FRIOUX Claude, Alphonse, Désiré

Par Jacques Girault

Né le 12 janvier 1932 à Paris (XVIe arr.), mort le 17 avril 2017 à Nemours (Seine-et-Marne) ; professeur des universités ; syndicaliste SNES puis SNESup ; militant communiste ; président de l’université de Paris VIII ; spécialiste de la langue, de la littérature, de la civilisation russes.

Son père, radical-socialiste, travaillait à la Chambre des députés. Chef de cabinet de Maurice Viollette, gouverneur général de l’Algérie (1925-1927), il devint trésorier-payeur général dans le Loir-et-Cher, en Indre-et-Loire, en Gironde, puis en 1950 dans la Seine. Sa mère, médecin pédiatre, avait une sensibilité de gauche. Claude Frioux reçut les premiers sacrements protestants. Après le baccalauréat (Philosophie), élève de la khâgne du lycée Louis-le-Grand à Paris, il entra à l’École normale supérieure (lettres) en 1952. Il obtint des licences de lettres, de philosophie et de russe à la Sorbonne en 1955, effectua plusieurs séjours à Moscou, dont en 1954, une mise à la disposition de l’ambassade de France comme traducteur. Reçu à l’agrégation de russe en 1955, il soutint sa thèse de doctorat d’État « Maïakovski et son temps : visage d’une transition » en 1976.

Claude Frioux, professeur au lycée Kléber de Strasbourg (1957-1958 ), puis au lycée Jacques Decour à Paris (1958-1959), obtint un détachement au CNRS (1959-1960) permettant de longs séjours à Moscou. Chargé d’enseignement de langue et littératures russes à l’université de Rennes, chargé de cours à l’École pratique des Hautes études et à la Sorbonne (1960-1968), il fut en 1969 chargé d’enseignement puis professeur au Centre expérimental de Vincennes devenu université Paris VIII qu’il présida de 1971 à 1976 puis de 1980 à 1987. Entre 1990 et 2002, il dirigea les formations doctorales « Études soviétiques » puis « Culture et société en CEI ». Il définissait son activité scientifique dans la documentation de l’université comme l’étude des « rapports entre mutations sociales et mutations politiques dans la Russie contemporaine ». Il prit sa retraite en 2001.

Militant de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) en khâgne, Frioux fut un des créateurs, en son sein, de l’association générale des élèves préparationnaires littéraires et artistiques. Il participa aux festivals mondiaux de la jeunesse à Budapest en 1949, à Berlin en 1951 et au congrès du Mouvement de la paix à Vienne, en décembre 1952, où il servit de traducteur.

Claude Frioux fut le secrétaire adjoint de la section du Syndicat national de l’enseignement secondaire à l’ENS. Après avoir milité au SNES, il rejoignit le Syndicat national de l’enseignement supérieur et fut élu président de Paris 8 sur une liste syndicale.

Ayant adhéré en khâgne au Parti communiste français, Claude Frioux fut le secrétaire de la cellule communiste de l’ENS. Puis il appartint aux cellules des lycées et ensuite à la cellule universitaire de Rennes. Élu au comité de la fédération d’Ille-et-Vilaine en 1974, il ne fut pas réélu lors de la conférence fédérale suivante. Résidant à Paris dans le XIVe arrondissement, il ne se rendait que deux journées par semaine à Rennes et la direction de la fédération communiste d’Ille-et-Vilaine déplorait cette situation. Il appartint ensuite aux cellules communistes du centre puis de l’université de Vincennes et fut délégué de la fédération communiste de Paris au XXIIIe congrès du PCF. Le 11 mai, il émit des critiques sur la politique du PCF et fut le seul délégué à s’abstenir dans le vote sur les propositions de la commission des candidatures aux organismes de direction du Parti.

Claude Frioux fut contacté par l’Université nouvelle en 1962 pour un enseignement du russe. Il s’engagea très tôt dans la défense des intellectuels russes critiques. Une de ses premières manifestations publiques fut un article dans Le Monde, le 23 novembre 1965, « Témoignage pour Siniavski » écrit avec Michel Aucouturier, professeur à Genève. Après avoir participé à la manifestation contre l’intervention russe en Tchécoslovaquie en août 1968, il publia un article « Pour ceux de la Place Rouge » dans Le Monde (11 octobre 1968). Il écrivait aussi dans La Nouvelle Critique dont il était membre du comité de rédaction puis dans Révolution.

Le 7 octobre 1981, Claude Frioux exprima son désaccord dans une lettre à la direction du PCF concernant la condamnation des communistes de « Rencontres communistes hebdo ». Il y indiquait qu’il ne partageait pas leurs analyses mais qu’il était légitime de s’interroger sur « la cohérence élémentaire du discours du parti » devant sa « série de virages à 90 degrés ». Frioux anima avec Francis Cohen l’ouvrage L’URSS et nous, écrit avec d’autres chercheurs communistes, paru aux Éditions sociales, première expression d’une divergence des communistes français avec les communistes soviétiques mais aussi exposé des raisons des motifs d’amitié. Il participa au mouvement « Refondations » dans les années 1990. Il resta membre du PCF alors que les structures organisationnelles du PCF furent mises en veilleuse.

Claude Frioux, marié en juillet 1953 à Paris (XIVe), divorcé, se remaria en avril 2007 à Villemaréchal (Seine-et-Marne) avec Irène Sokologorsky, professeur de Russe, qui lui avait succédé à la présidence de l’Université de Paris VIII de 1991 à 1996.

Traducteur de l’ensemble de l’œuvre poétique de Vladimir Maïakowski auquel il consacra plusieurs ouvrages, d’Andreï Biely, de Pouchkine, de Velemir Khlebnikov, de Alexandre Grine, Claude Frioux assura l’édition des Œuvres d’Anton Tchekov dans la « Bibliothèque de la Pléïade » (Gallimard). Il participa à la composition de l’anthologie de la poésie russe sous la direction d’Elsa Triolet aux éditions Seghers en 1965. Il dirigea aux éditions Flammarion la collection « Le XXe siècle russe et soviétique » de 1989 à 1996. Il écrivait souvent des articles dans des revues comme Esprit (ainsi « Siniavski et Daniel et la conscience publique », février 1967), L’Herne (« Soljénitsine et son temps », n°16, 1971), Europe (« Une révolution de l’esprit. Littérature et Pérestroïka », juin juillet 1989), Le Monde diplomatique, Économie et politique ou Les Cahiers du monde slave, la Revue des études slaves, les Cahiers du monde russe et soviétique. Entre 2010 et 2013, parurent chez L’Harmattan, quatre volumes rassemblant ses textes critiques parus depuis 1957 sous le titre Le chantier russe. Littérature, société et politique.

Annonçant son décès, l’Humanité, le 20 avril 2017, titrait son article « Claude Frioux, une passion littéraire et politique russe ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24626, notice FRIOUX Claude, Alphonse, Désiré par Jacques Girault, version mise en ligne le 18 février 2009, dernière modification le 29 juillet 2021.

Par Jacques Girault

Claude Frioux
Claude Frioux

ŒUVRE : Le fichier de la Bibliothèque nationale de France comprenait, en 2018, 57 titres dont des rééditions. Citons des traductions poétiques et études dont : Maïakovski par lui-même, Paris, Le Seuil, Écrivains de toujours, 1961, plusieurs rééditions.Citons des traductions poétiques et études dont : Maïakovski par lui-même, Paris, Le Seuil, Écrivains de toujours, 1961, plusieurs rééditions ; Vladimir Maïakovski : Poèmes (édition bilingue) Paris, Messidor, 1984, 4 volumes, réédités L’Harmattan, 2001 (édition augmentée, 6 volumes), Vladimir Maïakovski. Du monde j’ai fait le tour, Paris, Vuitton, « Voyager avec… », 1998. — Andréi Biély, Le collecteur d’espaces, Paris, Vuitton, « Voyager avec… », 2000. — Velemir Khlebnikov, Créations, Paris, L’Harmattan, 2003, 2 volumes. — Alexandre Grine, Jessie et Morgane, Paris, L’Harmattan, 2008.
S’ajoutent des ouvrages de fictions : Vie et œuvre de Iouri Solntsev, Paris, l’Harmattan, 2005, 2 vol. — Trois correspondances, nouvelles, Paris, l’Harmattan, 2008.

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Presse nationale. — Renseignements fournis par l’intéressé et son épouse.— Notes de Christiane Dufrancastel. — Le Monde, 26 avril 2017.

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