CAPRON Marcel, Albert

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 24 mars 1896 à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), mort le 28 septembre 1982 à Fréjus (Var) ; ouvrier tourneur ; militant communiste, maire d’Alfortville (Seine, Val-de-Marne) de mai 1929 à janvier 1940 et de mai 1941 à août 1944, député (1932-1942), rompit avec le PCF en octobre 1939 ; fondateur du Parti ouvrier et paysan français [POPF] avec Marcel Gitton, secrétaire général du parti après l’assassinat du précédent en septembre 1941.

Marcel Capron
Marcel Capron
[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Issu d’une famille ouvrière de Montereau (son père était ouvrier faïencier), Marcel Capron adhéra au syndicat des Métaux en 1912. Les différentes biographies ne donnent aucune précision sur ses activités professionnelles, militaires et militantes entre 1912 et 1927. On sait seulement qu’il dirigea plusieurs cellules et sections syndicales avant d’être désigné, en 1927, secrétaire du comité intersyndical unitaire d’Alfortville-Saint-Maurice-Charenton (siège 8, quai des Carrières à Charenton) et responsable du 13e rayon communiste de la région parisienne (Alfortville, Maisons-Alfort, Bonneuil-sur-Marne, Joinville, Charenton, Saint-Maurice, Créteil, Saint-Maur). Lors de la journée contre la guerre, le 1er août 1929, il dirigeait l’Agit-prop pour le 13e rayon. Il siégeait à la commission administrative de l’Humanité en 1930.

Sans que des documents ou des faits précis puissent étayer cette rumeur, Marcel Capron avait la réputation d’avoir, comme Renaud Jean, manifesté son esprit critique et son indépendance à plusieurs reprises, en particulier face à la politique dite « classe contre classe » au début des années 1930. Selon l’historien Jean-Paul Brunet, Marcel Capron aurait approuvé la politique unitaire de Jacques Doriot en février 1934 : « Thorez et Duclos, se montraient beaucoup moins pressés, redoutant l’émotion qu’une exclusion provoquerait à la base et, au "sommet", des défections d’hommes que l’attitude unitaire de Doriot avait convaincus, comme Renaud Jean, Capron ou Guy Jerram » (Saint-Denis la ville rouge, op. cit., p. 374).

Marcel Capron habitait à Alfortville (1, rue de la Marne), ville ouvrière dirigée par les socialistes depuis 1904 (voir Jules Cuillerier). Le Parti socialiste SFIO garda le contrôle de la municipalité après le congrès de Tours (décembre 1920) avec à la première magistrature municipale Cuillerier (décédé en 1922) puis Lucien Brenot (exclu du Parti SFIO en 1929) mais, en l’absence d’une section socialiste dynamique, l’influence communiste s’accrut à chaque consultation locale. La liste communiste animée par Marcel Capron fut majoritaire le 12 mai 1929 (2e tour) : il devint maire d’Alfortville. Le conseil municipal comprenait Adolphe Barrier (socialiste, démissionne le 9 avril 1931), Omer Bisson, Pierre Bondit (socialiste, démissionne le 9 avril 1931), Alfred Contrault (élection annulée par la préfecture), Georges Couturier, Arthur Dupré, Jean Eischen (socialiste, démissionne), Eugène Gauchard (deuxième adjoint), Jean Gouraud, Julien Hugonnet (socialiste, démissionne), Paul Labadie (troisième adjoint), Robert Lambert, Roger Lambert (premier adjoint), Eugène Lemarchand (socialiste, démissionne), Mathurin Le Quintrec, Lucien Limousin (socialiste, démissionne), René Lucas, Louis Martin (socialiste, démissionne), Théodule Masset, Camille Pillard, Édouard Préaubert, Jean Rabot (socialiste, démissionne), Jean Roche, Camille Rousseau, Gaston Ruan, Georges Trinquier (socialiste, démissionne) et Aimé Vinson. Après la démission des neuf élus socialistes SFIO le 9 avril 1931, onze communistes entrèrent au conseil le 19 avril 1931 : Paul Arduré, Albin Bastide, Arthur Dupré, Léon Guérin, Gilbert Lasséchère, Jean-Baptiste Longpré, François Paviet, Eugène Pelletier, [Léon Rivière d’Aulnay>74105], Eugène Thurin. Les élections au conseil général du 26 mai 1929, dans la première circonscription de Charenton-le-Pont, avaient confirmé la prépondérance communiste : sur 11 957 inscrits, 1 220 électeurs votèrent pour le socialiste Lucien Brenot, 2 422 pour Marcel Capron et 2 701 pour le radical Thévenin qui l’emporta au second tour, grâce au désistement de Lucien Brenot, par 4 262 voix contre 3 453. Marcel Capron conserva la première magistrature municipale après les élections de mai 1935 qui avaient permis l’entrée dans l’assemblée communale de quelques nouveaux conseillers : Gilbert Brangard, Jean Doulcet, Jules Fischer, Gilbert Guillon, Henri Hannhart, Pierre Lormier, Marcel Mougin et Charles Utard. Ses qualités de gestionnaire municipal l’avaient fait nommer trésorier de l’Association des municipalités ouvrières de la région parisienne en 1929, puis membre du bureau de l’Union des municipalités ouvrières et paysannes et de l’Association d’études et d’informations municipales. Le Parti communiste le chargea de diverses missions de propagande, en particulier en 1934 à Miramas (Bouches-du-Rhône), où avec son concours, les communistes obtinrent la majorité au conseil municipal lors d’une élection complémentaire.

Candidat aux élections législatives des 1er et 8 mai 1932 dans la 5e circonscription de Sceaux (Alfortville, Charenton-le-Pont, Maisons-Alfort, Saint-Maurice), il recueillit 6 988 voix sur 23 650 inscrits (29,5 %) et 20 627 votants. Il conquit le siège au second tour avec 9 737 voix (41,2 % des inscrits). Membre des commissions de l’Enseignement, des Beaux-Arts, des Pensions, de la Marine militaire, de l’Administration générale départementale, de l’Hygiène et de l’Économie, Marcel Capron intervint à de nombreuses reprises à la tribune de la Chambre sur la représentation proportionnelle dans les conseils municipaux (1932), la retraite des personnels de l’État (1933), la représentation proportionnelle (1934), les impôts, les HBM, etc. Les électeurs le plébiscitèrent le 26 avril 1936 en le réélisant dès le premier tour, avec 11 426 voix sur 24 960 inscrits (45,9 %) et 22 567 votants. La présence dans la même circonscription de J. Renaud, républicain national proche des courants d’extrême-droite, avait fait jouer en sa faveur le réflexe antifasciste. Il appartint aux commissions du Règlement et de l’Administration. Demeuré un parlementaire très actif, Marcel Capron déposa, au nom du groupe communiste, de nombreuses propositions de loi en faveur des Vieux travailleurs (elles sont à l’origine de l’actuel système de retraite des vieux travailleurs), sur les HBM, les personnels communaux, les grands travaux, la scolarisation prolongée, et interpella le gouvernement sur les décrets lois en 1938. Malgré ses incontestables qualités d’administrateur et de propagandiste, le maire d’Alfortville n’avait que des responsabilités limitées aux problèmes parlementaires et municipaux dans le Parti communiste en 1938 et 1939.

Le 25 août 1939 au soir, le groupe parlementaire communiste qui venait d’apprendre la signature du Pacte germano-soviétique envoya une délégation composée de Marcel Capron et Émile Dutilleul demander audience au président du conseil Daladier qui répondit par une fin de non recevoir. Non mobilisé en raison de son âge, Marcel Capron semble avoir passé le mois de septembre dans le Loiret, où la commune d’Alfortville avait sa colonie de vacances. Hostile au Pacte, il se tut et ne condamna pas immédiatement la lettre au président Herriot du 1er octobre 1939. Il fit à la presse une déclaration prudente à sa sortie du bureau du magistrat instructeur, le capitaine Moissac : « C’est à titre de témoin que j’ai été entendu. Le juge m’a d’abord demandé des précisions sur notre parti ouvrier et paysan en me faisant remarquer qu’il s’agissait sans doute d’une reconstitution du Parti communiste dissous, mais je lui ai déclaré qu’il s’agissait d’autre chose et que le nouveau parti ne devait pas recevoir d’ordres de Moscou. En second lieu, le juge m’a demandé des précisions sur notre lettre au président Herriot. Je lui ai dit que nous n’avions fait qu’user de notre prérogative de représentants du peuple en écrivant ainsi au président de la Chambre. Nous n’avions pas l’intention de rendre cette lettre publique » (Le Matin, 6 octobre 1939, cité par G. Bourgeois, op. cit.). Son attitude se modifia une semaine plus tard après l’annonce de la désertion de Maurice Thorez et le départ de Jacques Duclos, Arthur Ramette et Florimond Bonte. Il rendit publique, le 12 octobre, sa démission du Groupe ouvrier et paysan français (GOPF) (L’Œuvre, 13 octobre). Ses déclarations postérieures confirment les articles de la presse quotidienne : l’historien G. Bourgeois lui demanda, le 29 décembre 1979, si le Pacte avait été la cause de sa rupture : « Non, c’est avant tout le comportement du Parti ; celui de la direction qui s’est complètement enfuie ». (Annexes, p. 2.) Une interview publiée dans Le Matin du 14 octobre 1939 rend bien compte de la chronologie de sa rupture : après avoir affirmé qu’il était dans le Loiret lors de la rédaction et la diffusion de la lettre du 1er octobre, il déclara « je suis indigné des agissements du secrétaire général Thorez et de ceux de Ramette et Bonte qui sont en fuite au lieu de prendre leurs responsabilités. Le 3 octobre vers 19 h, j’ai appris par les journaux l’existence et l’envoi de la lettre. Le 4, en arrivant chez moi, j’en ai trouvé copie dans mon courrier. J’ai pris rendez-vous avec Renaud Jean en lui téléphonant le mercredi matin. Je l’ai retrouvé à la Chambre vers 10 h 30. Il m’a mis au courant de la discussion qu’avaient provoquée la rédaction et l’envoi de cette lettre et m’a informé qu’un deuxième document serait adressé au président Herriot pour bien préciser notre pensée. Le mercredi après-midi, j’ai assisté à une réunion du groupe où cette question a été de nouveau discutée. J’ai protesté ainsi que Renaud Jean et plusieurs collègues contre les termes de la lettre envoyée. J’ai insisté pour que la mise au point fût envoyée, déclarant que, s’il n’y était pas donné suite, je n’aurais plus qu’à me retirer du Groupe. Renaud Jean a prononcé les mêmes paroles. Le 8 octobre, avant d’être arrêté, j’ai adressé au président Herriot une lettre par laquelle je donnais ma démission du Groupe. » (cité par G. Bourgeois). Selon un rapport de police (Arch. Jean Maitron), Marcel Capron séjourna en prison du 7 au 25 octobre 1939, mais, la première date au moins est infirmée par les déclarations ci-dessus. Il revint dans sa commune d’Alfortville et s’occupa du secours d’entraide d’hiver pour la région parisienne. Marcel Capron avait été suspendu de ses fonctions de maire : le gouvernement de Vichy ne le rétablit que le 9 mai 1941. Parmi les conseillers municipaux communistes élus en 1935, dix-sept furent déchus pour appartenance au Parti communiste, quatre n’étaient signalés ni comme déchus ni comme démissionnaires, quatre autres se désolidarisèrent du PCF (Roger Lambert premier adjoint, Paul Labadie adjoint, Pierre Lormier et Eugène Pelletier).

Marcel Capron apparut comme le principal député démissionnaire présent dans la région parisienne. Le 8 décembre naquit le groupe parlementaire de l’Union populaire française dont il fut secrétaire entouré de René Nicod (président), Marcel Brout, Jules Fourrier, Paul Loubradou. Gustave Saussot les rejoignit immédiatement, imité par Fernand Valat le 30, Gilbert Declercq le 16 janvier 1940, Lucien Raux le 18 janvier, Eugène Jardon le 8 février, Sulpice Dewez, Émile Fouchard et Armand Pillot le 16 février 1940. C’est Marcel Capron qui rédigea l’appel « À tous les travailleurs, à l’opinion publique » publié en février 1940, qui expliquait en huit pages les raisons de leur rupture avec le Parti communiste. Signèrent, outre les députés déjà signalés, Marcel Gitton (député de la Seine), Charles Delval (conseiller général de la Seine), Maurice Naile (conseiller général de la Seine), Jean-Marie Clamamus (sénateur de la Seine), Léon Piginnier (député de la Seine), Vital Gayman (conseiller municipal de Paris) et Charles Rigaud (conseiller général de la Seine). Beaucoup d’entre eux rompirent avec Marcel Capron lorsqu’il s’associa avec Marcel Gitton pour créer une organisation politique sans lien avec le mouvement ouvrier. Marcel Capron raconta à G. Bourgeois : « J’ai été voir Gitton lorsqu’il a été libéré des armées. Il avait lu ma prise de position, il l’approuvait et désirait me rencontrer. J’étais à ce moment là en Dordogne. Je suis donc parti le voir. Ensuite, nous avons commencé à rassembler nos camarades et avons créé le Parti ouvrier et paysan français [POPF] dont le but n’était rien d’autre que cela. Par ailleurs, nous nous donnions comme tâche de faire libérer le plus grand nombre de communistes emprisonnés. » (Annexes p. 3.) De fait, le POPF prit contact avec les militants emprisonnés ou internés, qui semblaient en désaccord avec le Parti, en leur faisant comprendre qu’un désaveu public de la politique du PCF permettrait aux animateurs du POPF d’intervenir auprès des autorités pour demander leur libération. Le 10 juillet 1940 à Vichy, Marcel Capron mena campagne auprès des députés démissionnaires du Parti communiste pour qu’ils accordent les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Des rapports de police le présentaient par erreur comme membre du Parti populaire français de Jacques Doriot. Leur local fut pendant quelque temps attenant à celui du PPF et leurs articles paraissaient dans Le Cri du Peuple, mais le POPF garda son autonomie. Après l’assassinat de Marcel Gitton en septembre 1941, Marcel Capron devint secrétaire général du Parti. À ce titre il prépara la Deuxième « lettre ouverte » aux ouvriers communistes qui fut publiée à la fin du printemps 1942, peu après les attentats ratés contre lui-même (le 10 avril 1942) et Jean-Marie Clamamus (28 avril 1942). Cette brochure donnait la liste d’un « Comité central » du Parti ouvrier et paysan français comprenant vingt noms d’anciens communistes : Marcel Capron, Jean-Marie Clamamus, Marcel Brout, André Parsal, Fernand Valat, Albert Vassart, Armand Pillot, Camille Frey, Charles Bourneton, Léon Piginnier, Louis Berrar, Charles Rigaud, Marcel Lambry, Charles Delval, Jean Ambrogelly, Élie Bruneau, Raymond Wecksteen, Lucien Chapelain, Robert Gagnaire et Jean Palauqui. Suivaient cinquante-trois noms de « militants connus et éprouvés (qui) ont fait connaître leur approbation du texte de cette brochure » (p. 30). Or, ces communistes en désaccord avec la politique du PCF à l’automne 1939 n’avaient, semble-t-il, pas été consultés : beaucoup avaient rompu avec Marcel Capron et Marcel Gitton et certains étaient entrés dans la Résistance.

Marcel Capron fut arrêté le 12 septembre 1944 à Paris, emprisonné pendant treize mois à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) puis à la Santé. Selon son témoignage recueilli par G. Bourgeois, lors de sa sortie de la Santé (date officielle le 24 août 1945) « le directeur m’a convoqué dans son bureau et m’a dit : "Monsieur Capron, vous serez plus en sécurité en prison que dehors. Vous allez y rester sinon vous risquez d’être abattu en sortant." J’ai donc été renvoyé à Fresnes. Ensuite, j’ai été chez des amis, puis d’hôtel en hôtel afin de me cacher. » (Annexes, p. 6). Il sortit de prison le 22 juillet 1946. En avril 1948, la Chambre civique le condamna à la dégradation nationale à vie et à la confiscation des biens, mais, il bénéficia de l’amnistie d’août 1953. Il était, au début des années 1950, gérant de la parfumerie Saintonge, 63, rue de Saintonge à Paris (IIIe arr.). Il dirigea la Confédération générale des syndicats indépendants avec Sulpice Dewez et André Parsal jusqu’en 1955. Retiré dans le Midi, il vécut ensuite des revenus « d’un petit hôtel que nous avions mis en gérance ». Retraité, il mourut le 28 septembre 1982 avenue André Léotard à Fréjus. Il était alors domicilié à Saint-Raphaël (Var), Le Brasilia 2, résidence Esterel, avenue du XVe Corps.

Marié, divorcé puis remarié, Marcel Capron était père d’une fille née en 1921.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18637, notice CAPRON Marcel, Albert par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Marcel Capron
Marcel Capron
[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

SOURCES : Arch. PPo. 101 ; Ba 1715, janvier 1930. — Arch. Paris, DM3 ; versement 10441/64/2, n° 24. — Arch. Jean Maitron. — RGASPI, archives biographiques du Komintern, 495 270 4978, dossier peu intéressant. — Album des parlementaires communistes, Paris, 1936. — DPF, t. 3. — G. Bourgeois, Le groupe parlementaire communiste d’août 1939 à janvier 1940 : la question des démissionnaires, mémoire de maîtrise, op. cit. — Compte rendu du mandat de Marcel Capron. Élections législatives de 1936. Maisons-Alfort, Impr. Buscaillet, s.d. (1936), 104 p. — J. Fourrier, Graine rouge, Paris, 1983. — État civil de Saint-Raphaël, décembre 1982 (transcription), état civil de Fréjus (photocopie), 22 décembre 1982, avec mention erronée : né le 24 mars 1896 à Montereau-Fault-Yonne (Yonne) et état civil de Montereau-Fault-Yonne, 28 décembre 1982.

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