CHÉRÈQUE Jacques

Par Jean-Marie Conraud

Né le 9 septembre 1928 à Dijon (Côte-d’Or), mort le 24 décembre 2017 ; chef de fabrication en aciérie ; militant syndical CFTC-CFDT, permanent du syndicat régional de la sidérurgie lorraine, membre du conseil de l’Union départementale de Meurthe-et-Moselle, secrétaire général de la Fédération nationale de la métallurgie CFDT, membre du bureau national de la CFDT, secrétaire national chargé des relations internationales ; préfet délégué à la réindustrialisation de la Lorraine ; militant politique, membre du comité directeur du Parti socialiste, vice-président du conseil général de Meurthe-et-Moselle ; ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l’Aménagement du territoire.

Jacques Chérèque quitta la Bourgogne à l’âge de huit ans pour rejoindre un oncle comptable à l’hôpital de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Ayant obtenu son certificat d’études primaires en 1939, il fit des études secondaires à Saint-Sigisbert à Nancy de 1942 à 1948. Il effectua ensuite son service militaire dans les parachutistes en Algérie, puis à Bayonne. Dès l’âge de quatorze ans, Jacques Chérèque était entré chez les scouts de France. Il quitta le mouvement en 1956 avec la responsabilité de commissaire chargé de la formation des jeunes.
Le 5 décembre 1949, il avait été embauché aux aciéries de Pompey (Meurthe-et-Moselle) comme OS au service thermique. Parallèlement, il suivit les cours de l’ACUCES et de l’école de la sidérurgie pour devenir successivement agent de maîtrise, puis chef de fabrication. En 1962, il fut chargé d’une mission d’assistance technique auprès d’une entreprise d’aciers spéciaux de Vittoria en Espagne.
Jacques Chérèque s’était marié le 7 novembre 1950 avec Élisabeth Colson ; le couple eut cinq garçons, dont François Chérèque*, secrétaire général de la CFDT depuis 2002.
En 1953, alors qu’il était contremaître aux Aciéries de Pompey, Jacques Chérèque adhéra à la CGC. Déçu par le comportement corporatiste manifesté par cette organisation lors d’un conflit du travail en 1959, il prit contact avec René Carème*, permanent du syndicat régional de la sidérurgie CFTC. Il démarra alors une section syndicale CFTC chez les mensuels de l’usine. Il en fut élu secrétaire. Un mois après, la nouvelle section CFTC présenta des candidats aux élections de délégués du personnel : elle obtint tous les sièges chez les mensuels et cinq sièges sur six chez les cadres. Jacques Chérèque fut élu. En 1960, la section CFTC emporta tous les sièges des deuxième et troisième collèges aux élections au comité d’entreprise. Jacques Chérèque, qui figurait parmi les élus, fut désigné au comité central d’entreprise et au conseil d’administration des Aciéries de Pompey.
Jacques Chérèque participait, avec son épouse, à Vie nouvelle. Selon son témoignage (La Rage de faire, p. 41-42), ce mouvement joua un grand rôle dans sa prise de conscience des problèmes de société, notamment ceux liés à la guerre d’Algérie. Le couple Chérèque se rapprocha ensuite de l’ACO qui, elle aussi, contribua au renforcement de son militantisme : « Un aumônier nous interpelle lors d’une recollection : "Dans la vie, on est soit un parasite, soit un militant." C’est alors que nous nous demandons, Elisabeth et moi, si nous avons vraiment une action militante. » (Ibid.)
Rapidement, les responsabilités de Jacques Chérèque s’élargirent, tant au plan professionnel qu’interprofessionnel. En 1961, il fut élu président du syndicat régional de la sidérurgie et, la même année, il entra au conseil de la Fédération de la Métallurgie. L’année suivante, il fut également élu au conseil de l’Union départementale CFTC de Meurthe-et-Moselle. À partir de septembre 1965, il fut détaché comme permanent du syndicat avec une double responsabilité : le suivi national des syndicats de cadres et d’agents de maîtrise de la fédération pendant la moitié de son temps ; l’autre moitié étant consacrée au syndicat régional de la sidérurgie CFDT. À ce titre, il dut participer à la structuration du syndicat et notamment à l’intégration des sections de mensuels. Il participa activement à l’organisation des actions pour obtenir une convention collective régionale de la sidérurgie (1966) et un volet social au premier plan de restructuration de la sidérurgie (grèves d’avril 1967). Pendant cette période, il accéda à la commission exécutive fédérale en 1966, puis fut élu secrétaire général adjoint de la fédération en 1968. De Mai 68, Jacques Chérèque conservait un souvenir joyeux : « Pour nous, en Lorraine, c’est une partie de plaisir. Tout le monde en grève, la fiesta partout, la grande euphorie démocratique. Les métallos sont considérés comme des héros par les étudiants et les gauchistes [...] je me vois encore aller prêcher dans les amphis de la fac de droit, pleins à craquer. » (Idem, p. 68) Ce fut cette année-là qu’il quitta la Lorraine pour devenir permanent national à temps plein, chargé de la branche sidérurgie. Au congrès fédéral de Dijon (1971), il fut élu secrétaire général de la fédération en remplacement de Jean Maire*. Il allait assurer cette responsabilité jusqu’en 1979. En cette même année 1971, sont nom fut évoqué pour la succession d’Eugène Descamps au secrétariat général de la CFDT. Descamps, qui se retirait pour raisons de santé, sollicita d’abord Jean Monnier qui refusa. « Si on pense à moi, c’est surtout comme quelqu’un qui est susceptible de barrer la route à Edmond Maire*. » Avec le nouveau secrétaire général, il aura des divergences sur les « pratiques plus que sur le fond » (Ibid.)
À la Fédération de la Métallurgie, au cours de cette période cruciale, il dut susciter ou gérer un certain nombre d’initiatives, relancer la négociation collective, réviser les conventions collectives, prendre en compte les mutations technologiques comme chez LIP ou les mutations industrielles qui se généralisaient, accompagner l’entrée des femmes dans des actions dures comme chez Moulinex ou chez Thomson, donner un contenu aux nouveaux droit syndicaux acquis en 1968 et à l’adhésion de la fédération à la Fédération internationale des ouvriers sur métaux (FIOM).
En 1970, Jacques Chérèque fut élu au bureau national confédéral. Au congrès de Brest, en 1979, il entra à la commission exécutive confédérale comme secrétaire général adjoint. Étant donné l’expérience des relations internationales qu’il avait acquise à la Fédération de la Métallurgie, il fut chargé du secteur international confédéral. Entre autres actions, il renoua les liens avec les syndicats européens et prépara l’entrée de la CFDT dans la CISL. Il fut également un acteur du recentrage de la CFDT sur sa mission syndicale comme outil de transformation sociale.
De 1974 à 1979, il représenta la CFDT au Conseil économique et social, siégeant à la section du développement industriel.
L’engagement politique de Jacques Chérèque débuta par son adhésion au PSU en 1966. Il quitta ce parti quelque temps après pour y revenir de nouveau en 1973. L’année suivante, il signa au côté de Jacques Moreau* l’appel aux forces socialistes politiques et syndicales qui devait déboucher sur la tenue des « Assises du socialisme » en 1974. Ce fut à ce moment-là qu’il adhéra au Parti socialiste, comme de nombreux responsables de la CFDT. Il se plaça dans le sillage de Michel Rocard* et participa à ce que les commentateurs politiques appelèrent la « deuxième gauche ».
En 1984, un nouveau plan acier vint contredire les promesses de François Mitterrand* en 1982. D’importantes manifestations furent organisées dans les régions touchées. Au cours d’un meeting à Metz le 4 avril, Jacques Chérèque déclara, en s’adressant aux manifestants : « Il y a une vie après la sidérurgie. Vous avez raison de vous battre. Mais on ne se bat pas pour un outil mais pour préparer l’avenir. » Il fut appelé alors par Laurent Fabius, ministre de l’Industrie qui venait d’être sérieusement chahuté lors d’un passage en Lorraine. Le ministre lui annonça son intention de créer un poste de préfet délégué chargé du redéploiement industriel de la Lorraine. Redynamisation industrielle rendue indispensable et urgente à la suite des différentes restructurations qui s’étaient succédé dans les mines et la sidérurgie et les pertes d’emplois qu’elles avaient entraînées. Le ministre proposa à Jacques Chérèque d’assumer cette responsabilité. Après une large consultation auprès des dirigeants syndicaux régionaux et nationaux de la CFDT, celui-ci donna une réponse favorable le 2 mai.
Le lendemain, le conseil des ministres du gouvernement socialiste dirigé par Pierre Mauroy* le nomma préfet délégué auprès du préfet de la région Lorraine. Après seize ans d’absence, il rejoignit sa région d’origine. Malgré la nouveauté de cette orientation pour un dirigeant syndical, il accepta, « l’occasion lui étant offerte de lutter à sa manière aux côtés de ses amis lorrains durement frappés en contribuant à l’éclosion de ce projet social nouveau sans lequel la rigueur n’a pas de sens, ni l’action politique de perspective ». Pendant cette période, il mit en œuvre le plan Fabius pour les mines de fer et la sidérurgie, plan prolongé en 1986 par Jacques Chirac et élargi d’abord à l’industrie textile, puis aux charbonnages. Il conduisit plusieurs opérations de redéploiement industriel et favorisa la conclusion d’une convention porteuse d’avenir, la Convention générale de protection sociale (CGPS). Il fut également l’initiateur du Plan européen de développement (PED) associant la France, la Belgique et le Luxembourg pour l’aménagement d’une zone industrielle transfrontalière dans le bassin de Longwy. Sa mission se poursuivit pendant la première cohabitation et prit fin en 1988.
Candidat du Parti socialiste, il fut élu conseiller général du canton de Pompey en 1988 à la suite de Tony Trorglic*, décédé.
Le 12 mai de la même année, il fut nommé ministre délégué, chargé de l’Aménagement du territoire et des conversions industrielles auprès du ministre de l’Industrie du gouvernement Rocard*. Il y restera jusqu’au 15 mai 1991. À cette responsabilité il relança l’aménagement du territoire dans la perspective des années 1990, en redynamisant notamment la DATAR. En 1990, il participa à Nantes au premier conseil des ministres européens chargés des problèmes d’aménagement du territoire.
Désireux de s’insérer dans la vie politique locale et déjà président de la Mission locale, il projeta de conduire une liste aux élections municipales de Pompey en 1989, mais une loi nouvelle concernant les anciens préfets ne le lui permit pas. Par contre, il fut à l’initiative de la création d’une des premières associations de développement territorial sur la vallée de la Moselle, de Nancy à Pont-à-Mousson, rassemblant les communes, quelques chefs d’entreprises et des responsables d’associations. En juillet 1989, il accéda à la présidence de l’Association pour le développement des vallées de la Meurthe et de la Moselle. Il conduisit la liste de la Meurthe-et-Moselle aux élections au conseil régional de Lorraine en 1992 et 1998.
Tout en assumant ces différentes responsabilités, il fut chargé à plusieurs reprises de missions d’études pour le gouvernement. En 1992, Pierre Bérégovoy* le chargea ainsi de dresser le bilan des activités des entreprises nationales en Corse et leur contribution au développement de la région. En 1997, Dominique Voynet lui confia également une mission d’évaluation des trois premières générations des contrats de plan en lui demandant de formuler des propositions pour les futurs contrats.
Les partis de gauche ayant obtenu la majorité au conseil général de Meurthe-et-Moselle en 1997, il fut élu premier vice-président chargé des problèmes économiques. À ce titre, on lui confia la présidence du Comité d’aménagement et de promotion de la Meurthe-et-Moselle (CAPEMM).
Jacques Chérèque avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1985 et officier (en 1993), puis commandeur (en 1999) dans l’ordre national du Mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19790, notice CHÉRÈQUE Jacques par Jean-Marie Conraud, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 23 juin 2019.

Par Jean-Marie Conraud

ŒUVRE : La Rage de faire, entretiens avec Stéphane Bugat, Balland, 2007, 285 p.

SOURCES : La Rage de faire, op. cit. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Le Monde, 27 décembre 2017 et 28 décembre.

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