (Creuse) dont il devint l’assistant, travaillant aux cartons de tapisseries jusqu’en juillet 1941, date à laquelle, après avoir quitté Aubusson pour le Lot, à la suite d’une enquête policière de Vichy, ils se séparèrent pour raison de sécurité. Taslitzky avait participé jusqu’alors à la confection de journaux communistes clandestins, couvrant cinq départements du centre sous la direction de Lucien Bourdeau* (affaire Calas-Bourdeau-Roucaute) et à leur diffusion. Il prit contact avec le parti et le Front national dans le Lot et fut arrêté à Crégols (Lot) le 13 novembre 1941 sur commission rogatoire de la Creuse. Déféré devant la session du tribunal militaire de la 13e région, il fut condamné à deux ans de prison et envoyé à la Maison centrale de Riom (Puy-de-Dôme). Boris Taslitzky y resta dix-sept mois avec trente-deux autres condamnés communistes et plus de six cents autres prisonniers de droit commun. Il fut ensuite envoyé à la prison militaire de Mauzac d’où, sa peine étant terminée, il fut transféré au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) comme interné administratif. Il y resta huit mois, prenant une part très active à la vie culturelle du camp et devenant l’un des dirigeants du triangle de direction du Front national et l’un des responsables militaires de l’organisation clandestine du camp.

Le 31 juillet 1944, les détenus furent déportés à Buchenwald où Boris Taslitzky devint l’un des responsables du triangle de direction du parti au bloc 34. Grâce à l’attention et à la protection de ses camarades, il put continuer à dessiner et exécuta plus de deux cents dessins concernant la vie quotidienne du camp. Il participa à l’insurrection victorieuse du 11 avril 1945 et fut rapatrié à Paris où il arriva le 2 mai. Il n’y retrouva pas sa mère, victime de la rafle du 16 juillet 1942.

Louis Aragon fit éditer cent onze de ses dessins faits à Buchenwald et, en 1946, Boris Taslitzky fit une exposition de ses œuvres inspirées de la Résistance, de la vie carcérale et de la déportation. Son grand tableau « Le petit camp de Buchenwald » prit place dans la salle de la Résistance du Musée national d’art moderne. Il reçut cette année-là le prix Blumenthal de peinture. La même année il épousa Suzanne Leguet en secondes noces. Élu au comité directeur de l’Union des arts plastiques, il en devint en 1949 secrétaire général pour un an. Il entra au comité de rédaction de La Nouvelle Critique en 1951 et y demeura seize ans. Il fut membre, sans cesse réélu, des comités de section communiste du XIVe arr. (Montsouris) puis du VIe (Odéon) et du comité d’arrondissement.

En 1947, à la suite du XIe congrès du Parti tenu à Strasbourg et de l’intervention de Laurent Casanova sur la culture, Boris Taslitzky se reconnut pleinement dans la politique culturelle du parti, prit une part très active à sa mise en œuvre et fut l’un des promoteurs du réalisme socialiste, qu’il ne conçut jamais « comme une école et une manière, mais comme une façon de vivre et de penser la réalité de son temps et à l’intérieur de laquelle peuvent coexister diverses tendances esthétiques prenant naissance à la fois dans les traditions nationales et dans l’idéologie de la classe ouvrière ».

En 1952, Boris Taslitzky fut envoyé en Algérie avec Mireille Miailhe pour une enquête dessinée et peinte, par les soins du PCF. Ce travail donna lieu à une grande exposition qui attira l’attention sur les réalités coloniales, peu de temps avant l’insurrection. Après que le PC eût peu à peu abandonné la politique culturelle définie à Strasbourg, il resta fermement attaché à celle-ci, « ne croyant nullement qu’un artiste véritable dût changer de manière chaque fois que le parti incurvait sa ligne ». Boris Taslitzky fut choqué par le déclenchement de l’affaire Casanova-Servin-Kriegel-Valrimont et exprima son total désaccord à la direction du parti. A la suite du XVIe congrès, il cessa de prendre quelque responsabilité que ce soit, mais continua de militer dans sa cellule.

Élu en 1971 professeur de dessin à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs, Boris Taslitzky exerça cette fonction jusqu’en 1980, date à laquelle il la quitta, atteint par la limite d’âge. Décoré de la Croix de guerre 1939-1945, de la Légion d’honneur et de la Médaille militaire, il était alors toujours membre du Parti communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132038, notice TASLITZKY Boris par Jean Maitron, version mise en ligne le 16 septembre 2013, dernière modification le 18 décembre 2020.

Par Jean Maitron

Autoportrait de Boris Taslitzky,
avec l’autorisation de sa fille, Évelyne Taslitzky.

ŒUVRE CHOISIE : 111 dessins faits à Buchenwald, 1944-1945, [prés. Julien Cain], Éd. La Bibliothèque française, 1945.
PEINTURES CHOISIES : Le Mur des fédérés (1936). — Le Jeudi des enfants d’Ivry (1937). — Le Petit camp de Buchenwald en 1945 (1945). — Les Délégués (1948). — La Mort de Danielle Casanova (1950). — Le Père algérien (1952). — Le Tremblement de terre d’Orléanville (1954). — Chili (1977).

SOURCES : Notes autobiographiques. — Témoignage paru dans la Nouvelle critique, n° 70, décembre 1955 (« Le Front populaire et les intellectuels »). — Arch. de l’Humanité. — Notes de Nicole Racine. — Le Monde, 13 décembre 2005. — État civil.

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