DURAND Pierre, Marcel

Par Claude Willard

Né le 30 août 1923 à Mulhouse (Haut-Rhin), mort le 6 mai 2002 ; journaliste à l’Humanité (1947-1983) et historien ; dirigeant interrégional des FTPF aux côtés du colonel Fabien ; déporté à Buchenwald ; président du Comité international Buchenwald-Dora (depuis 1982).

Pierre Durand déporté, par Boris Taszlisky.

Son père, directeur de l’importante maison de transports Danzas, mourut en 1936 et sa mère - Laure, Marguerite Durand, née Wintzer - refusant de devenir Allemande en 1940 lors de l’annexion de l’Alsace, quitta Mulhouse avec ses deux enfants. Elle abandonna tous ses biens, s’installa à Lure (Haute-Saône) et entretint la famille en s’engageant comme secrétaire dans un grand garage. En 1943, elle servit d’agent de liaison au futur colonel Fabien.
Après des études secondaires à Mulhouse, puis à Lure, Pierre Durand prépara le concours de l’ENS, à Paris, en khâgne, à Henri IV. Ce fut alors que, par patriotisme, il s’engagea, en 1941, dans le mouvement de Résistance Défense de la France. En 1942, il adhéra au PC, interrompit ses études pour plonger dans la clandestinité : d’abord dans le FN à Paris, puis comme FTP à Lure. En 1943, il devint garde du corps de Fabien, puis son adjoint comme commissaire aux effectifs de l’inter-région 21, couvrant l’Est (Meurthe-et-Moselle, Haute-Marne, Vosges, Haute-Saône, Territoire de Belfort, Doubs, Jura), dont le futur colonel Fabien assumait le commandement militaire. Après la mutation de Fabien, Pierre Durand le remplaça comme commandant de l’interrégion 21. Après la guerre, il fut homologué lieutenant à titre FFI (l’état-major FTPF proposant le grade de commandant, qui lui fut refusé en raison de son âge).
Pierre Durand fut arrêté au cours d’une rafle, à Besançon, le 10 janvier 1944. Bien qu’interrogé brutalement par la Feldgendarmerie, la Gestapo et la police française, il ne fut pas identifié. Emprisonné à Besançon, il fut transféré fin avril 1944 à Compiègne. Désigné par Marcel Prenant, chef d’état-major FTP, qui le connaissait personnellement (son fils, André Prenant, fut le camarade de khâgne de Pierre Durand), Pierre Durand fut chargé d’organiser une évasion collective des « politiques », appuyée par des FTP de l’extérieur ; mais le projet tourna court : Pierre Durand et ses compagnons furent déportés en Allemagne, le 11 mai 1944.
À Buchenwald, il fut le collaborateur direct de Marcel Paul (qui rendit hommage à sa bravoure dans la préface du livre de Pierre Durand, Les Français à Buchenwald et à Dora). Avec sa connaissance de la langue allemande, Pierre Durand fut chargé des relations de Marcel Paul et du colonel Manhès avec l’organisation clandestine allemande. En même temps, il dirigea le service central de renseignement de l’état-major de la « Brigade française d’action libératrice » et prit part à la libération du camp, le 11 avril 1945. Le 19 avril, devant les 21 000 survivants, il prononça, en français, le « Serment de Buchenwald ».
À son retour, Pierre Durand fut d’abord, en 1945-1946, secrétaire fédéral du PCF de Haute-Saône et responsable de l’hebdomadaire Le Peuple comtois que dirigeait Jules Didier. Le 26 novembre 1945, il épousa une résistante, Jacqueline, Clotilde Berger, secrétaire dactylo à la direction fédérale. Le couple eut un enfant, Dominique (né en juin 1948). En 1946, Pierre Durand devint d’abord secrétaire fédéral du Haut-Rhin et responsable de l’hebdomadaire communiste L’Unité du Haut-Rhin ; à la fin de 1946, Pierre Durand fut nommé « instructeur du comité central » pour l’Alsace et la Lorraine.
Durant l’été 1947, Pierre Durand s’installa à Paris comme rédacteur à l’Humanité, où il fit pratiquement toute sa carrière professionnelle à l’exception d’un court passage à Études soviétiques ; il fut d’abord chef du service politique (en remplacement d’André Pierrard, élu député), puis rédacteur en chef adjoint ; en 1950-1951, il fut correspondant permanent en URSS. À son retour, il se consacra de plus en plus aux grands reportages, notamment en Allemagne, à la recension et à la critique des ouvrages historiques, plus spécifiquement ceux concernant la Seconde Guerre mondiale. En même temps, depuis 1953 et durant une vingtaine d’années, Pierre Durand fut le correspondant en France de Neues Deutchland ; il collabora aussi à La Tribune des Nations (dirigée par André Ulmann).
À partir de 1960, Pierre Durand multiplia les livres d’histoire, notamment sur la Résistance et la déportation ; il participa à plusieurs colloques de l’Unesco sur les problèmes de l’information. Avec Jacques Bidoux, il fut le réalisateur du film sur la campagne électorale de Jacques Duclos aux présidentielles de 1969. À la télévision, il prit part à plusieurs « Dossiers de l’écran » (d’Armand Jammot) et, à la radio, à des émissions historiques d’Alain Decaux et André Castelot.
De novembre 1958 à 1978, Pierre Durand fut candidat communiste à toutes les élections dans le XVIIe arr., où il habitait. Il siégea au comité de section du XVIIe arr., de 1958 à 1978.
En 1974, à Strasbourg, Pierre Durand devint docteur de 3e cycle en sciences juridiques, politiques et sociales, ayant soutenu une thèse : « L’Humanité dans la période de transition entre la IVe et la Ve République ».
Après la mort de Marcel Paul, en novembre 1982, Pierre Durand le remplaça comme président du Comité international Buchenwald, Dora et Kommandos, assurant à plusieurs reprises la coordination des présidents des Comités internationaux de tous les camps nazis.
Après sa retraite, en tant que membre de la rédaction en chef, en 1983, Pierre Durand continua à écrire dans l’Humanité, d’abord, pour des raisons administratives, sous le pseudonyme de Paul Dupont, puis de nouveau sous son vrai nom, surtout des rubriques historiques.
Il était commandeur de la Légion d’honneur, Croix de guerre avec palmes, Croix du combattant volontaire de la Résistance, médaille du Déporté résistant, chevalier des Arts et Lettres. Mort en mai 2002, il avait fait don de son corps à la science.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23481, notice DURAND Pierre, Marcel par Claude Willard, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 juillet 2022.

Par Claude Willard

Pierre Durand déporté, par Boris Taszlisky.

ŒUVRE : D’innombrables articles et plusieurs traductions de livres. — L’histoire vraie de la déclaration de guerre, Éditions de l’Humanité, 1959. — Vingt ans. Chronique 1945-1965, Éditions sociales, 1965. — Tout commence à Pétrograd, Fayard, 1967 (avec J.-F. Kahn). — Lénine. Citations, Éditions Tchou, 1969. — La vie amoureuse de Karl Marx, Julliard, 1970. — Louise Michel ou la révolution romantique, Livre Club Diderot, 1972. — Le livre du pain (en collaboration), Éditions du Rocher, 1973. — Vivre debout. La Résistance, La Farandole, 1974. — Les sans-culottes du bout du monde. Contre-révolution et interventions étrangères en Russie, Éditions du progrès, 1977. — Les armes de l’espoir. Les Français à Buchenwald et à Dora, Éditions sociales, 1977. — Vincent Moulia. Les pelotons du général Pétain, Ramsay, 1978. — Aujourd’hui les femmes (ouvrage collectif), Éditions sociales, 1981. — Marcel Paul. Vie d’un « Pitau », Temps actuels, 1983. — Qui a tué Fabien ?, Temps actuels, 1983. — La Chienne de Buchenwald, Temps actuels, 1985. — Cette mystérieuse Section coloniale, Messidor, 1986. — Le train des fous. Le génocide des malades mentaux en France (1939-1945), Messidor, 1988. — Louise Michel. La passion, Messidor, 1989. — Danielle Casanova. L’indomptable, Messidor, 1991. — Joseph et les hommes de Londres, Le Temps des cerises, 1994. — Jeunes pour la liberté, Le Temps des cerises, 1995. — Ite missa est, Le Temps des cerises, 1999.
En allemand : collaboration à Buchenwald, Mahung und Verfflichtung, Berlin, 1961. — Traductions : Contes de Grimm, Éditions Artia-Gründ, 1963. — Le mystérieux Oncle Jacques, Éditions Artia-Gründ, 1963. — Un train pour Toulouse, de Gerhard Léo, 1989. — Ite missa est. Récits autobiographiques, Le Temps des Cerises, 264 p, Paris, 1999.

SOURCES : Fonds Pierre Durand, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (361 J), inventaire en ligne. —Arch. comité national du PCF. — Interview en 1999. — Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la Jeunesse, Éd. sociales, 1967. — Préface de Marcel Paul à l’ouvrage de Pierre Durand, Les Français à Buchenwald et à Dora, Éd. sociales, 1977. — Pierre Durand, Ite missa est, op. cit. — Recherches iconographiques par Jean-Pierre Ravery.

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