TANGUY Henri [TANGUY Georges, René, Henri]. Pseudonyme dans la clandestinité : ROL, dit depuis 1970 ROL-TANGUY

Par Rémi Skoutelsky

Né le 12 juin 1908 à Morlaix (Finistère), mort le 8 septembre 2002 à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ; secrétaire du syndicat de la Métallurgie de la Région parisienne (CGT) chargé de la jeunesse ; commissaire politique dans les Brigades internationales ; chef d’état-major des FFI de la Région parisienne ; colonel de l’armée française ; membre du comité central du Parti communiste français.

Issu d’une famille bretonne, Henri Tanguy passa son enfance dans les ports de guerre (Toulon, Brest, Cherbourg...) au gré des affectations de son père, officier marinier. Sa mère, blanchisseuse, était la fille d’un menuisier anticlérical, compagnon du Tour de France. La famille vivait à Brest quand, à l’âge de treize ans, le jeune Henri quitta l’école. Son père, dont onze frères avaient péri en mer, rompit la tradition familiale en refusant qu’il devienne à son tour marin. Il aurait pu poursuivre des études car une de ses tantes avait proposé de le prendre en charge, mais il refusa, désirant travailler dès que possible.

Entré dans les PTT brestoises comme télégraphiste et n’ayant pas été titularisé, il fut embauché dans une entreprise de taxis, d’abord comme téléphoniste, puis comme apprenti mécanicien. Estimant que l’avenir d’Henri et de son jeune frère Joseph n’était pas assuré à Brest, leur mère s’installa avec eux à Paris, pendant l’hiver 1923-1924. Ayant été tourneuse d’obus pendant la Première Guerre mondiale à l’arsenal de Toulon, elle réussit à se faire embaucher chez Renault comme métallurgiste, tandis qu’Henri entrait chez Talbot.

En 1925, Henri Tanguy devint tôlier en carrosserie chez Renault à l’usine O de Boulogne-Billancourt (Seine). Cette même année, il adhéra aux Jeunesses communistes et devint responsable de la cellule de l’usine.
Syndiqué à la CGTU, sa participation à la grève générale de l’entreprise de mai 1926 entraîna son licenciement. « Persona non grata » chez Renault, comme il put le constater à plusieurs reprises, il fut alors embauché dans différentes usines.

Tenté par une carrière sportive, bon cycliste, il entra au Club sportif international et se classa premier des débutants dans la course Paris-Chauny. En 1926, dans l’équipe première du CSI, il participa aux « américaines » et aux poursuites par équipe, au Vélodrome d’Hiver, au Parc des Princes, à Buffalo, à la piste municipale de Vincennes.

Cette activité fut interrompue par le service militaire que Henri Tanguy effectua, par mesure disciplinaire, en Algérie : ne s’étant pas inscrit sur les listes de recensement de sa mairie d’arrondissement, il avait été déclaré « bon absent » au conseil de révision de sa ville natale. Incorporé un mois, en 1929, au 46e régiment d’infanterie, à Paris, il se retrouva à Oran, au 8e Zouaves, pour quinze mois sans permission. Suivant, selon sa propre expression, les conseils de Lénine : « Un jour on te donnera un fusil, apprends à t’en servir », il devint combattant d’élite, gagnant des concours de la division. Il quitta l’armée soldat de 1re classe, avec une formation de mitrailleur mécanicien, de télémétreur et d’armurier.

Embauché en septembre 1930 à l’usine Bréguet, rue Didot (XIVe arr.), Henri Tanguy suivit des cours de perfectionnement et devint tôlier-formeur, chaudronnier en cuivre, tuyauteur, soudeur. Les événements de février 1934 le décidèrent à revenir au militantisme. Il créa chez Bréguet une cellule communiste et un syndicat CGTU, les dotant de deux feuilles ronéotypées : Le Bélier rouge pour la première, Le Projecteur unitaire pour la seconde (on fabriquait chez Bréguet, entre autre matériel militaire, des projecteurs). Il adhéra également au comité Amsterdam-Pleyel.

Représentant le personnel au cours d’une action revendicative en 1935, Henri Tanguy fut licencié et ne trouva de place, désormais, que dans de petites entreprises.

Membre du bureau des Jeunesses communistes de Paris-Ville en 1935, trésorier régional, il participait aux affrontements avec les Jeunesses patriotes, notamment dans le XIVe arrondissement où il vivait avec sa mère. L’organisation de goguettes au 111 de la rue du Château faisait également partie des activités du jeune militant. Il fut délégué au congrès du Parti communiste de juillet 1936, à Villeurbanne.

Henri Tanguy travaillait depuis quelques jours dans l’entreprise de chaudronnerie Nessi, à Montrouge, lorsque le mouvement de grève de juin 1936 éclata. Élu délégué d’usine, il forma la section syndicale et élabora le cahier de revendications, ce qui provoqua son licenciement quelques mois après la fin du conflit.

En octobre 1936, il devint membre de la Commission exécutive et permanent du syndicat des travailleurs de la Métallurgie, responsable des Jeunes, et de l’activité dans les entreprises, avec Jean-Pierre Timbaud*.

Le syndicat menait depuis plusieurs mois une intense campagne de solidarité avec la République espagnole plongée dans la guerre civile depuis juillet. Devenu un des organisateurs de cette campagne, qui consistait en prises de paroles à la sortie des usines et en collectes, Henri Tanguy demanda, à plusieurs reprises, mais en vain, à partir combattre en Espagne. Cette situation le plaçait d’autant plus en porte-à-faux que la fédération des Métaux, et lui-même, recrutaient activement pour les Brigades internationales.
En février 1937, André Marty* demanda au Parti communiste de faire venir en Espagne de jeunes cadres pour renforcer les Brigades, compte tenu de la situation militaire et politique du pays mais aussi des pertes enregistrées au sein de la première vague de volontaires. Henri Tanguy accepta de faire partie de ce contingent, qui partit en plusieurs convois, le sien étant encadré jusqu’à Albacete par Léon Mauvais*. La frontière franco-espagnole fut d’ailleurs fermée juste après leur passage, le 20 février, en application de la loi interdisant le recrutement de volontaires pour l’Espagne, votée quelques semaines auparavant.

En raison des compétences acquises pendant son service militaire, il fut nommé successivement commissaire politique de l’arsenal d’Albacete, du parc auto des Brigades internationales, enfin de l’usine n° 1 où l’on fabriquait les grenades et réparait les automobiles. Puis il fut désigné, avec grade de capitaine, responsable à la main-d’œuvre étrangère dans les usines qui se montaient en zone républicaine. Mais, en octobre 1937, il fut rappelé en France, pour accomplir une période de réserve. A son issue, il reprit ses fonctions syndicales, notamment les actions de solidarité avec la République espagnole. De retour à Albacete en février 1938, André Marty l’ayant réclamé, il fut nommé commissaire politique du Bataillon d’instruction des volontaires francophones, à Villanueva de la Jara.

En avril 1938, pendant la marche à la mer des troupes franquistes, Henri Tanguy fut chargé de l’acheminement à Barcelone des volontaires internationaux présents à Albacete et dans sa région (environ 1 200), mission qu’il accomplit la veille de la coupure en deux de l’Espagne républicaine, le 15 avril. Il assura ensuite le commissariat politique de la nouvelle base des Brigade internationales mise en place à Olot, mais quelques semaines plus tard, cette dernière ayant été dissoute, A. Marty le désigna commissaire politique de la 14e Brigade, « La Marseillaise », commandée par Marcel Sagnier*. Blessé le 18 juin d’une balle dans la poitrine, au retour d’une visite de bataillon, il reprit son poste après quelques jours passés à l’hôpital, refusant d’attendre l’extraction du projectile. Il participa à la grande offensive de l’Ebre, à Tortosa et dans la Sierra Caballs, de juillet à septembre 1938, date de relève des Brigades.

Revenu en France en novembre, à la dissolution des Brigades, Henri Tanguy reprit ses responsabilités au syndicat des Métaux et au Comité de la Région de Paris du Parti communiste. En avril 1939, l’ancien brigadiste épousa sa marraine d’Espagne, Cécile Le Bihan, fille du militant syndicaliste et communiste, résistant FTP mort en déportation, François Le Bihan*. Le couple eut quatre enfants.

Mobilisé en août 1939, au 57e Régiment d’Infanterie coloniale, Henri Tanguy resta en position tout l’hiver devant la ligne Maginot, dans la région de Sarreguemines (Moselle). Muté au 28e RICM sénégalais, il prit part aux derniers combats de juin 1940. Démobilisé dans la Creuse, le 18 août 1940, après avoir été cité à l’ordre du régiment, il rejoignit le lendemain son épouse à Paris. Cette dernière devait se rendre le jour même à une réunion avec Jean-Pierre Timbaud, Gautier, Maurice Lacazette*, Henri Jourdain*, avec lesquels elle participait à l’organisation des premiers Comités populaires. Il s’agissait de structures clandestines, animées par les syndicalistes communistes, destinées à relancer l’action revendicative à partir des problèmes quotidiens posés par l’Occupation. Saisissant cette occasion H. Tanguy reprit donc contact avec eux et participa à leur action. Le 5 octobre, apprenant qu’une vague d’arrestations frappait les militants communistes, il entra dans la clandestinité, dont il ne devait sortir qu’en août 1944. Il participa à la création de l’Organisation spéciale (OS), le PCF lui confiant aussi la responsabilité du secteur Sud de Paris et de sa banlieue.
En août 1941, Henri Tanguy fut chargé avec Raymond Losserand* et Gaston Carré* de l’organisation, dans la région parisienne, de groupes armés qui donnèrent naissance en février 1942 aux FTP. Les trois hommes formaient le triangle de direction régionale, Henri Tanguy y exerçant la fonction de responsable militaire. Après l’arrestation en mai 1942 des deux autres dirigeants, il reforma une équipe avec Roger Linet et Raymond Colin. Repéré par la police, il fut muté dans la région Anjou-Poitou.

Boris Holban, dans son ouvrage, relate l’épisode suivant qui pourrait avoir un lien avec cette mutation. Au sein de l’OS, Henri Tanguy avait sous ses ordres Joseph Boczor* , responsable de l’OS-MOI. Cette branche de l’organisation était composée pour l’essentiel d’anciens volontaires en Espagne républicaine, aguerris, habitués à la clandestinité, évadés des camps d’internement français. Parallèlement existait depuis l’été 1941 un groupe de jeunes de la MOI, moins expérimentés. Selon Boris Holban, lorsque fut décidée la création des FTP, H. Tanguy, soutenant en cela Joseph Boczor, refusa pour des raisons de sécurité et d’efficacité la fusion des deux branches de la résistance immigrée. Le PCF imposa en mai cette fusion qui donna naissance aux FTP-MOI. Boczor fut relevé et Henri Tanguy remplacé par un autre délégué du Comité militaire de la Région parisienne.

En Anjou-Poitou Henri Tanguy commanda les FTP avec Michel Muzard, Camille Thébault* et Marcel Gamon*(?). Il fut en outre chargé de mission en Bretagne et dans la région bordelaise par le Comité national de l’organisation militaire.

Une série d’arrestations, d’abord de Muzard et de Thébault, puis dans la région parisienne de Roger Linet, amenèrent la direction des FTP à rappeler Henri Tanguy à Paris, en mars 1943, pour réorganiser, avec Joseph Epstein* et Édouard Vallerand* , les Francs-tireurs de la région parisienne. Il rédigeait Le Franc-tireur parisien et publia durant l’été 1943 les communiqués et les appels à l’action de l’organisation.

Muté d’août à septembre 1943 au Comité d’action contre la déportation (voir Yves Farge*), Henri Tanguy passa en octobre à l’état-major des FFI de la « région P » qui regroupait onze départements autour de Paris, où il représentait les FTP. Successivement responsable de l’action immédiate, du troisième bureau (« opérations »), puis sous-chef de l’état-major, enfin chef régional en mai 1944, il était à la veille du débarquement allié du 6 juin 1944, colonel chef de la région P1 (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise), qu’il baptisa « Ile-de-France ». Il prit alors son dernier pseudonyme Rol, nom d’un militant d’Épinay-sur-Seine, combattant des Brigades internationales, tué pendant la bataille de l’Ebre peu de temps après avoir été nommé commandant du bataillon « Commune-de-Paris ».
Le 19 août 1944, en qualité de chef régional des FFI, Rol-Tanguy donna l’ordre de l’insurrection parisienne. Il reçut, avec le général Leclerc, la reddition du général Von Choltitz — commandant la garnison allemande du Grand-Paris — le 25 août.

Avant le passage du Rhin, le 31 mars 1945, Rol-Tanguy rejoignit le 151e régiment d’infanterie issu de la Brigade de Paris formée par le colonel Fabien (voir Pierre Georges*), participa à la campagne Rhin-Danube en tant que lieutenant-colonel et fut cité pour son courage à l’ordre de la Division. Commandant militaire de Coblence, il quitta ce poste pour être affecté, en octobre 1945, à la mission de liaison et d’inspection du ministère des Armées, à Paris. Rol-Tanguy entra alors définitivement dans l’active. Cette décision, qui correspondait aux consignes données alors par le PCF aux anciens résistants restés dans l’armée, était aussi motivée, chez lui par un goût réel pour la chose militaire. Commandant du 27e RI à Villefranche-sur-Mer, puis de la 7e demi-brigade à Dijon, de février 1946 à février 1947, il fut affecté à cette date au cabinet du ministre de la Défense, François Billoux* jusqu’au renvoi de celui-ci en mai. Rol-Tanguy fut alors placé au Dépôt central des isolés, à Versailles (Seine-et-Oise), où « pointaient » les gradés qui ne bénéficiaient pas d’une affectation précise, généralement pour raisons politiques. Il y resta — sauf de 1948 à 1952, période pendant laquelle il fut affecté à l’état-major de la subdivision du Mans (Sarthe) — jusqu’en mai 1962, date de sa mise à la retraite.
Invité occasionnel du Comité central du PCF à partir de 1947 — en tant que militaire il ne pouvait y intervenir — Henri Rol-Tanguy en devint membre de 1964 à 1987. Il avait été candidat aux élections législatives de 1962 à Paris (XXe arr.).

Élu en juillet 1946, lors du 23e congrès, président d’honneur de l’ARAC, il assura également la coprésidence de l’ANACR et la présidence de l’AVER
Figure emblématique de la Résistance communiste à partir des années soixante, Henri Rol-Tanguy, s’il soutint publiquement Georges Marchais* lors de la polémique relancée en mars 1980 par L’Express concernant son passé de travailleur volontaire en Allemagne, signa en octobre 1991 la pétition d’anciens résistants demandant qu’il ne présidât pas les cérémonies commémoratives des fusillades de Châteaubriant.

Élevé à la dignité de compagnon de la Libération par le général de Gaulle, le 18 juin 1945, Henri Rol-Tanguy, reçut la croix de commandeur de la Légion d’honneur à l’occasion du 30e anniversaire de la Libération, le 5 octobre 1974. Il était déjà décoré de la médaille de la Résistance, de Combattant volontaire, de la Medal of freedom américaine, de l’Ordre de la grande guerre soviétique et de la Croix de guerre 1939-1945 avec palmes.
Sa femme Cécile, qui le seconda dans tous ses postes de responsabilité, était médaillée de la Résistance et chevalier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50760, notice TANGUY Henri [TANGUY Georges, René, Henri]. Pseudonyme dans la clandestinité : ROL, dit depuis 1970 ROL-TANGUY par Rémi Skoutelsky, version mise en ligne le 28 juin 2009, dernière modification le 25 janvier 2022.

Par Rémi Skoutelsky

Cécile et Henri Rol-Tanguy
Cécile et Henri Rol-Tanguy

SOURCES : SHD Vincennes, GR 2000 Z 207 12163 (dossiser d’officier). — Archives privées d’Henri Rol-Tanguy, Archives nationales, 672 AP/1 à 115. — Arch. A. Marty, D VII. — Arch. Jean Maitron (Fiche Batal). — Arch. AVER — Paloma Fernandez, Le Retour et l’action des anciens volontaires français des Brigades internationales en région parisienne de 1937 à 1945, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1984. p. 181. — J. Delperrié de Bayac, Les Brigades internationales, Fayard 1968, — Jean-Paul Depretto, Les Communistes et les usines Renault de Billancourt, 1920-1936, Mémoire de Maîtrise, Paris IV, 1974. — Stéphane Courtois, La Politique du PCF et ses aspects syndicaux, 1939-1944, thèse, 3e cycle, Nanterre, 1978. — J.-P. Depretto, Sylvie Schweitzer, Le Communisme à l’usine, vie ouvrière et mouvement ouvrier chez Renault 1920-1939, Edires, 1984. — R. Linet, 1933-1943. La traversée de la tourmente, Messidor, 1984. — R. Francotte, Une vie de militant..., op. cit., p. 155 et 172-173. — B. Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. — R. Faligot, R. Kauffer, Les Résistants, Fayard, 1989. — D. Buffin, D. Gerbaud, Les Communistes, Albin Michel, 1981, p. 240-241. — Ph. Robrieux, Histoire intérieure du parti communiste, t. 4, Fayard, 1984. — Who’s who in France, 1979-1980. — Le Travailleur, 12 mai 1934. — L’Humanité, 14 mars 1980. — Le Monde, 10 octobre 1991. — France d’abord, 1er mars 1945. — « L’Espagne au cœur des BI aux FFI-Rol-Tanguy », interview recueillie par R. Bourderon, Cahiers d’Histoire de l’I.R.M., n° 29, 1987. — Témoignage recueilli par Mr Bobrowski, 1983. — Témoignage écrit de l’intéressé, 4 avril 1992.

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