FERRÉ Théophile, Charles, Gilles

Né le 6 mai 1846 à Paris, Ier arr. (ancien) ; fusillé à Satory, Versailles (Seine-et-Oise) le 28 novembre 1871 ; comptable au service d’un agent d’affaires ; militant blanquiste ; membre de la Commune de Paris.

En 1868, Théophile Ferré se signala par un discours prononcé sur la tombe d’Alphonse Baudin, discours qui s’achevait par ces mots : « Vive la République ! la Convention aux Tuileries ! la Raison à Notre-Dame ! »
Ferré subit avant la Commune quatre condamnations pour délits politiques. Impliqué, en juillet-août 1870, dans le procès de Blois contre les blanquistes, il fut acquitté faute de preuves suffisantes après avoir été expulsé de la salle d’audiences pour « son extrême violence et ses insultes à la Haute-Cour ».
Après le 4 septembre 1870, il s’inscrivit aux compagnies de marche du 152e bataillon de la Garde nationale (Montmartre) et prit la parole au club des Défenseurs de la République. Il figura au nombre des rédacteurs de La Patrie en danger, 7 septembre-8 décembre 1870.
En tant que délégué des vingt arrondissements, il fut un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer « la trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! » Voir Armand Ansel.

Le 18 mars 1871, il se montra très actif, demanda à Jules Bergeret d’occuper, place Vendôme, l’état-major de la Garde nationale et, avec Victor Jaclard, Émile Eudes, Émile Duval et autres blanquistes, aurait voulu qu’on marchât sur Versailles. Il était alors un des animateurs, avec Louise Michel, du Comité de Vigilance du XVIIIe arr.
Élu membre de la Commune, le 26 mars, par le XVIIIe arr. (13 784 voix sur 17 443 votants), il fut, avec Raoul Rigault, secrétaire des premières séances et chargé alors des comptes rendus. Il appartint à la Commission de Sûreté générale (29 mars, puis 21 avril). Démissionnaire de cette Commission le 24 avril, il fut aussitôt réélu. Le 1er mai, il fut nommé substitut du procureur de la Commune, Raoul Rigault, en même temps que Gaston Da Costa, Antoine Huguenot et Dieudonné Martainville (cf. J.O. Commune, 5 mai). Délégué à la Sûreté générale le 13 mai, il fut remplacé à la Commission par Henri Mortier, et comme substitut par Alfred Breuillé.
Il vota pour le Comité de salut public en motivant ainsi sa décision : « J’ai accepté le mandat impératif ; je crois être logique avec mes paroles et mes engagements en votant pour le Comité de salut public. »
Clère (Les Hommes de la Commune) en a laissé le portrait suivant : « Figurez-vous un homme de taille plus que minuscule, ayant la figure presque couverte d’une barbe et de favoris noirs d’où émergent deux verres de binocles abritant deux prunelles du noir le plus foncé, et vous aurez une idée de la personne de Ferré. Mais où il est encore plus drôle, c’est quand il parle ; il se lève alors sur la pointe des pieds comme un coq en colère et pousse des sons aigus, qui constituent ce qu’on peut appeler improprement sa voix. » Et Maxime Vuillaume l’a vu « tout petit, le masque envahi par la barbe noire, le nez busqué, deux yeux noirs, noirs, très doux, qui brillent cependant, derrière le lorgnon, d’une flamme étrange ». Un rapport de police l’a qualifié d’« ennemi irréconciliable de l’ordre social et des institutions qui en sont les bases. »

Théophile Ferré fut arrêté dans la nuit du 8 au 9 juillet, puis comparut en août-septembre 1871 devant le 3e conseil de guerre. On l’accusait en particulier d’avoir donné, le 18 mars, l’ordre de livrer le général Lecomte, d’avoir incendié, en mai, le Palais de Justice, et surtout émis l’ordre non signé : « Flambez Finances. » Il s’en défendit avec beaucoup de dignité et rien ne semble moins prouvé. Son père fut incarcéré à la citadelle de Fouras, son frère dans un cabanon de Versailles ; la mère mourut folle à Sainte-Anne, en juillet, tandis que sa sœur de dix-neuf ans, Marie Ferré, travaillait jour et nuit, selon le témoignage de Lissagaray, pour venir en aide aux prisonniers.
Devant ses juges, Ferré eut une attitude courageuse, « d’un cynisme révoltant », jugèrent ses adversaires. Il déclara notamment :
« Membre de la Commune de Paris, je suis entre les mains de ses vainqueurs, ils veulent ma tête, qu’ils la prennent !
« Jamais je ne sauverai ma vie par la lâcheté. Libre j’ai vécu, j’entends mourir de même.
« Je n’ajoute plus qu’un mot : La Fortune est capricieuse, je confie à l’avenir le soin de ma mémoire et de ma vengeance. »
Il fut condamné à mort, le 2 septembre, et refusa de faire appel à la clémence. Un rapport de quatre pages sur son affaire, en date du 6 novembre (cf. Arch. Nat., BB 24/730), fut toutefois soumis à la Commission des grâces, mais celle-ci refusa de commuer la peine.
Louise Michel, qui aimait Ferré, déploya les plus grands efforts pour le sauver, mais ce fut en vain ; et, le 28 novembre, sur le plateau de Satory, on fusilla Ferré en même temps que Louis Rossel et Bourgeois. Ses restes furent inhumés au cimetière de Levallois-Perret, le 16 juillet 1881. Il était célibataire.
L’histoire de Théophile Ferré continua après son exécution. Louise Michel, aidée de Marie Ferré, sa sœur, et d’Hippolyte Ferré, son frère, engagea le combat pour sa mémoire qui resta vivace jusqu’au tournant du siècle et ne s’éteignit qu’avec la mort d’Hippolyte (1913).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article59042, notice FERRÉ Théophile, Charles, Gilles, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 14 avril 2021.
L’exécution de Rossel, Ferré et Bourgeois le 28 novembre 1871.
"ROSSEL est tombé le premier, la mort a été instantanée ; 7 balles dont deux avaient traversé le cœur, l’avaient atteint en pleine poitrine - B0URGEOIS et FERRE avaient été moins bien visés ; trois balles seulement, dont les blessures n’étaient pas mortelles, les avaient frappés l’un et l’autre et ils ont dû rece¬voir le coup de grâce pour amener la mort. La contenance de ces trois malheureux a été digne ; il n’ont pas eu un moment de faiblesse."
Rapport du commissaire central de la police versaillais qui a assisté à l’exécution.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/730, n° 3976. — Procès-Verbaux de la Commune de 1871, Édition critique par G. Bourgin et G. Henriot, tome I, Paris, 1924, tome II, Paris, 1945. Publiés par le Service des Travaux historiques de la Ville de Paris. — M. Vuillaume, Mes Cahiers rouges, préface de Claude Roy, Paris, Club Français du Livre, 1953, p. 264. — Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, préface de Jean Maitron, Paris, Maspero, 1967. — Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire, à la fin du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1960. — Note de Louis Bretonnière. — Notes de Stéphane Rayssac, auteur de l’ouvrage : Théophile Ferré (1846-1871). Une vie au service de la révolution, Éditions universitaires du Sud, 2018. — Note de Jean-Pierre Ravery.

ICONOGRAPHIE : G. Bourgin, La Commune, 1870-1871, Paris, Flammarion, 1938, p. 226, 405. — J. Bruhat, J. Dautry, É. Tersen, La Commune de 1871, Paris, Éditions Sociales, 1960, p. 139.

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