FROT Maurice, Jean, Paul

Par Sylvain Boulouque

Né le 30 juillet 1928 à Decazeville (Aveyron) , mort le 6 septembre 2004 à Brunoy (Essonne) ; écrivain, auteur compositeur ; libertaire.

Maurice Frot en 1974
Maurice Frot en 1974
Cliché communiqué par Alain Meilland

Issu d’un milieu populaire rural, son père, Marcel Frot, était maréchal-ferrant (forgeron selon l’acte de naissance) et sa mère, Rose née Dauzou, sans profession. Maurice Frot se rapprocha de la Résistance, puis grâce à des faux papiers obtenus par ce biais s’engagea dans l’armée (comme parachutiste) à la Libération, âgé de dix-sept ans. Il fuyait l’ennui, sa mère, et une vie toute tracée dans un emploi de fonctionnaire ou à la mine, dont il ne voulait pas. Envoyé avec le corps expéditionnaire en Indochine, il débarqua le 8 mars 1946 à Hanoï : le 6 mars venaient d’être signés des accords reconnaissant l’indépendance de la République Démocratique du Vietnam de Hô Chi Minh au sein de l’Union française.

Démobilisé en 1948, il ne rentra à Decazeville que pour fuir à nouveau. Tenté par la pêche à la morue, il y renonça très vite : cette vie de « damnés » n’est pas pour lui. Les petits boulots se succédèrent, ; l’un d’entre eux lui fit rencontrer son épouse, Raymonde Faucher. Il se marièrent en avril 1949 et s’installèrent à Clichy. Maurice Frot obtint un emploi comme commercial dans une entreprise de contreplaqué. Mais son « expérience » indochinoise le hantait : il écrivait la nuit des dizaines de poèmes évoquant cette période, dans un cahier d’écolier. Et il déprimait, rendant la vie conjugale bien difficile. Il lisait beaucoup, commençait à fréquenter le milieu anar dont il se sentait proche, ce qui lui donna l’occasion d’entendre Léo Ferré lors d’un récital à la Mutualité. Ce qu’écrivait Léo Ferré était complètement en phase avec ce que lui-même ressentait et pensait. En 1956, le couple Frot était au bord de la rupture, alors son épouse, Raymonde Faucher, sans rien lui dire, prit les poèmes de son mari et alla sonner chez les Ferré, boulevard Pershing à Paris. Elle s’expliqua comme elle pouvait avec Madeleine qui la recevait, et demanda si Léo Ferré accepterait de lire ce qu’elle avait apporté en précisant bien qu’elle récupèrerait impérativement ces écrits le lendemain. Quand elle revint le jour suivant, ce furent Madeleine et Léo qui la reçurent : « on vous attend pour dîner samedi soir ». Au cours de cette réception, Léo Ferré lui dit simplement « Tu n’es pas poète. Mais mets-toi au boulot, et écrit un bouquin sur ce que tu as vécu là-bas ». Léo Ferré devint ainsi son ami. Maurice Frot mit sept ans à écrire Le Roi des rats : Léo Ferré avait été sans complaisance et lui fit réécrire chacune de ses versions jusqu’à ce qu’il agrée celle dont il fit la préface.

Frot et Ferré se virent beaucoup, dès que leurs activités professionnelles leur en laissaient le temps : week-end et vacances familiales, tant à Perros-Guirec qu’à l’îlot de Guesclin. Frot se passionna pour l’imprimerie à laquelle l’initia Ferré, il illustra par ses dessins les petits formats qu’ensuite ils imprimaient. Et avec "Popaul," Paul Castanier, pianiste que Léo Ferré rencontra fin 1957 "Chez Plumeau", ils formèrent un trio inséparable. En 1967, Maurice Frot franchit enfin le pas et devint à plein temps le secrétaire de Léo Ferré et son régisseur.
À ses côtés, il fréquenta le mouvement libertaire. Il participait régulièrement aux activités du groupe Louise Michel, animé par Maurice Joyeux dont il préfaça, en 1971, Mutinerie à Montluc. Il publia également plusieurs articles dans La Rue, la revue culturelle de ce groupe anarchiste. En 1973, une brouille entre les deux hommes aux caractères bien trempés mit un terme à sa collaboration avec Léo Ferré. Le contact ne se renoua vraiment qu’à la fin de la vie du chanteur.

En 1975, avec l’ancien pianiste de Léo Ferré, Paul Castanier qui s’était également brouillé avec Ferré, il monta à Marseille une pièce issue du théâtre social : Le Vide-Ordures, d’après l’œuvre du poète africain Pierre Jean Oswald, qui fut jouée au Théâtre Toursky à Marseille (Direction Richard Martin mise en scène Franck Andron). Dans les années 1970, il organisa plusieurs galas de soutien pour les groupes libertaires, Amnesty international, le PSU et les journaux Libération et Politique hebdo. Il anima le collectif « Écoute s’il pleut ».

En 1977, Maurice Frot fonda avec Daniel Colling et Alain Meilland le Printemps de Bourges, qu’il codirigea jusqu’au début des années 2000. Parallèlement, il publia en 1977 Le dernier Mandrin, avec Jean-Baptiste Buisson, le frère d’Émile Buisson, « l’ancien « ennemi public n° 1 ». À travers la vie de Jean-Baptiste Buisson, dit le Nuss, le livre retrace l’histoire du banditisme des années 1940 et 1950 et dénonce la peine de mort qui fut appliquée à Émile Buisson le 28 février 1956. Dans le cadre du Festival Le Printenps de Bourges, il écrivit avec Alain Meilland deux spectacles musicaux . En 1978, à Bourges il monta un spectacle musical hommage à l’anarchiste cambrioleur Marius Jacob, intitulé Les Travailleurs de la nuit. Il donna en 1979 L’Arlequin, l’ordinateur et le petit lapin. Il signa à la fin de sa vie des souvenirs de jeunesse, Le Tombeau des Jaloux et une biographie de Léo Ferré, Je ne suis pas Léo Ferré, dans laquelle il retraçait leur parcours commun et leurs divergences.

Séparé de Raymonde Faucher au début des années 1970 (le couple divorça en 1992), Maurice Frot fut le compagnon de Malène Dusseaux de 1974 à 1992..

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24559, notice FROT Maurice, Jean, Paul par Sylvain Boulouque, version mise en ligne le 15 février 2009, dernière modification le 12 mai 2019.

Par Sylvain Boulouque

Maurice Frot en 1974
Maurice Frot en 1974
Cliché communiqué par Alain Meilland
Maurice Frot, Léo Ferré, Alain Meilland au Printemps de Bourges
Maurice Frot, Léo Ferré, Alain Meilland au Printemps de Bourges
Maurice Frot, Paul Castanier, Léo Ferré
Maurice Frot, Paul Castanier, Léo Ferré

ŒUVRE  : Le roi des rats, Gallimard, 1965. — Nibergue, Gallimard, 1969. — Le dernier Mandrin, co-écrit avec le truand Jean-Baptiste Buisson, Grasset, 1977. — Le tombeau des jaloux, Fil d’Ariane, 2000 . — Je n’suis pas Léo Ferré, Fil d’Ariane, 2001, réédité en 2008 sous le titre Léo Ferré, comme si j’vous disais. 1975 Trois plus Une (Textes de Maurice Frot illustrations Aline Chertier), éditions Azergues, 1975.
Discographie
• 1975 Meilland chante Frot Castanier (33t) (éditions Azergue)
• 1977 Mangiamerda (33t) (éditions Discovale) (Alain Meilland-Paul Castanier-Christian Lété)
• 1978 Les Travailleurs de la Nuit (K7) (éditions Discovale) (avec Alain Meilland et Paul Castanier)
• 1978 Le Dissident (45t) (éditions Ecoute s’il pleut) (avec Alain Meilland et Paul Castanier)
Théâtre et spectacles/chansons
Le vide-ordures, co-écrit avec Paul Castanier (éditions P. J. Oswald, janvier 1975), créé à Marseille au Théâtre Toursky en 1975, mise en scène de Frank Andron.
Les travailleurs de la nuit (1978), co-écrit avec Alain Meilland et créé au Printemps de Bourges 1978
L’arlequin, l’ordinateur et le petit lapin (1979), co-écrit avec Alain Meilland et créé au Printemps de Bourges 1979

SOURCES : Documentation recueillie par l’auteur. — État civil de Decazeville. — Notes d’Alain Meilland. — Notes de Malène Dusseaux,

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable