MARIN Eugène Gaspard [dit Gassy] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy

Né le 8 octobre 1883 à Watermael-Boitsfort ; mort le 27 septembre 1969 à Whiteway (Grande-Bretagne) ; peintre décorateur, typographe puis anthropologue ; anarchiste.

Issu d’un milieu aisé, Eugène Gaspard Marin fut révolté par la misère ouvrière et influencé par la lecture de Tolstoï.

C’est en assistant à un meeting anarchiste dénonçant les horreurs de la guerre russo-japonaise qu’il rencontra pour la première fois Émile Chapelier et qu’il s’orienta peu à peu vers l’anarchisme.

Le 21 septembre 1905, il s’installa dans le milieu libre végétarien L’Expérience, fondé à Stockel-Bois par Émile Chapelier et sa compagne Valentine David. Devenu un proche ami de Chapelier, il le seconda dans ses conférences et dans ses publications. Il devint également un des piliers de la colonie, veillant sur l’administration – le courrier lui était adressé, les contrats étaient conclus à son nom, et il fut l’imprimeur-gérant des journaux publiés par la colonie.

Une fois installé, Gassy Marin écrivit dans L’Insurgé, organe du Groupement communiste libertaire (GCL) auquel la colonie L’Expérience était affiliée. Lors du congrès du GCL le 22 juillet 1906 à Stockel-Bois, il fut décidé que L’Insurgé serait rebaptisé L’Émancipateur, la rédaction étant confiée à Émile Chapelier, Georges Thonar continuant à l’imprimer. Marin seconda alors Chapelier dans la rédaction. L’Émancipateur capota cependant dès le mois de décembre suite à une polémique : on lui reprochait d’être davantage l’organe de la colonie L’Expérience que du GCL. Dès novembre, Thonar reprit le contrôle du journal. Fâchés, Chapelier et Marin démissionnèrent du GCL.

Espérantiste militant, Marin rédigea avec Émile Chapelier Les anarchistes et la langue internationale espéranto, dont le texte servit de rapport à Émile Chapelier au congrès international d’Amsterdam en 1907.

Quand la colonie L’Expérience se dota en juin 1907 de son propre organe, Le Communiste, Gassy Marin en fut l’imprimeur-gérant. Il en poursuivit la publication après qu’en février 1908 la colonie L’Expérience s’était dissoute.

Le Communiste devint alors l’organe officieux d’un nouveau groupe auquel Gassy Marin appartint : le Groupe révolutionnaire de Bruxelles, qui vit émerger une nouvelle génération d’anarchistes de tendance individualiste et illégaliste, avec notamment Édouard Carouy, Jean De Boë, Rhillon, Victor Kibaltchiche (Victor Serge) et Raymond Callemin. Ce groupe ne se disant plus vraiment communiste, Marin rebaptisa le journal en août 1908 Le Révolté.

Autour du Groupe révolutionnaire de Bruxelles se créa en juillet 1908 une Fédération anarchiste de Belgique, qui fut en fait davantage un réseau qu’une fédération : ni statuts, ni responsables, ni cotisations. Le Groupe révolutionnaire de Bruxelles était plutôt en froid avec les « vieux » militants Thonar et Chapelier, et Gassy Marin attaqua son ex-camarade Chapelier dans le numéro unique du Démolisseur, qu’il imprima en mars 1909.

En juin 1909, devant les difficultés croissantes, Gassy Marin quitta le journal Le Révolté.

Sous la pression de son père, qui n’avait cessé de l’aider financièrement, il quitta alors la Belgique pour se faire oublier quelque temps, avec la compagne qu’il avait rencontrée à la colonie, Jeanne Martin. Ils voyagèrent en Grèce et revinrent à Bruxelles en 1910 où ils suivirent des cours de sciences sociales à l’Université nouvelle.

C’est là qu’Eugène Gaspard Marin découvrit l’anthropologie. Il étudia jusqu’en 1914 puis, à la déclaration de guerre, il s’insoumit et passa en Grande-Bretagne avec sa compagne. Ils s’installèrent et vécurent alors dans la colonie tolstoïenne de Whiteway, près de Stroud (voir Thomas Keell). Il fut secrétaire de la colonie de 1914 à 1928 et y fonda une école qui exista de 1920 à 1936.

De 1928 à 1938, Eugène Gaspard Marin voyagea à travers le monde, vécut la vie des habitants de Somalie, Inde, Sumatra ou de la Chine, et effectua un important travail d’observation anthropologique, qui fut relativement peu publié. En 1985, le Museum of Mankind récupéra une partie de ses archives jusqu’alors conservées par la colonie de Whiteway et entama leur dépouillement dans les années 1990.

Voir aussi la notice de Jacques Guillen, MARIN Eugène Gaspard, dit Gassy, dans le Dictionnaire Maitron Belgique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155293, notice MARIN Eugène Gaspard [dit Gassy] [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, version mise en ligne le 14 avril 2014, dernière modification le 6 juillet 2021.

Par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy

SOURCES : Jan Moulaert, Le Mouvement anarchiste en Belgique 1871-1914, Quorum, 1996 — Jacques Gillen, Les activités en Belgique d’un anthropologue anarchiste : Eugène Gaspard Marin (1883-1969), mémoire de licence, université libre de Bruxelles, 1997 — René Bianco, "Un siècle de presse…", op. cit.

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