LE PORS Anicet. Pseudonyme : Alexis Cousin

Par Claude Pennetier

Né le 28 avril 1931 à Paris (XIIIe arr.) ; ingénieur de la météorologie nationale puis économiste ; militant communiste ; collaborateur de Georges Marchais ; membre du comité central du PCF (1979-1993, démission) ; syndicaliste CGT ; sénateur des Hauts-de-Seine (1977-1981) ; conseiller général des Hauts-de-Seine (1985-1998) ; ministre de la Fonction publique et des réformes administratives (1981-1983), secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et des réformes administratives (1983-1984) ; un des quatre ministres communistes du gouvernement de Pierre Mauroy ; conseiller d’État ; démissionne du Parti communiste en 1994 ; président de chambre à la Cour nationale du droit d’asile.

Anicet Le Pors (à droite) avec Georges Thorrand (à gauche), maire communiste de Miramas, en 1984, lors de l’inauguration du Centre Technique Municipal [photo extraite du bulletin d’information de la commune].

Fils de François Le Pors, cheminot et en complément fort aux Halles, et de Gabrielle Groguennec, un temps ouvrière raffineuse à la sucrerie Say, sympathisants communistes dans les années soixante, Anicet Le Pors avait un frère pilote de l’Aéronavale. Ils habitèrent dans le XIIIe arr., à Choisy-le-Roi, à Aubervilliers et au Pré-Saint-Gervais. La famille était bretonne du Léon, catholique comme il se doit pour des Léonards et marquée par le monde agricole ; elle retourna en Bretagne en 1969. Anicet Le Pors connut Plouvien, commune d’origine de la famille, pendant les vacances et sous l’Occupation et apprit même le breton. Resté attaché à la Bretagne, il fut, la notoriété venue, président d’honneur de la Fédération des associations bretonnes de la région parisienne.

Il fréquenta l’école primaire, un cours complémentaire de la rue Manin (Paris XIXe arr.), obtint le brevet élémentaire, puis entra au collège Arago et au lycée de la place de la Nation. Titulaire du baccalauréat, il entra par concours à l’école de météorologie. Après son service militaire dans la Marine comme officier, il débuta des études de droit et devint ingénieur météorologiste, métier qu’il exerça pendant douze ans. L’administration le nomma d’abord au Maroc où il adhéra à la CFTC puis à la CGT en 1955 à Casablanca, mais il écrit : « J’avais de bonnes raisons de ne pas adhérer au PC, avec de nombreuses préventions : le stalinisme, l’autoritarisme, plus tard Budapest ».

Chrétien, il se tourna au début des années 1950, vers Témoignage chrétien et adhéra à Jeune République, en 1954, dans la lignée du Sillon. Revenu en France en 1957, affecté au service de l’aérologie, quai Branly à Paris, ses amis de militantisme syndical en firent un compagnon de route communiste. Au lendemain du référendum du 28 septembre 1958, reconnaissant au Parti communiste pour sa campagne du « Non », et pour réagir contre la modestie des suffrages, il adhéra : « J’adhère au parti communiste, sans joie, mais parce qu’il le faut » déclara-t-il au secrétaire de la cellule de la Météorologie. Il se maria en 1959 avec Claudine Carteret, infirmière diplômée d’État.

Anicet Le Pors pensa que pour militer efficacement, un militant comme lui devait aider à relever le défi de la compétence économique. Il prépara donc une licence de sciences économiques et fit plus tard une thèse d’État (1975), poursuivant parallèlement, et sans problème, un militantisme intense et une promotion dans les organismes du ministère de l’Économie : chef de la division de l’Industrie en 1965, directeur de la mission interministérielle de l’Immigration en 1976. Il travailla sur la politique industrielle et les transferts financiers entre États et industrie, répondant au besoin du pouvoir gaulliste sur « l’impératif industriel » comme à sa participation aux débats de la section économique du PCF qui était à l’heure de la théorie du « capitalisme monopoliste d’État » (voir Paul Boccara. Mais c’est sous le pseudonyme d’Alexis Cousin, qu’il participa au comité de rédaction de la revue Économie et politique, clandestinité qu’il ne put maintenir pendant le mouvement de mai 1968. Dans les années 1970, il dirigea le département « Nationalisations et politique industrielle » de la section économique du PCF.

Proposé par sa direction pour passer un an au Centre des hautes études de l’armement (CHEAR) en 1974, il fut finalement écarté, le ministère de tutelle lui refusant l’agrément « secret défense ». Candidat contre Jean-Pierre Fourcade aux municipales de 1971 à Saint-Cloud et aux cantonales de 1973, il utilisa la situation contre son ancien adversaire, ministre de l’Économie. Celui-ci se dédouana en lui proposant de diriger une étude sur l’immigration. Deux ans plus tard, devenu sénateur communiste des Hauts-de-Seine, il quitta le ministère de l’Économie, mais prolongea par l’enseignement supérieur, à Paris XIII et à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), son intérêt pour l’économie. Il entra au comité central du PCF lors du XXIIIe congrès (mai 1979), à un moment où les orientations politiques suite à la rupture du Programme commun, ne semblaient pas correspondre à son profil. L’éloignement massif des universitaires lui ouvrit les portes et il entra au secrétariat de Georges Marchais, pour qui il eut une sympathie personnelle. Il influa sur les choix économiques, contribuant aux discours, et livres de Marchais et de Charles Fiterman. Il participait à la commission « Nationatisations et politique industrielle » du comité central. Le Parti communiste lui demanda d’accepter la fonction de ministre délégué de la Fonction publique et des réformes administratives auprès du Premier Ministre après la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles et les élections législatives de juin 1981. Anicet Le Pors aurait souhaité le ministère des PTT qui revint au socialiste Louis Mexandeau. Il choisit comme directeur de cabinet un syndicaliste, René Bidouze. Il était donc un des quatre ministres communistes avec Charles Fiterman, Jack Ralite* et Marcel Rigout* ; si tous en imposèrent par la qualité de leur travail, aucun n’en sortit politiquement indemne. En mars 1983, son poste fut revu à la baisse : secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargé de la Fonction publique et des réformes administratives. On lui doit l’élargissement de la Fonction publique aux collectivités territoriales, aux établissements hospitaliers et aux établissements publics de recherche. Il est difficile de faire la part, dans l’évolution de ses fonctions, de l’influence décroissante du Parti communiste et des jugements sur son action ministérielle. Réputé habile et talentueux, il rencontra des obstacles, notamment du côté de Jacques Delors, ministre de l’Économie. Son action ministérielle prit fin en juillet 1984. L’année suivante il fut nommé conseiller d’État, membre de la section du contentieux et de la section des travaux publics.

Réelu au comité central en février 1982, conseiller général des Hauts-de-Seine, canton de Nanterre Sud-Est de 1985 à 1998, il était entré dans une hostilité frontale à la direction de Georges Marchais au comité central du 22 décembre 1990, refusant de voter le rapport introductif du secrétaire général jugé « personnel » et non « collégial », se prononçant pour un « parti de droit », et proposant la non-réélection de Georges Marchais. Le rapport fut voté à l’unanimité moins une voix, la sienne. Marchais déclara qu’il avait eu raison d’exprimer son avis et d’émettre un vote conforme à cet avis. Anicet Le Pors démissionna du comité central du PCF le 4 juin 1993 et du Parti communiste en 1994.

Il fut menacé d’être éliminé des instances dirigeantes de France-URSS sur lesquelles Roland Leroy* exerçait une influence déterminante, dit-il, mais sur une intervention ferme du professeur de droit constitutionnel François Luchaire, membre de la direction de l’association, menaçant de démissionner si la proposition de Roland Leroy était maintenue, ce dernier la retira. Au contraire, dans les Hauts-de-Seine, malgré quelques tensions, il fut représenté en 1992 et garda son mandat jusqu’en 1998. Sa tentation de participer au courant des « rénovateurs » ne dura guère. Pour les élections européennes de 1994, il se présenta sur une liste intitulée « L’Autre Europe » avec Jean-Pierre Chevènement et Gisèle Halimi, liste opposée au traité de Maastricht et qui n’obtint que 2,5 % des voix. Il se consacra à l’écriture avec, en 1993, Pendant la mue, le serpent est aveugle et une pléiade de livres consacrés à la vie sociale et politique. Il se préoccupa d’« identité » et de citoyenneté et occupa la fonction de président de chambre à la Cour nationale du droit d’asile

Anicet Le Pors pense que sa dimension « d’expert » lui donnait une place à part dans le système communiste, respecté, écouté, mais en dehors de la concurrence pour les postes de pouvoir. Il affirme avoir gardé toujours un « quant à soi » « qui tenait sans doute à [s]es origines et à [s]on parcours antérieur ». « J’ai vécu ma dissidence sans souffrance majeure » disait-il.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141590, notice LE PORS Anicet. Pseudonyme : Alexis Cousin par Claude Pennetier, version mise en ligne le 16 mai 2021, dernière modification le 24 février 2022.

Par Claude Pennetier

Anicet Le Pors (à droite) avec Georges Thorrand (à gauche), maire communiste de Miramas, en 1984, lors de l’inauguration du Centre Technique Municipal [photo extraite du bulletin d’information de la commune].
En 2020

ŒUVRE : Les entreprises publiques (en collaboration), Éditions sociales, 1975. — Les Transferts État-industrie en France et dans les pays occidentaux, La Documentation française, 1976. — Les Béquilles du capital, Éditions du Seuil, 1977. — Changer l’économie, trois clés et un calendrier (en collaboration), Éditions sociales, 1977. — Marianne à l’encan, Éditions sociales, 1980. — Contradictions (entretiens avec Jean-Marie Colombani), Messidor, 1984. — L’État efficace, Robert Laffont, 1985. — Pendant la mue le serpent est aveugle, chronique d’une différence, Albin Michel, 1993. — Le Nouvel Âge de la citoyenneté, Éditions de l’Atelier, 1997. — Éloge de l’échec, Le Temps des cerises, 2001. — L’Appropriation sociale (en collaboration), Éditions Syllepse et Fondation Copernic, 202. — La Citoyenneté, PUF, coll. « Que sais-je », 1999. — Le Droit d’Asile, PUF ; coll. « Que sais-je », 2005. — Juge de l’asile, Michel Houdiard, 2010. — Les Racines et les Rêves, Éditions Le Télégramme, 2010. — Avce G. Aschieri, La Fonction publique du XXIe siècle, Ed. de l’Atelier, 2015

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Fonds Anicet Le Pors, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (393 J), inventaire en ligne. — Anicet Le Pors, Les racines et les rêves, Éditions Le Télégramme. — Philippe Robrieux, Histoire intérieure du Parti communiste, t. 4, p. 392-393 ; la biographie Anicet Le Pors contient des développements riches sur son action gouvernementale, ses rapports et ses missions. — Ville de Miramas (bulletin municipal d’information), juillet 1984 [photographie]. — Notes de Paul Boulland.

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