KOSMA Joseph [KOZMA Joseph]

Par Cécile Prévost-Thomas

Né le 22 octobre 1905 à Budapest (Hongrie), mort le 7 août 1969 à La Roche-Guyon (Val-d’Oise) ; compositeur ; résistant.

Fils de Bernard Kozma, instituteur d’origine modeste qui fonda une école de sténodactylographie à Budapest et de Zelma Austerlitz, issue de la bourgeoisie, Joseph Kosma grandit dans un environnement musical. Sa grand-mère maternelle fut élève de Franz Liszt, il entra lui-même à l’Académie du même nom où il fut disciple de Béla Bartók. Il obtint son baccalauréat en juin 1923 mais put difficilement poursuivre ses études à l’université du fait de l’imposition du numerus clausus appliqué aux étudiants d’origine juive sous le régime du dictateur Horthy.

En 1929, il décrocha une bourse d’études pour l’Institut hongrois de Berlin. Sur place, il rencontra Bertolt Brecht et les artistes et intellectuels de l’avant-garde berlinoise. Il prit part aux revendications communistes et à la lutte antifasciste et fit la connaissance du compositeur Hanns Eisler qui exerçait alors aussi bien son art musical sous des formes savantes que populaires. De cette rencontre Kosma comprit combien les songs tels que Brecht, Kurt Weill puis Hanss Eisler les concevaient pouvaient avoir, bien au-delà des symphonies et des fugues, un impact sur la conscience populaire. Il prit part au mouvement des chorales ouvrières et écrivit ses premières chansons.

Arrivé à Paris le 29 mars 1933 avec la pianiste Lilli Apel, sa première compagne, avec laquelle il se mariera le 14 février 1939, il rencontra Jacques Prévert au cours de l’été 1935. Celui-ci écrivait alors les dialogues et le scénario du Crime de Monsieur Lange, avec son réalisateur Jean Renoir. Prévert livra à Kosma les paroles d’une chanson pour ce film. Il en composera la musique : A la belle étoile sera leur première œuvre commune. S’en suivront plus de quatre-vingt titres dont La chasse à l’enfant (1936), En sortant de l’école (1941), Barbara (1944), Les Feuilles mortes (1947), Et puis après (Je suis comme je suis) (1948).

Inspiré par les lieder de Franz Schubert et de Gustav Mahler, les mélodies de Joseph Kosma et les paroles de Jacques Prévert séduiront plusieurs interprètes dont Agnès Capri, Jacques Douai, Les Frères Jacques, Juliette Gréco, Yves Montand* Germaine Montero, Mouloudji*, Marianne Oswald*, Tino Rossi, Catherine Sauvage* et Cora Vaucaire qui fut la première interprète des Feuilles mortes. Devenu un standard international à partir de 1949 sous le titre d’Autumn Leaves, il existe aujourd’hui plus de 600 versions de cette chanson. Il mettra également en musique de nombreux autres poètes et écrivains parmi lesquels, Jean Anouilh, Louis Aragon, Francis Carco, Eugène Guillevic, Madeleine Riffaud, Raymond Queneau, Jean-Paul Sartre*. « Aux temps les plus sombres, à titre de protestation contre les persécutions antisémites », Joseph Kosma publiera en 1935, Les chants du ghetto, recueil pour piano à partir des mélodies populaires juives, qu’interprétera plus tard sa seconde femme Marie Merlin. Entre 1935 et 1965, il composa plus de 130 musiques de films dont dix pour Jean Renoir (Une partie de campagne ; La grande illusion ; La Marseillaise ; La bête humaine, etc.) et cinq pour Marcel Carné dont celles des Enfants du Paradis, des Portes de la nuit et de Juliette et la clé des songes pour laquelle il obtint en 1951 au festival de Cannes le prix de la meilleure partition musicale.

Entre avril 1941 et janvier 1942, menacé par les lois antisémites de Vichy, Kosma rejoignit Prévert et d’autres amis à Tourettes-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes où il signa ses œuvres sous d’autres noms que le sien. Après un séjour cannois, il y revint de septembre 1943 à juin 1944 en clandestinité. De fin juin à fin août il rejoignit l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) fit partie du groupe Ginette (FFI R2) dans le maquis de Gréolières Thorenc. Blessé en service commandé au-dessus de Vence le 28 août 1944, il ne rentra à Paris que fin octobre. Le 15 juin 1945, le théâtre Sarah Bernhardt accueillit la première représentation de son ballet Le Rendez-vous écrit pour la compagnie Roland Petit (ou l’on distinguera pour la première fois la mélodie des Feuilles mortes), puis le Théâtre Marigny présentera l’année suivante la création de la pantomime Baptiste, avec Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud et Marcel Marceau, pantomime créée dès 1943 pour Jean-Louis Barrault dans le film de Marcel Carné Les Enfants du paradis dont Joseph Kosma réalisa la composition en clandestinité (à la sortie du film les orchestrations et arrangements sont signées Maurice Thiriet). Joseph Kosma n’obtiendra sa naturalisation française qu’en octobre 1948. Trois ans plus tard, il créa au Festival de la Jeunesse de Berlin-Est avec la Chorale Populaire de Paris l’oratorio À l’Assaut du ciel (Hommage à la Commune de Paris) sur des paroles d’Henri Bassis. Le 19 juin 1959, c’est encore à Berlin, mais cette fois à la Deutsche Staatsoper qu’il présenta, sur un livret de Jacques Gaucheron, son premier opéra Les Canuts (Die Weber von Lyon) inspiré par la révolte des tisserands lyonnais de 1831. Il fut repris à l’Opéra de Lyon les 11 et 12 avril 1964 puis à Prague et à Budapest.

À la fin de sa vie, Joseph Kosma composa Les Hussards, opéra en deux actes d’après la comédie de Pierre-Aristide Bréal (créée en 1954 par la Compagnie Jacques Fabbri), dont il ne vit pas la création à Lyon le 21 octobre 1969.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136500, notice KOSMA Joseph [KOZMA Joseph] par Cécile Prévost-Thomas, version mise en ligne le 2 avril 2011, dernière modification le 3 septembre 2016.

Par Cécile Prévost-Thomas

ŒUVRE CHOISIE : Joseph Kosma. Les Canuts. Collection « Le Verbe et la musique », ADES, 14038, juin 1981 (33 tours). — 26 chansons par Joseph Kosma, d’après Aragon, Desnos, Prévert, Queneau, Opus 111, OPS 30-92. Atelier lyrique de l’Opéra de Lyon, Direction : Claire Gibault, Piano et études musicales : Françoise Tillard, Opéra de Lyon, juin 1993. — Chansons de Joseph Kosma, Harmonia Mundi 2006, ZZT061001 (CD : 30 chansons de Joseph Kosma interprétées par François Masset, (Soprano), Christine Icart, (Harpe) et DVD : Joseph Kosma « autour de l’enregistrement » et clips de En sortant de l’école – Les enfants qui s’aiment – La Fourmi – Fille d’acier – On frappe – Barbara). — Joseph Kosma, Itinéraire d’un génie, Milan, Mai 2010 (CD de 20 titres)

SOURCES : Arch. Fonds Joseph Kosma disponible à la Médiathèque Musicale Mahler (Paris, 8e). — Michèle Alten, Musiciens français dans la guerre froide (1945-1956), L’indépendance artistique face au politique, L’Harmattan, Coll. « Logiques sociales », Série « Musique et champ social », 2000, 220 p. — Maurice Fleuret, (dir.), Joseph Kosma, 1905-1969, un homme, un musicien, La revue musicale, n° 412-413-414-415, Richard Masse, 1989, 293 p. — Marie Kosma-Merlin, (dir.), Les canuts 1831, la musique est aussi une aventure : extraits des carnets de Kosma, Paris, Les Amis de J. Kosma, 1982, 24 p. — Élisabeth Manche, Musique et Cinéma, Un musicien : Joseph Kosma, Un film : Une partie de campagne, Université de Paris Sorbonne, UFR de Musicologie, décembre 1983, mémoire de maîtrise, 218 p. . — Musiques de Films, Joseph Kosma, un film de Serge Le Péron, produit par Yves Jeanneau et Christine Le Goff, Les Films d’Ici, Alternate Current – La Sept Arte - Imalyre – France Supervision – Le Centre Georges Pompidou – 1996, 54’40. — Doan Bui, Isabelle Monnin, Ils sont devenus français. Dans le secret des Archives, Point, 2011, p. 401-411.

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