LUCE Maximilien

Né le 13 mars 1858 à Paris, mort le 7 février 1941 à Paris ; artiste néo-impressionniste : graveur, dessinateur, peintre, aquafortiste ; militant libertaire.

Portrait par son ami Paul Signac, <em>La Plume</em>, 1891
Portrait par son ami Paul Signac, La Plume, 1891

Maximilien Luce fut élevé dans les milieux ouvriers de Montpanasse. Tout enfant, il passait son temps à dessiner. Son père, sans contrarier sa vocation, mais avec le souci de lui donner un métier, lui fit apprendre la gravure sur bois. Son apprentissage terminé vers 1876, le jeune homme travailla pour des revues tout en poursuivant son éducation de peintre, et il fit partie du groupe des néo-impressionnistes. En 1887, il exposa à la Société des Artistes indépendants dont il deviendra, après guerre, le vice-président puis, en 1934, le président.

Dès 1887, Maximilien Luce était un fidèle lecteur de Jean Grave* qui, cette année-même, faisait paraître La Révolte (elle succéda, le 17 septembre, au Révolté). En 1894, à l’époque des attentats terroristes, Luce fut détenu quarante-cinq jours à Mazas. Ce désagréable séjour lui permit du moins de réaliser une série de dix lithographies qu’il publia à 250 exemplaires sous le titre Mazas.

Durant les vingt années qui précédèrent la guerre, il collabora aux journaux anarchistes Le Père Peinard et les Temps Nouveaux, à La Voix du Peuple, organe de la CGT, à la Guerre Sociale de Gustave Hervé*.
Luce consacra en outre nombre de ses œuvres au travail et aux travailleurs. En 1911, il exposa une grande toile L’Échafaudage qu’il donna par la suite à la CGT. En février 1914, il exposa un ensemble de ses œuvres consacrées au monde du travail ; Pierre Hamp préfaça le catalogue. Une esquisse de l’exécution de Varlin figurait à cette exposition. La Commune était chère en effet au cœur de Luce qui avait personnellement assisté — il avait treize ans — à certaines scènes de tueries de la Semaine sanglante. Elles l’avaient durablement marqué et, au Salon des Indépendants de 1905, il exposa une grande toile évocatrice de ces exécutions. Il fut également impressionné par les paysages industriels de Wallonie et prit pour thème les scènes de travail ouvrier.

Maximilien Luce fut certainement le plus « engagé » des néo-impressionnistes. Beaucoup — Angrand, Paul Signac* (Luce et lui partageaient avec Paul Seurat le choix du pointillisme), Cross, les Pissarro, Van Rysselberghe, etc. — furent d’authentiques libertaires et collaborèrent volontiers aux journaux et périodiques de Grave et de Émile Pouget* ; mais Luce fut sans doute le seul chez qui l’artiste et le militant, l’art et les messages anarchistes étaient confondus.

La guerre de 1914 l’affecta profondément. Contrairement à Signac, il admit et même approuva l’attitude de Jean Grave* soutenant l’effort de guerre des Alliés, ainsi qu’en témoignent les extraits de la lettre suivante, de 1916 vraisemblablement, adressée à son ami :
“[...] Vous avez dû croire que je n’étais pas de votre avis. Non, au contraire, je vous approuve absolument. Si je n’ai pas donné ma signature à votre manifeste [dit Manifeste des Seize] c’est que j’en ai fait un cas de conscience personnel ; n’ayant personne au front et n’ayant pas particulièrement souffert de ce cataclysme qu’on nomme guerre, je n’ai pas cru devoir prendre part à aucune manifestation.
“Remarquez que cela n’est pas une critique pour votre conduite. Vous deviez, vous, étant donné votre attitude de militant, vous ranger d’un côté ou de l’autre [...] je préfère Joffre à von... et autres Allemands. Toute nation en guerre est évidemment ramenée à l’état de sauvagerie, mais chez eux, cela est méthodique et réglé d’avance [...]”. Il peignit des scènes de combat où se manifesta son horreur de la guerre.

Le 10 février 1934, il signa l’Appel des intellectuels à la lutte antifasciste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24489, notice LUCE Maximilien, version mise en ligne le 11 février 2009, dernière modification le 13 novembre 2022.
Maximilien Luce (1894)
Maximilien Luce (1894)
cc Album Bertillon
Portrait par son ami Paul Signac, <em>La Plume</em>, 1891
Portrait par son ami Paul Signac, La Plume, 1891
Une rue de Paris en 1871
Une rue de Paris en 1871

ŒUVRE : “anarchistes” (voir ci-dessus). En outre, sans prétendre à l’exhaustivité :
— Collaborations aux périodiques : Les Temps Nouveaux (1895-1914) de Jean Grave, La Sociale (1896) et Le Père Peinard (1896-1899) de Pouget, La Feuille de Zo d’Axa, n° 21 du 1er décembre 1898, Le Libertaire de Sébastien Faure (1899), La Voix du Peuple, organe central de la CGT, dont le 1er numéro parut le 1er décembre 1900 et dont le secrétaire de rédaction était Pouget, La Guerre sociale, qui parut en 1907, dirigée par G. Hervé, Les Hommes du Jour, 1909-1911. Luce collabora également à l’Almanach du Père Peinard pour 1899 et à l’Almanach de la Révolution (1902-1905). Pendant la guerre, il dessina des cartes postales vendues au profit de La Bataille (1916). — Couvertures, illustrations : Les Gueules noires, dessins d’après Meunier, 1896, nouvelle édition enrichie, 1898. — Les Aventures de Nono de J. Grave, 1903 (en collaboration avec L. Pissarro et Van Rysselberghe). — Patriotisme-Colonisation d’Élisée Reclus, 1903 (couverture). — Guerre-Militarisme de J. Grave, 1909 (collaboration). — Aux Femmes de U. Gohier (couverture). — Hommage des artistes à Picquart, préface de O. Mirbeau (collaboration). — La Mano Negra (couverture) s. d. — L’Avenir social. Cinq années d’expérience éducative, 1906-1911, par M. Vernet (couverture), s. d.

SOURCES : Thieme und Becker, Dictionnaire général des artistes, de l’antiquité à nos jours, Leipzig, vol. XXIII, p. 435. — Les Hommes du Jour, mars 1909. — R. L. Herbert, “Les artistes et l’anarchisme”, Le Mouvement social, juillet-septembre 1961. — J. Sutter, Les Néo-Impressionnistes, 1970. — A. Dardel, Étude des dessins dans les journaux anarchistes, 1895-1914, Mémoire de maîtrise, Sorbonne, 1970. — Correspondance, fonds J. Grave, déposée à l’IFHS.

ICONOGRAPHIE : J. Sutter, op. cit., portrait par Cross, p. 154, portrait par C. Angrand, p. 191, photographies, p. 191. — Les Hommes du Jour, n° 60, 13 mars 1909 (dessin).

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