GODWIN William

Né le 3 mars 1756 àWisbech, Cambridgeshire ; mort le 7 avril 1836 à Londres ; théoricien politique et écrivain.

Fils d’un ministre non conformiste, William Godwin passe son enfance en Est-Anglie où son précepteur, Samuel Newton, le convertit à la secte dissidente de Robert Sandeman. Godwin devient alors pasteur sande-manien et exerce son ministère à Ware, Stowmarket et enfin Beaconsfield. Cependant sous l’influence des philosophes français (en particulier Helvétius et Rousseau) ainsi que de Priestley, il abandonne rapidement ses convictions religieuses et quitte le sacerdoce en 1783 ; toutefois certains éléments de la doctrine sandemanienne l’ont prédisposé à l’anarchisme.

Godwin entame alors à Londres une carrière littéraire. En 1783 il publie anonymement son premier ouvrage, une « Vie de Chatham » et en 1785 il devient un collaborateur régulier du Political Herald et du New Annual Register, périodiques whigs de tendance radicale qui mettent Godwin en relation avec Sheridan et Curran. Peu de temps après il se lie avec Thomas Holcroft et crée avec lui un comité de soutien pour la publication des Droits de l’Homme de Thomas Paine*. La première partie de l’ouvrage paraît en mai 1791 et deux mois plus tard, Godwin commence la rédaction de son livre fondamental sur la « justice politique ». C’est aussi l’année où il fait la connaissance de Mary Wollstonecraft, la pionnière du féminisme anglais et l’auteur de « la Défense des droits de la femme » (1792) ; elle deviendra sa compagne en 1796 et sa femme un an après (mais elle meurt en 1797 en donnant le jour à une fille, Mary, qui épousera Shelley).

Godwin publie en 1795 An Enquiry concerning the Principles of Political Justice and its Influence on General Virtue and Happiness (Enquête sur la justice politique et son influence sur la morale et le bonheur). Dans cet ouvrage qui connaît un retentissement immédiat, Godwin dénonce les principes de base des régimes politiques en existence et fait même une critique systématique de toute forme de gouvernement. Pour établir la justice sociale, il faut, selon lui, une société libertaire et décentralisée sous forme de petites communautés indépendantes. L’œuvre de Godwin — bien que l’auteur eût refusé l’étiquette d’anarchiste — constitue le premier et sans doute le plus complet des programmes anarchistes jamais écrits. Le livre réussit à paraître malgré le climat de répression anti-jacobine qui prévaut alors en Angleterre, car Pitt estimait que du fait de son prix très élevé (trois guinées) l’ouvrage ne pourrait être acheté que par les classes possédantes.

En fait le succès de Political Justice est considérable. Du jour au lendemain l’auteur devient célèbre. Parmi les lecteurs qui se « convertissent)) aux doctrines de Godwin on compte, non seulement Wordsworth, Cole-ridge, Southey, mais encore nombre d’ouvriers radicaux soit à Londres, soit en province. A travers le pays, des clubs se fondent dans le but d’acheter Political Justice pour en faire des lectures publiques, tandis que des éditions pirates à bon marché paraissent en Écosse, en Irlande et bientôt en Amérique. Hazlitt écrit en 1793 : « On ne parle que de Godwin, il est l’homme le plus recherché, le plus respecté ; il suffit que les mots de liberté, vérité, justice, soient prononcés pour que son nom apparaisse ». A une époque où le gouvernement tory redoute par-dessus tout la contagion de la Révolution française, Godwin joue un rôle central dans la lutte menée pour la défense des libertés — libertés de parole, de réunion, d’association — contre les mesures répressives du ministère Pitt. En 1793, lorsque les délégués à la Convention d’Edimbourg sont jugés et condamnés à la déportation, il s’élève contre ce jugement dans le Morning Chronicle et l’année suivante, quand la répression frappe la London Corresponding Society, Godwin fait paraître un opuscule intitulé « Rapide examen des accusations prononcées par le juge Eyre devant la Chambre des mises en accusation » (Cursory Structures on the Charges delivered by Lord Justice Eyre to the Grand Jury). De l’avis général, cette brochure a profondément modifie le cours du procès et entraîné l’acquittement de Thomas Hardy et des onze autres inculpés.

Parallèlement Godwin écrit et publie son roman le plus célèbre « Les aventures de Caleb Williams » (Things as they are : or, the adventures of Caleb Williams), où sont reprises sous forme de fiction les théories émises dans Political Justice. Etude percutante de l’oppression des pauvres par les riches, Caleb Williams a connu récemment un regain de faveur, car on y a vu en outre le premier roman moderne où aux rebondissements imprévus de l’intrigue se mêle le thème de l’angoisse morale. En 1797, paraît le troisième des ouvrages importants de Godwin. Sous le titre « L’enquêteur » (The Enquirer), c’est un ensemble de réflexions dont les meilleures exposent une théorie de l’éducation bien plus novatrice que celle de Rousseau.

Après la mort de Mary Wollstonecraft Godwin va mener une existence difficile et il tombera peu à peu dans l’oubli. En outre, dans le climat de réaction qui submerge l’Angleterre dans les dernières années du XVIIIe siècle, il se retrouve isolé et en butte aux attaques non seulement des conservateurs mais encore de ses anciens admirateurs. Soutenu par quelques rares amis fidèles comme Lamb, Coleridge et Francis Place*, il mène pendant des années une existence d’écrivain besogneux, publiant tour à tour romans, biographies, drames historiques, pièces de théâtre, mais toute cette production est très inférieure aux œuvres qui l’avaient à juste titre rendu célèbre au cours des années 1790.

Godwin se remarie en 1801 avec Mary Jane Clairmont (dont la fille, Claire Clairmont, sera la maîtresse de Byron). Peu de temps après, il fonde une maison d’édition de livres pour enfants. Constamment au bord de la faillite, il faut toujours que ses amis — Francis Place, Samuel Rogers et quelques autres — déploient tous leurs efforts pour le tirer d’affaire.

Godwin fait en 1812 la connaissance de Shelley qui lui apporte une aide financière. Mais en 1814 Shelley enlève Mary Godwin (et Claire Clairmont se sauve avec eux). En dépit de la brouille qui s’ensuit, Shelley demeure un disciple de Godwin et plus d’un passage de son œuvre n’est autre que Political Justice mis en vers.

Dans ses vieux jours, Godwin entre en relations avec Edward Bulwer Lytton et avec Robert Owen* : l’influence de Godwin est très nette dans les romans de début du premier ; quant aux écrits d’Owen, ils ont contribué à faire pénétrer certaines des idées de Political Justice tant dans le socialisme que dans le mouvement ouvrier de la première moitié du XIXe siècle (on retrouve en particulier dans l’un comme dans l’autre une vive méfiance à l’égard de l’action politique). Parmi les autres pionniers du socialisme qui ont été influencés par Godwin on peut citer William Thompson*, Thomas Hodgskin* et John Gray*.

Après la réforme électorale de 1832, les libéraux vainqueurs se souviennent de Godwin et lui offrent la sinécure de « Maître huissier de l’Echiquier », poste qui lui garantit un traitement et une maison jusqu’à la fin de ses jours. Godwin continue d’écrire et au moment de sa mort il travaille à un ultime ouvrage sur la religion qui sera publié de manière posthume en 1873.

Godwin est enterré à Londres dans la vieille église de Saint Paneras, aux côtés de Mary Wollstonecraft, mais lorsque sera construite la gare de Saint Paneras, les restes des deux époux seront transférés à Bournemouth dans le tombeau de leur fille, Mary Shelley.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75432, notice GODWIN William, version mise en ligne le 12 décembre 2009, dernière modification le 12 décembre 2009.

ŒUVRES PRINCIPALES : An Enquiry concerning the Principles of Political Justice and its Influence on General Virtue and Happiness (Enquête sur la justice politique et son influence sur la morale et le bonheur), Londres, 1793, rééd. Toronto, 1946, 2 vol. de texte et 1 vol. d’introduction critique et notes. — Things as they are or the Adventures of Caleb Williams, nouvelle éd. Oxford University Press, 1970 (traduit en français, Les aventures de Caleb Williams ou les choses comme elles sont, 1813). — The Enquirer (L’Enquêteur), Londres, 1797. — Memoirs of the Author of a Vindication of the Rights of Woman (La vie de Mary Wollstonecraft), 1789, rééd. W.C. Durant, 1927. Pour une bibliographie complète des œuvres de W. Godwin, voir G. Woodcock, William Godwin, Londres, 1946. Ont été traduits en français : Cloudesley, 4 vol., Paris, 1830 ; Mandeville, Histoire anglaise du XVIIe siècle, 4 vol. 1818 ; Recherches sur la propriété et sur la faculté d’accroissement de l’espèce humaine, contenant une réfutation des doctrines de M. Malthus sur cette matière, 2 vol., Paris, 1821.

BIBLIOGRAPHIE : G. Kegan Paul, William Godwin : His Friends and Contemporaries, Londres, 1876. — H.N. Brailsford, Shelley, Godwin and their Circle, Londres, 1913. — F.K. Brown, The Life of William Godwin, Londres, 1926. — G. Woodcock, William Godwin, Londres, 1946. — D. Fleischer, William Godwin : a study in liberalism, Londres, 1951. — A.E. Rodway, Godwin and the Age of Transition, Londres, 1952. — William Godwin, 1756-1836, philosophe de la justice et de la liberté, Paris-Bruxelles, Peuple et Action, 1953. — R. Glynn Grylls, William Godwin and his World, Londres, 1953. — R. Burton Pollin, Godwin Criticism, a synoptic Bibliography, Toronto, 1967. — E. Flexner, Mary Wollstonecraft, New York, 1972. — The Radical Tradition in Education in Britain, Writings by William Godwin, Thomas Paine, Robert Owen and Richard Carlile, éd. B. Simon, Londres, 1972. — G. Tomalin, The Life and Death of Mary Wollstonecraft, Londres, 1974. — J.P. Clark, The philosophical Anarchism of William Godwin, Princeton, 1978. — P.H. Marshall, William Godwin : Philosopher, Novelist, Revolutionary, Yale, 1984.

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