MOREAU Édouard, Auguste [de BAUVIÈRE]

Par Jean Maitron

Né vers le 16 juin 1838 à Paris, Ier arr. ; mort fusillé à la caserne Lobau le 24 ou le 25 juin 1871 ; homme de lettres et fabricant de fleurs artificielles ; membre du Comité central de la Garde nationale et commissaire civil de la Commune auprès du délégué à la guerre.

Fils de Pierre, Emmanuel Moreau et Alexandrine, Clara de Beauvière, Édouard Moreau fit ses études au petit séminaire Notre-Dame des Champs où il entra en 1849. Souvent puni à cause de son refus d’observer la discipline qui y était de règle, il le quitta en 1855. Ayant perdu ses parents peu après, il emménagea avec son cousin Charles de Beaufort chez sa tante, au 4e étage du n° 10 de la rue de Rivoli (IVe arr.). Féru de littérature, de poésie, de théâtre et de dessin, membre de la Société des auteurs dramatiques, il écrivit beaucoup, publia et fit même représenter des pièces de théâtre.

Il se maria à Saint-Germain des Prés, le 20 février 1868 avec Marie Héron de Villefosse, puis partit avec elle à Londres. Un fils, naquit le 15 janvier 1869. Mais ses sentiments profonds pour l’actrice Caroline Straus, qui l’avait suivi à Londres pour travailler à son commerce de fleurs artificielles, créèrent une situation insoutenable.

Après la déclaration de guerre, il quitta Londres et arriva à Paris le 18 août. Il s’engagea dans le 183e bataillon de la Garde nationale dont le capitaine était son cousin Charles de Beaufort. Il se distingua, notamment lors de la sortie de Buzenval, 19 janvier 1871. Proposé par son commandant pour une décoration il déclara refuser toute distinction de la part d’un « gouvernement lâche ».

À partir de ce moment, il se consacra à la réorganisation de la Garde nationale. À l’assemblée générale des délégués de la Garde nationale tenue au Tivoli Vauxhall le 24 février, il fit adopter une résolution déclarant : « Les délégués de compagnie soumettront à leurs cercles respectifs de compagnie la résolution suivante : Au premier signal de l’entrée des Prussiens à Paris, tous les gardes s’engagent à se rendre immédiatement, en armes, à leur lieu ordinaire de réunion, pour se porter ensuite contre l’ennemi envahisseur. » Le 27, il donna l’ordre de réunir, place Royale, les canons du IVe arr. Élu membre du Comité central de la Garde nationale, il signa à ce titre de nombreuses affiches.

Le 18 mars 1871, avec Clémence, son collègue du Comité central, il organisa la résistance contre un retour offensif des troupes gouvernementales à la mairie du IVe arr. Le soir, il pénétra avec une vingtaine d’officiers de la Garde nationale et de membres du Comité central dans l’Hôtel de Ville abandonné et déclara qu’en attendant des élections régulières, il fallait conserver l’Hôtel de Ville au peuple. Quand Langlois se présenta en fin de nuit comme commandant supérieur de la Garde nationale, il fut éconduit par Moreau et se retira précipitamment pour aller donner sa démission à la réunion des maires. Moreau proposa alors de marcher immédiatement sur Versailles, mais ne fut pas suivi. Le 19 mars, il fut nommé à la surveillance du Journal officiel, quai Voltaire, et à celle de l’Imprimerie nationale, rue Vieille-du-Temple.
Considéré comme « la pensée et le verbe éloquent » du comité central, Moreau exerça en son sein une influence considérable. Il figura parmi les contributeurs de l’unique numéro du journal la Fédération républicaine de la Garde nationale. Il s’attaqua à la réorganisation de l’administration de la place Vendôme et supervisa la réglementation militaire de l’État-major, rédigeant des rapports quotidiens sans complaisance. Son service de presse fut un des rares à fonctionner d’une manière efficace.

Le 10 avril, Tony Moilin proposa que Moreau occupe la fonction de délégué permanent entre la Commune et le Comité central, mais celui-ci répondit qu’il avait été choisi par Cluseret comme chef de cabinet et ne pouvait se charger d’une telle mission. Nommé commissaire civil de la Commune auprès du délégué à la guerre par un arrêté du Comité de Salut public en date du 19 floréal 79 (9 mai 1871), Moreau était prêt à soutenir une dictature militaire provisoire dont Rossel prendrait la tête. Mais était-il pour autant blanquiste ? Rossel ayant renoncé, Moreau resta à son poste. Le 17 mai, Delescluze, qui supportait mal le contrôle permanent qu’il exerçait, le nomma directeur général de l’Intendance, en remplacement de Varlin.

Après l’entrée des Versaillais dans Paris, Moreau confia les clefs de l’Intendance à un homme de confiance, puis rejoignit le Comité central. Il fit d’incessantes navettes entre la rue Basfroi et l’Hôtel de Ville à la recherche d’un moyen débouchant sur une suspension des hostilités. Il rédigea sans doute l’affiche du 4 prairial demandant la dissolution simultanée de l’Assemblée et de la Commune, ainsi que le retrait de la force armée de Paris. Le 24 mai, suite à l’arrestation de son cousin Charles de Beaufort, il demanda à Delescluze de le sauver, mais l’intervention du délégué à la Guerre fut sans effet sur la foule : emmené dans un terrain vague au coin de la rue Parmentier et de la rue de la Roquette, Charles de Beaufort fut fusillé. Après l’exécution, Moreau se dirigea vers le boulevard Bourdon pour tenter en vain d’empêcher l’incendie du Grenier d’abondance. Le lendemain, il retourna dans son quartier pour retrouver Caroline Straus et fut arrêté rue de Rivoli en sortant de chez lui, sur dénonciation. Conduit à la cour martiale du Châtelet, il fut fusillé le même jour (où le lendemain) à la caserne Lobau.

Moreau fut néanmoins condamné par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée le 20 novembre 1872. Sa famille dut attendre le 16 avril 1879 pour voir le jugement du 17e conseil de guerre rectifié et annulé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article66649, notice MOREAU Édouard, Auguste [de BAUVIÈRE] par Jean Maitron, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 5 février 2020.

Par Jean Maitron

SOURCES : Arch. Min. Guerre, 3e et 17e conseils. — Arch. PPo., listes de contumaces. — J.O. Commune, op. cit., 9 mai 1871. — Enquête parlementaire, op. cit., pp. 480, 484, 516. — Vuillaume, Mes Cahiers rouges, op. cit., — Lissagaray, Histoire de la Commune, op. cit., pp. 88-89. — Maurice Dommanget, Hommes et choses de la Commune, p. 19. — Murailles... 1871, op. cit. (pp. 17 et 47). — Maurice Choury, La Commune au cœur de Paris, 1967, pp. 149-151 et 187. — Marcel Cerf, Édouard Moreau, communard, Paris, Spartacus, 1971. – Notes de Louis Bretonnière et Jean-Louis Robert.

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