ARMAND Inès (Inessa) [née STÉPHANE Inès, Élisabeth]

Par Jean Maitron et Claude Pennetier

Née le 8 mai 1874 (ou 16 juin 1875) à Paris XVIIIe arr., morte le 24 septembre 1920 à Naltchik (Russie) ; enseignante ; militante du Parti bolchevique ; animatrice du mouvement féminin communiste international. La vie militante d’Inès Armand ayant essentiellement pour cadre la Russie, nous renvoyons pour plus de précisions aux études sur le mouvement ouvrier russe et la Révolution d’octobre.

Inès Armand naquit à Paris dans une famille d’artistes lyriques. Son père Théodore Stéphane avait épousé une cantatrice devenue professeur de chant, Nathalie Wild, d’origine anglaise. Il mourut laissant la mère avec trois fillettes, aussi, lorsqu’une tante, Elisabeth d`Herbenville [Pécheux d’Herbinville], trouva un emploi d’institutrice en Russie, elle emmena la jeune Inès. Ils s’installèrent à Moscou où Inessa donna des leçons de langue vivante (elle parlait le français, le russe, l’anglais, l’allemand) et de chant. Elle s’occupait, en particulier, des enfants d’une famille d’industriels descendants d’émigrés français : les Armand, très riches industriels du textile . À dix-huit ans elle épousa l’aîné, Alexandre, Evguéniévitch Armand et s’installa à Eldiguino dans les environs de Moscou. Son entreprise existe toujours à Eldiguino aux environs de Moscou. La naissance du premier enfant, Alexandre, en 1894, coïncida avec une crise morale d’Inès, qui s’éloigna de la foi de son enfance et se préoccupa des conditions de vie du peuple russe. Elle ouvrit une école pour les enfants de son village. Un fils et deux filles naquirent entre 1896 et 1901. À l’automne 1903, elle se rendit à Lausanne, avec ses trois enfants, pour recevoir des soins. Elle y accoucha d’un autre enfant.

Apres 9 ans de vie commune, Inessa avait quitté son mari pour Vladimir, son frère cadet de 18 ans, qui était un socialiste-révolutionnaire. Déjà acquise aux idées socialistes, elle avait peut-être rencontré des militants pendant ses séjours hivernaux à Moscou, entre 1900 et 1903, et, à Lausanne avant l’été 1904. Deux frères de son mari étaient membres du Parti social-démocrate (l’un d’eux, très lié à Inessa, fut arrêté en 1907 et mourut en Suisse en 1909). À son retour en Russie, elle adhéra à l’organisation social-démocrate de Moscou, y milita activement, provoquant le 6 janvier 1905 une perquisition et son arrestation. Relâchée le 22 octobre 1905 en pleine grève générale, elle participa au mouvement à Lefortovo, faubourg de Moscou. Elle fut interpellée le 9 avril 1907 puis arrêtée à nouveau le 7 juin 1907 et condamnée à deux ans de prison tandis que son mari perdait le droit de résider à Moscou.

Les services de sécurité l’envoyèrent à Arkhangelsk puis à Mezen d’où elle s’évada en novembre 1908, gagnant Moscou puis la Belgique en 1909. C’est à cette époque qu’Inès Armand fit la connaissance de Lénine au cours d’un séjour à Paris. Elle s’installa en octobre 1910 dans la capitale française, au 241, rue Saint-Jacques, milita au Groupe parisien de soutien au Parti bolchevique et siégea à son praesidium. Lénine demanda à I. Armand d’enseigner à l’école de formation de Longjumeau créée au printemps 1911. Elle habitait alors au 2, rue Marie-Rose tandis que Lénine vivait au numéro 4. En novembre 1911, elle assista aux obsèques des Lafargue et, traduisit par la suite en français le discours de Lénine. Inessa Armand (dite Eléna Fédorovna) rentra clandestinement en Russie au cours du mois de juillet 1912, pour organiser des rayons bolcheviques locaux. Arrêtée dès le 14 septembre 1912, elle connut un régime de détention sévère qui altéra gravement sa santé. Son mari, inquiet, multiplia les efforts pour la faire libérer, et, au prix d’une importante caution, limita à un an le séjour d’Inessa en prison. Elle arriva à Paris en décembre 1913. Avec Kroupskaïa, Ludmila Stal et l’épouse de Zinoviev, elle créa, sous le pseudonyme d’E. Blonina, la revue l’Ouvrière (Rabotnitsa) qui parut à Saint-Pétersbourg du 23 février (8 mars) 1914 au 26 juin (8 juillet) 1914, avant de renaître de mai 1917 à janvier 1918. Elle vivait et se faisait soigner à Fiume en 1914. Elle accepta d’interrompre son séjour pour défendre les thèses du Parti bolchevique devant le Bureau socialiste international à Bruxelles, du 16 au 18 juillet 1914.

Quand la guerre éclata, Inessa Armand embarqua avec quatre de ses enfants à Trieste, en direction d’Odessa, puis rejoignit seule Lénine en Suisse à la mi-septembre 1914. Elle participa à la Conférence internationale des femmes (Berne, 25-27 mars 1915), à celle des Jeunesses socialistes (Berne, 5-6 avril 1915), à la conférence de Zimmerwald (5-8 septembre 1915). Inessa entra clandestinement sur le territoire français en janvier 1916, pour assister aux réunions du Comité d’action international (futur Comité pour la reprise des relations internationales) et rencontrer des militants du groupe bolchevique parisien. Elle parvint à faire éditer en français la brochure de Lénine, Le socialisme et la guerre. Revenue en Suisse (à Sörenberg puis à Clarens), elle assista à la Conférence de Kienthal (24-30 avril 1916). Le 9 avril 1917, trente-deux émigrés dont dix-neuf bolcheviques obtinrent l’autorisation de quitter la Suisse en passant par l’Allemagne. Lénine et Inès Armand arrivèrent ainsi en Russie le 16 avril 1917. Elle partit à Moscou retrouver son mari, ses cinq enfants, et prendre des responsabilités dans l’organisation moscovite. Elle entra à la commission exécutive du Soviet de Moscou en 1918, présida le Conseil économique de la province de Moscou, siégea au bureau de la commission exécutive provinciale, entra au Comité central du Parti bolchevique et y anima la commission féminine. Inessa Armand fit un bref séjour en France à la fin de l’année 1918, avec la commission soviétique chargée du rapatriement de Français. Ils furent détenus un temps à Malo-les-Bains (Nord).

Elle vécut ensuite à Moscou, à proximité du Kremlin. Malade, elle partit pendant l’été 1920 se faire soigner dans le Caucase où, victime du choléra, elle mourut le 24 septembre 1920. Elle fut enterrée devant le mur du Kremlin le 12 octobre 1920. Le souvenir de la dirigeante historique, décédée avant le déchirement du Parti bolchevique, resta très fort en Union soviétique. L’Encyclopédie soviétique lui consacra une longue notice. Son mari, séparé d’elle depuis 1904 mais non divorcé, s’occupa de problèmes agricoles et mourut en 1943. Alexandre, son fils aîné, militant communiste, travailla à l’Institut thermotechnique de Moscou ; Fédor (né en 1896), aviateur, mourut de la tuberculose en 1930 (ou 1936 selon les sources) ; André (né en 1903), ingénieur dans une usine de construction de tanks, membre du PC, fut tué au combat en 1944 ; Ina (née en 1898) travailla à l’Institut marxiste-léniniste ; Varvara (née en 1901) travailla aux Arts décoratifs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article91039, notice ARMAND Inès (Inessa) [née STÉPHANE Inès, Élisabeth] par Jean Maitron et Claude Pennetier, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 27 juin 2023.

Par Jean Maitron et Claude Pennetier

SOURCES : Grande Encyclopédie soviétique, 1950, t. 3, pp. 8-10 (source principale pour la rédaction de cette biographie). — Ludmila Zak, Des Français dans la Révolution d’Octobre, Ed. Sociales, 1976. — Fréville, Inessa Armand, Ed. Sociales, 1957. — Le Bulletin communiste, 4 novembre 1920. — M. Body, Un piano en bouleau de Carélie, Paris, 1981. — G. Bardawil, Inès Armand, J.-C. Lattès, 1993. — Komintern : l’histoire et les hommes, op. cit.

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