BANCIC Olga [BANCIC Golda, dite Pierrette]

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Née le 10 mai 1912 à Kichinev (Roumanie), guillotinée le 10 mai 1944 à Stuttgart (Allemagne) ; étudiante ; résistante FTP-MOI, la seule femme du procès dit de l’Affiche rouge.

Fille de Noé et de Marie, née Zezins, Golda Bancic naquit en Bessarabie dans une famille juive. Son père était petit fonctionnaire. Elle milita très tôt aux Jeunesses communistes et fut arrêtée à seize ans par la police roumaine. Elle était la sixième enfant d’une famille de petits fonctionnaires, Dès l’âge de douze ans, elle était apprentie matelassière. Elle participa à une grève, arrêtée et maltraitée, puis relâchée. À nouveau arrêtée pour faits de grève elle fut détenue trois mois.
Mariée à seize ans et demi à Jacob Salomon dit Alexandru Jar, elle partit à Bucarest, adhéra aux Jeunesses communistes. Elle manifesta quelques mois plus tard, interpellée, jugée elle était condamnée à deux ans de prison. Sa peine terminée, elle entra dans la clandestinité, quitta la Roumanie pour la France en 1938. Elle s’inscrivit à la Faculté des Lettres, suivit des cours jusqu’à la déclaration de guerre. Elle vécut avec Salomon Jacob qu’elle avait connu en Roumanie, le couple habita 11 Cité Popincourt, puis 60 rue Saint-Sabin (XIe arr.).
Début 1939, elle accoucha d’une petite fille qu’elle prénomma Dolorès en hommage à Dolorès Ibarruri, la Passionaria. Elle fut vendeuse dans le magasin de confection pour dames de madame Gelfast rue Monge à Paris (Ve arr.). Dès le début de l’Occupation, elle participa aux activités de la Main-d’oeuvre immigrée, puis rejoignit les FTP-MOI, matricule 10011. Sous le pseudonyme de Pierrette, elle assurait le transport des armes et des munitions lors des actions. Elle fut par la suite chargée du dépôt des armements. Elle loua en juin 1943 une chambre au 6e étage du 3 rue Andrieux à Paris (VIIIe arr.) sous le nom de Martin domiciliée 8 rue des Ciseaux (VIe arr.) Olga Bancic y entreposa dans la chambre des armes. Elle demeurait 114 rue du Château à Paris (XIVe arr.).
Le 16 novembre 1943 vers 13 heures 30, elle était arrêtée rue du docteur Paul-Brousse, (XVIIe arr.) par six inspecteurs de la BS2 lors d’un rendez-vous avec Marcel Rajman, FTP-MOI membre de l’équipe spéciale. Elle portait sur elle une fausse pièce d’identité au nom de Marie Lebon, née Petresca demeurant 60 rue Saint-Sabin à Paris (XIe arr.). Son nom figurait dans un rapport des Renseignements généraux du 15 décembre 1941 relatif à l’évasion le 23 novembre 1941 de son ami Jacob Salomon de l’hôpital Tenon (XXe arr.). Les policiers allèrent à son ancien domicile de la rue Saint-Sabin, la concierge leur remit des lettres, l’une avait été adressée à Golda Bancic, et deux plis d’huissier étaient adressés à son ami Jacob Salomon pour des arriérés de loyers.
Interrogée dans les locaux des Brigades spéciales elle fut battue à coups de nerf de bœuf. La perquisition de son domicile rue des Châteaux ne donna aucun résultat. Selon ses déclarations obtenues sous la contrainte, elle aurait accepté de garder chez elle quatre pistolets et quatre grenades. Elle portait ensuite ces armes à proximité des lieux des opérations. Elle les récupérait après et les emmenait chez elle. Elle effectua ce travail quatre ou cinq fois. Elle était rémunérée deux mille trois cents francs par mois, plus des tickets de ravitaillement. Elle affirma qu’à ce rendez-vous elle voyait Michel Marcel Rajman pour la première fois. Le 27 novembre elle était incarcérée à la prison de Fresnes.
Golda Bancic était la seule femme parmi les vingt-quatre accusés qui comparaissaient le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas, la presse collaborationniste dont Le Matin s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2.300 francs par mois ».
Les vingt-trois combattants étaient passés par les armes le 21 février 1944 au Mont-Valérien à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine). La concierge du 3 rue Andrieux s’inquiéta de l’absence de madame Martin qui de ce fait ne réglait pas la location de la chambre, elle prévint la police. Le 23 mars 1944 des policiers du commissariat du quartier de l’Europe perquisitionnèrent. Ils saisissaient des grenades, des armes de poing et des engins explosifs... La BS2 identifia Golda Bancic alias Martin.
Transférée en Allemagne, elle fut une nouvelle fois condamnée à mort à Stuttgart et guillotinée dans la cour de la prison le jour de son trente-deuxième anniversaire. Son mari, Alexandru Jar, dit Dubois, né vers 1911 en Roumanie, participa aussi aux activités du 1er détachement FTP-MOI. Il regagna la Roumanie après-guerre.
Le 4 juillet 2013, la mairie de Paris a fait poser une plaque commémorative en hommage à son action au 114 rue du Château à Paris XIVe arr.

Les armes saisies rue Andrieux

Treize grenades Mills, quatorze engins cylindriques vides, sept engins de même type remplis de mitraille, dépourvus d’explosif, huit autres chargés, dix-sept engins cylindriques vides et quatre autres remplis de mitraille mais sans explosif, deux engins incendiaires, trois mèches lentes, deux petits cordeaux détonant à la penthrite, cinq kilos de chlorate de potassium, deux bidons de cinq litres et quatre bouteilles contenant un solvant inflammable, une boite contenant quatre paquets incendiaires, une ampoule incendiaire d’origine anglaise, un frottoir pour engin incendiaire, un crayon allumeur à retardement.
Furent également saisis quatre pistolets automatique deux de calibre 6,35 mm, et deux calibre 7,65 mm et un revolver à barillet, et un sac de poudre blanche, quatre rouleaux de cordeau, soixante bombes, trois cartouchières pleines, un sac d’accessoires pour engins incendiaires, plusieurs boîtes de cartouches et balles de revolvers, une boîte de plaques incendiaires, une boîte d’explosifs.

Olga Bancic aurait jeté à travers une fenêtre une dernière lettre, datée du 9 mai 1944, adressée à sa fille, pendant son transfert à la prison de Stuttgart pour y être exécutée. La note jointe, adressée à la Croix-Rouge, précisait (texte dont l’orthographe est corrigée) :
« Chère Madame. Je vous prie de bien vouloir remettre cette lettre à ma petite fille Dolorès Jacob après la guerre. C’est le dernier désir d’une mère qui va vivre encore 12 heures. Merci. »
La lettre adressée par Olga Bancic à sa fille Dolorès :
« Ma chère petite fille, mon cher petit amour.
Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite fille, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.
Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour. J’ai toujours ton image devant moi.
Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur.
Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.
Tu ne sentiras pas le manque de ta mère. Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde.
Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.
Adieu mon amour.
Ta mère. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15575, notice BANCIC Olga [BANCIC Golda, dite Pierrette] par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 8 juin 2019, dernière modification le 8 décembre 2021.

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. GB 124, GB 137 BS2, BA 2297, PCF carton 15 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste. – DAVCC, Boîte 5, Liste S 1744 098/44 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 19, 20, 21 et 22 février 1944. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Denis Peschanski, Des étrangers dans la Résistance, Éd. de l’Atelier et Musée de la Résistance nationale, 2002 (photographie d’Olga Bancic, p. 98).

Photographies : Arch. PPo, Ed. de L’Atelier et Musée national de la Résistance

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