VILLON Pierre [GINSBURGER Roger, Salomon, dit]

Par Claude Willard

Né le 27 août 1901 à Soultz (Haut-Rhin), dans une Alsace encore annexée à l’Allemagne, mort le 6 novembre 1981 à Vallauris (Alpes-Maritimes) ; architecte ; dirigeant communiste ; député de l’Allier.

Roger Ginsburger était fils d’un rabbin. Il fit ses études, en allemand, aux lycées de Guebwiller, puis de Colmar. Après le baccalauréat, décroché en 1918, il apprit le métier d’architecte et de décorateur à Paris, Strasbourg, Stuttgart, Munich et Düsseldorf. D’abord commis architecte, il s’installa à son compte dans un atelier, au 63 de la rue de Seine (Paris VIe arr.). Influencé par le Bauhaus et Le Corbusier, il se forgea une conception très fonctionnelle de l’architecture et de la décoration. Très vite aussi, il s’intéressa à l’urbanisme dressant des projets futuristes. Le 27 novembre 1928, il se maria avec Doris Niedermann qui allait mourir à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

L’engagement idéologique et politique de Roger Ginsburger coïncida avec la création de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), en mars 1932 : il en devint aussitôt secrétaire de sa section architecture. En octobre 1932, il adhéra au Parti communiste et fut promu rapidement secrétaire du « rayon » couvrant les VIe et VIIe arrondissements. Son atelier servit de boîte à lettres pour des révolutionnaires allemands, polonais, yougoslaves.

En 1934, Roger Ginsburger abandonna son atelier d’architecture (qui pourtant démarrait bien) pour devenir « permanent ». Il fut d’abord « instructeur » de l’Internationale des marins et dockers à Anvers, puis, en 1935, à la Fédération unitaire des Ports, Docks et Transports que dirigeait Charles Tillon. Affecté à la fin de 1935 au secrétariat administratif du PC, il fut ensuite affecté, avant les législatives de 1936, à sa section de propagande, contribuant fortement, par son expérience de décorateur, à moderniser le style de propagande du PC.

A partir de l’automne 1938, Roger Ginsburger assuma la coordination des maisons d’édition et de diffusion du PC. Gardant jusqu’à la fin d’octobre 1939 son bureau éditorial, il eut pour mission, après la mise hors la loi du parti, de maintenir les contacts légaux. Ensuite, il plongea dans la clandestinité, pour assurer la rédaction et la publication de l’Humanité, jusqu’en juin 1940.

Vivant avec Marie-Claude Vaillant-Couturier depuis avril 1940, Roger Ginsburger fut chargé, après l’invasion nazie, de remettre en route l’appareil technique du PC. Il fut arrêté le 8 octobre 1940. Le tribunal, devant lequel il se posa en accusateur de Vichy et de la collaboration, le condamna en décembre à huit mois de prison. De la Santé, il fut transféré à Fresnes, puis à Aincourt (Seine-et-Oise) entretenant avec Marie-Claude Vaillant-Couturier une correspondance clandestine d’une extraordinaire richesse pour qui veut connaître l’état d’esprit d’un militant communiste durant l’hiver 1940-1941.

Transféré à Gaillon(Eure) en octobre 1941, Roger Ginsburger s’en évada le 17 janvier 1942 et remplaça Georges Politzer arrêté le 15 février à la tête des comités d’intellectuels du Front national (FN zone Nord). Après avoir rencontré un émissaire du général de Gaulle, le colonel Rémy, il participa activement, au printemps 1943, à la création du CNR. Présent à la réunion constitutive, le 27 mai 1943, il fit accepter, pour se prémunir des risques d’assemblées pléthoriques, la constitution d’un bureau permanent de cinq membres. Au sein de ce bureau, il représentait à la fois le FN, le PCF et la Fédération républicaine de Louis Marin. Un des principaux auteurs du programme du CNR (adopté en mars 1944), celui qu’on appelait désormais de son nom de guerre Pierre Villon fut aussi un des artisans de la fusion des FTP avec les autres groupes militaires de la Résistance dans les FFI. A maintes reprises, il échappa d’extrême justesse à l’arrestation. Le 13 mai, le CNR délégua Pierre Villon à la présidence du Comité militaire d’action (COMAC) coiffant la résistance militaire. Ayant combattu la stratégie attentiste, Villon, pendant les combats de la Libération de Paris, dénonça avec virulence, le 20 août 1944, la signature d’une trêve.

Membre de droit, au titre du CNR, de l’Assemblée consultative, il fut élu président de sa commission de Défense nationale. Dès son premier discours, le 14 novembre 1944, Pierre Villon réclama l’amalgame des FFI pour forger une puissante armée nationale et démocratique.

Membre titulaire du comité central du PCF depuis juin 1945, il fut élu, le 21 octobre 1945, député de l’Allier à l’Assemblée constituante. Il devait être réélu jusqu’en 1978 (sauf de 1962 à 1967) par ce département où sa popularité était grande.

Le 7 novembre 1949, Pierre Villon épousa à Gentilly Marie-Claude Vaillant-Couturier.

Dans la foulée de la Résistance, Pierre Villon s’engagea prioritairement dans le combat pour la paix, de l’Appel de Stockholm à la lutte contre le réarmement allemand, l’intervention américaine en Corée et la guerre d’Indochine. Mais les coups pleuvaient. D’abord la répression policière : lors d’une manifestation le 11 novembre 1948, Villon fut matraqué et arrêté 24 heures. Pierre Villon fut aussi cité par l’ouvrage de Jan Valtin (Richard Krebs) Sans patrie ni frontières (début 1948) où puisa largement la presse anticommuniste le présentant comme un agent des services secrets soviétiques. Mais en janvier 1950, Villon gagna son procès contre ses accusateurs.

A la conférence nationale constitutive de l’Association nationale des anciens combattants de la résistance (ANACR), en juin 1952, Pierre Villon fut nommé secrétaire général et en devint, après « l’affaire Tillon », président (1954-1964). Il fut aussi vice-président de la Fédération internationale des résistants (FIR), fut titulaire de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre et de la médaille de la Résistance avec rosette.

En 1970, âgé de soixante-neuf ans, Pierre Villon demanda à être relevé de ses fonctions au CC ; il refusa d’être une nouvelle fois candidat dans l’Allier en 1978.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article134754, notice VILLON Pierre [GINSBURGER Roger, Salomon, dit] par Claude Willard, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 6 novembre 2021.

Par Claude Willard

Pierre Villon en 1946
Pierre Villon en 1946
Pierre Villon en 1956
Pierre Villon en 1956

SOURCES : Pierre Villon, résistant de la première heure, entretien avec Claude Willard, Éd. sociales, 1983.— Jean-Louis Cohen, « Roger Ginsburger : agent double et critique radical entre France et Allemagne », in Isabelle Ewig, Thomas W. Gaehtgens, Matthias Noell (dir.), Le Bauhaus et la France, 1919-1940, Berlin, Akademie Verlag, 2002, p. 359-363.

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