OLIVENNES Denis

Par Jean-Paul Salles

Né le 18 octobre 1960 à Paris (XVIe arr.) ; militant lycéen de la LCR à Paris dans la deuxième moitié des années 1970 ; élève à l’ENS de Saint-Cloud, puis agrégé de Lettres modernes. Ancien élève de l’ENA conseiller à Matignon auprès du Premier Ministre Pierre Bérégovoy, puis ensuite dirigeant d’entreprises.

Denis Olivennes est né à dans une famille communiste, juive, originaire d’Allemagne. Il est le fils de Maria Landau, médecin et psychanalyste, et d’Armand, Sigurd Olivennes, médecin psychiatre et poète (1931-2006). Son père, né à Berlin le 31 janvier 1931, avait décidé de franciser son nom, ce que n’avait pas fait son frère Claude Olievenstein, né lui aussi à Berlin le 11 juin 1933, décédé à Paris le 14 décembre 2008. Denis Omivennes l’expliquait ainsi : « Mon père avait un souci d’assimilation, il voulait un nom bien français. Mon oncle avait, lui, un souci d’intégration ». Cet oncle Claude, célibataire, militant politique, marqué par les travaux de Michel Foucault, a eu un rôle important dans l’éducation de Denis. Il était lui aussi médecin psychiatre, connu pour avoir fondé en 1971 le Centre Marmottan pour le traitement des toxicomanes. Refusant le sevrage comme seule méthode, il privilégiait les prises en charge de longue durée. Rouge lui rendit hommage : « avec son décès, c’est l’esprit de Mai 68 qui est en deuil » (Rouge, 18 décembre 2008). Opposé à une politique répressive, il fut l’un des premiers à préconiser l’échange des seringues pour éviter la contamination par le sida. Également professeur associé d’anthropologie à l’université de Lyon, il y anima un séminaire sur les exclus et les marginaux.
Denis Olivennes a deux frères, François l’aîné, né en 1959, médecin et professeur de médecine, un des spécialistes reconnus de la procréation assistée, et le plus jeune Frédéric, dirigeant marketing et communication à France Télévisions en 2016, puis en 2019 directeur de la société de publicité en ligne Weborama.. Issu d’une famille juive athée, il dit vivre son judaïsme comme une obligation morale : « Après la Shoah, se dérober à son identité juive serait une lâcheté », répond-il à une journaliste (Le Monde, 2 avril 2008). Avant de quitter Berlin, son père et son oncle virent un nazi gifler leur grand-père et le jeter au sol. « Mon grand-père, qui était un homme fier, s’est relevé sans mot dire, raconte Claude Olievenstein, a épousseté son chapeau et nous a repris par la main. Pour cet homme, l’humiliation a été vécue comme un écroulement total, global. Et il a eu la réaction qui, vingt ans plus tard, serait la mienne : il a revendiqué sa solidarité avec son peuple » (Le Monde, 17 décembre 2008).
Denis Olivennes fit ses études secondaires puis hypokhâgne et khâgne au Lycée Henri IV à Paris. C’est comme lycéen qu’il milita quelques années dans les rangs de la LCR. Cette organisation avait une activité suivie sur le Quartier latin au cours des années 70. Les militant(e)s, au nombre de 80 en 1978, réparti(e)s dans une dizaine de cellules, dont une cellule lycéenne de 10 militant(e)s, assuraient la vente du journal et la distribution des tracts. Ainsi, lors de l’élection législative des 12 et 19 mars 1978, la candidate de la Ligue, Blandine Vecten, employée à la FNAC, tint meeting au Lycée Henri IV devant une quarantaine de participant(e)s, « au-delà la frange gaucho (sic) habituelle » (Bilan de la cellule Lycées Quartier latin, avril 1978, in APGF). L’auteur du rapport reconnaît que « c’est surtout à Henri IV que les choses se sont passées », les Comités Rouges des Lycées Louis-le-Grand et Montaigne ayant une activité bien modeste. Admis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, Denis Olivennes fut reçu à l’Agrégation de Lettres modernes. Également diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, il fut admis à l’ENA (promotion Michel de Montaigne, 1986-88).
Au cours de ces années, comme d’autres militant(e)s de la Ligue, il se convertit au réformisme. Proche de Laurent Fabius, le jeune conseiller à la Cour des Comptes séduisit le Ministre des Finances puis Premier Ministre Pierre Bérégovoy qui le nomma, à 32 ans, conseiller technique chargé du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Il pensait encore, à cette époque, qu’on pouvait changer la vie à travers l’État. Mais quand le Premier Ministre se donna la mort en mai 1993, il fut traumatisé : « Ma vocation était publique au service de la gauche. Mais son suicide a joué un rôle de détonateur. Je n’avais pas envie de participer à ce monde-là », répond-il à la journaliste Nathalie Brafman (Le Monde, 2 avril 2008).
De ce moment date sa conversion à l’entreprise. D’Air France où il fut recruté par Christian Blanc (décembre 1993-1997) à Canal+ (Directeur général de 1999 à 2002), du groupe Pinault Printemps Redoute (PPR) à la FNAC, dont il fut PDG de 2003 à 2008, il multiplia les expériences, toujours au plus haut niveau. Sous sa direction, la FNAC, qui avait été créée dans les années 50 par un trotskyste, André Essel, vit son chiffre d’affaires augmenter de 20% en 5 ans. Les jugements des syndicalistes furent partagés, certains à Air France reconnaissant son habileté et son courage, d’autres à la FNAC le trouvant hautain et méprisant. Après avoir dirigé Le Nouvel Observateur (président du directoire et directeur de publication), il présida à partir de 2011 le directoire de Lagardère Active (Europe 1, Paris Match, le Journal du Dimanche, Newsweb). Après 8 ans à la tête de la branche médias de Lagardère, en février 2019 il devint président non exécutif de CMI France, la filiale de l’entreprise du magnat tchèque Daniel Kretinsky qui a racheté la plupart des magazines du groupe français, dont ELLE, Ici Paris, France Dimanche, Télé 7 Jours, Télé 7 Jeux, mais aussi Marianne. Un proche de Kretinsky explique que le magnat, qui a fait fortune dans le secteur de l’énergie, « garde souvent en place les managements des entreprises rachetées ». Denis Olivennes expliquait au journaliste de la revue Challenges son intérêt pour la presse par la volonté de lutter contre les « fake news » et la désinformation dangereuse pour la démocratie. Par ailleurs, cette propension à changer d’entreprise suscita l’ironie du Canard Enchaîné en 2010 : « Cet énarque normalien mondain passe d’un poste à l’autre comme une grenouille change de nénuphar » ! En 2018, il créa la société Denis Olivennes Conseil (DOC), une société de conseil en « transformation socialement négociée des entreprises ».
Parallèlement à ses activités de chef d’entreprise, il participa à de nombreux « clubs de pensée », la Fondation Saint-Simon puis En Temps réel créé en 2000, Le Siècle, et également Les Gracques. Seul ou avec d’autres, il publia des tribunes libres dans la presse, des contributions à la revue Le Débat ou des notes. Ainsi, dans un texte collectif, dont Le Nouvel Observateur publia un résumé en 2002, lui et les co-auteurs conseillaient à la gauche de reconnaître « qu’elle oeuvre dans le cadre d’une économie de marché et d’une société libérale ». Sans renoncer à lutter contre les inégalités, elle ne doit pas hésiter à promouvoir les réformes nécessaires, transformer les services publics, réformer les retraites. En 2018, en collaboration avec Mathias Chichportich, il publia le livre Mortelle transparence, chez Albin Michel.
Marié avec Angélique Bérès, avocate, le 18 juin 1988, ils ont 3 enfants, Benjamin, Simon et Paul. On le dit aussi proche de Carla Bruni. Pendant l’élection présidentielle de 2017, il s’est rapproché d’Emmanuel Macron. Il assure maintenir des relations cordiales mais distantes avec M. Sarkozy, Hollande et Macron (Le Monde, 12 février 2019). Divorcé, il vit avec Inès de la Fressange, ancien mannequin. Beaucoup reconnaissent du charme et de la pugnacité à ce boxeur amateur.
Il est chevalier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article194395, notice OLIVENNES Denis par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 7 août 2017, dernière modification le 20 mai 2022.

Par Jean-Paul Salles

OEUVRE : articles dans la revue mensuelle Le Débat. -avec Nicolas Baverez, L’impuissance publique, 1990, Seuil, Points-Politique, un appel à moderniser l’État à l’orée du deuxième quinquennat Mitterrand. — La gratuité c’est le vol : quand le piratage tue la culture, Grasset, 2007. — Avec d’autres, Contre l’archaïsme, la réforme. Le PS doit échapper au repli idéologique, Note pour la fondation En Temps réel, 2002. — avec Mathias Chichportich, Mortelle transparence, Albin Michel, 2018.

SOURCES : Bénédicte Mathieu, « Denis Olivennes, l’intellectuel rebelle devenu patron », Le Monde, 14/15 avril 2002. — Francine Rivaud, « Les barons de PPR sous pression », Challenges, n° 187, 17 octobre 2002. — Jean-Gabriel Fredet, « Denis Olivennes. Mieux-disant culturel », Le Nouvel Observateur, n° 2006, 17-23 avril 2003. — Nathalie Brafman, « Portrait de Denis Olivennes », Le Monde, 2 avril 2008, p.17.— -Didier Hassoux, Dominique Simonnot, « Denis Olivennes le nénuphar de la pensée », Le Canard Enchaîné, 8 décembre 2010, p.7. — Sandrine Blanchard, « François Olivennes. Portrait », Le Monde, 29 décembre 2006, p.13. — Carnet du journal Le Monde, 21 avril 2006, annonce du décès d’Armand, Sigurd Olivennes par sa veuve, son frère Claude et son compagnon, ses fils, ses belles-filles (Kristin Scott Thomas, Angélique Bérès, Romane Sarfati) et ses 8 petits-enfants. -Élisabeth Roudinesco, « Claude Olievenstein, auteur d’une thèse sur le LSD, fondateur du Centre Marmottan », Le Monde, 18 décembre 2008. -Annonce du décès de Claude Olievenstein et hommage, dans Rouge, n° 2279, 18 décembre 2008, p.11.— -Archives privées Gérard Filoche (APGF), Bilan de la cellule lycéenne du Quartier latin par Ravaillac, avril 1978, 1 page recto-verso ; Bilan de la campagne législative sur la section 5/6, Paris, 3 mai 1978, 3 pages recto-verso ; Perspectives pour la construction de la section Quartier latin, 2 mai 1978, 3 pages recto-verso. -André Essel, Je voulais changer le monde. De Trotsky à la FNAC, un patron révolutionnaire, Stock, 1985, rééd. augmentée, Mémoire du Livre, 2001. — Who’s who,, fiche Denis Olivennes consultée le 5 août 2017. — -Interview de D. Olivennes par Marc Baudriller, in revue Challenges, 19 janvier 2019. – François Bougon, Alexandre Piquard, « Denis Olivennes, l’ambassadeur du magnat des médias Kretinsky », in Le Monde, 12 février 2019.

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