MARESTAN Jean [HAVARD Gaston, dit] [Dictionnaire des anarchistes]

Par René Bianco, notice complétée par Marianne Enckell

Né le 5 mai 1874 à Liège (Belgique), mort le 31 mai 1951 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; anarchiste ; militant du néo-malthusianisme ; franc-maçon.

Jean Marestan, de son vrai nom Gaston Havard, aurait été le fils naturel d’un médecin belge ; la famille de sa mère, une Française musicienne et peintre, s’était exilée après la guerre franco-allemande.

Des revers de fortune l’obligèrent à interrompre des études médicales et il vint à Paris, attiré par les lettres. Il s’installa sur la Butte Montmartre et fréquenta les ateliers de peintres, les milieux artistiques et connut les littérateurs d’avant-garde.
Il adhéra très vite au mouvement anarchiste : on trouve son nom dans les carnets de Sébastien Faure en 1894. Il compta parmi les premiers rédacteurs du Libertaire, fondé en février 1895 par Sébastien Faure et Louise Michel. Plus tard, il collabora aussi à l’anarchie (n° 1, 13 avril 1905), organe de Libertad et, peut-on dire, des illégalistes ; mais Marestan dénoncera "le préjugé de l’illégalité" (l’anarchie, 28 janvier 1909) et, dès 1906 — l’affaire Bonnot est de 1912 — il s’élèvera contre "l’espèce d’auréole dont les révolutionnaires, d’esprit plus romanesque que positif, avaient paré la silhouette du trimardeur et de l’assassin" (L’anarchie, 1er novembre 1906).

Marestan fut attiré un moment par les milieux magnético-spirites. C’est à cette occasion qu’il se découvrit des talents de guérisseur, qu’il exerça ensuite pendant longtemps. Il publia en 1901 à Paris une plaquette éditée par la Société des journaux spiritualistes réunis, Le Merveilleux et l’Homme coupé en morceaux.

Il s’installa à Marseille en 1903, 10 boulevard Philippon, et anima le groupe de jeunes sympathisants libertaires Les Précurseurs. Dès cette époque, il commença à se faire connaître comme conférencier. Les problèmes sexuels l’intéressaient avant tout et il se joignit bientôt au groupe des néo-malthusiens, apportant son concours à Génération consciente fondée en 1908 par Eugène Humbert. En 1910, Jean Marestan publiait aux éditions de La Guerre sociale son livre L’Éducation sexuelle qui obtint un réel succès, fut traduit en cinq langues et réédité plusieurs fois en France.

À Marseille, l’activité de Jean Marestan fut grande et il devint vice-président de la section des Bouches-du-Rhône de la Ligue des Droits de l’Homme et président d’honneur de la Libre Pensée.

De 1912 à 1913 notamment, il parcourut la France entière, donnant des conférences sur l’éducation sexuelle et le problème des familles nombreuses. Parallèlement, il se dépensait en faveur du mouvement antimilitariste et contre les bagnes militaires qu’il avait eu l’occasion d’approcher au cours d’une enquête en Algérie.

En 1914, il fut mobilisé dès le début des hostilités au 42e régiment d’infanterie à Carqueiranne dans le Var puis au 112e régiment d’infanterie, enfin muté dans le service sanitaire et affecté comme infirmier à l’Hôtel-Dieu à Paris.

Après la guerre, Marestan fit de nombreuses conférences dans la région marseillaise et prit part à diverses campagnes de solidarité. Il essaya d’aider Frédéric Stackelberg, emprisonné à Marseille en 1919 et gravement malade. Il parla notamment "Pour l’amnistie intégrale, contre la guerre" en mai 1924, avec Germaine Berton et Chazoff, et sur "Éducation sexuelle intégrale, liberté sexuelle et amour libre" en janvier 1927, avec E. Armand, et fit des causeries sur la libre pensée, le communisme, le soutien aux victimes de la répression en Espagne.

Mais c’est le néo-malthusianisme qui l’occupa avant tout. Une réédition de son livre sur l’éducation sexuelle lui valut en 1920 un contrôle durable de la police, bien qu’il ait proposé de le retirer de la vente et d’en faire une nouvelle version qui n’enfreindrait pas la loi.

Il fut initié à la franc-maçonnerie et fréquenta la loge La Parfaite Union de Marseille. Il était aussi en correspondance avec Max Nettlau, à qui il prêtait des livres et des journaux, et Charles Hotz.

Marestan, qui ne fut, "à aucune époque, un orthodoxe de l’anarchisme" (cf. sa controverse avec Sébastien Faure, La Voix libertaire, octobre-novembre-décembre 1931), éprouva certaines sympathies pour l’URSS comme en témoigna sa polémique avec Voline dans L’En-Dehors (septembre 1932 à janvier 1933). En 1936, après un voyage en URSS, il tenait "pour profondément injuste" de ne pas faire de distinction entre les régimes fascistes d’Italie et d’Allemagne et celui de "l’actuelle Russie rouge, alors même que cette dernière n’aurait pas évolué dans un sens absolument conforme à celui de nos espérances" (La Voix libertaire, 24 octobre 1936).

Après son voyage, il publia un ouvrage, L’Émancipation sexuelle en URSS. Par ailleurs, il rédigea de nombreux articles pour l’Encyclopédie anarchiste de S. Faure. En juillet 1936, il avait participé au congrès de la Ligue des Droits de l’homme à Dijon.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marestan s’occupa d’insoumission et de résistance. Il fut arrêté le 26 février 1943 et resta emprisonné une centaine de jours à la prison Saint-Pierre de Marseille. Après la Libération, il maintint des rapports étroits avec les milieux anarchistes. En 1949, il effectua, sous l’égide de la Fédération anarchiste, une série de conférences sur "l’Éducation sexuelle", à Clermont-Ferrand, Saint-Étienne et Roanne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153693, notice MARESTAN Jean [HAVARD Gaston, dit] [Dictionnaire des anarchistes] par René Bianco, notice complétée par Marianne Enckell, version mise en ligne le 22 mars 2014, dernière modification le 16 septembre 2022.

Par René Bianco, notice complétée par Marianne Enckell

SOURCES : État-civil de Marseille. — Arch. Nat. F7/13 053. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 1M805. — René Bianco, Bulletin du CIRA-Lausanne n° 15, 1967. — Notes de Thierry Bertrand et de Françoise Fontanelli. — IISG Amsterdam, Eugène Humbert Papers, Max Nettlau Papers.

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