ANGEVILLE Hélène, Suzanne, Alphonsine

Par Madeleine Singer

Née le 9 novembre 1927 à Tours (Indre-et-Loire), morte le 20 octobre 2019 à Paris (XIIe arr.) ; directrice de centre d’information et d’orientation (CIO) ; militante jéciste, responsable nationale de la JECF universitaire ; syndicaliste, membre du bureau national du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) de 1964 à 1977, en qualité de secrétaire de la section « Orientation » ; militante de l’UGS puis du PSU.

[Cliché fourni par Madeleine Singer]

Hélène Angeville était la cadette des deux enfants de Germain Angeville, électricien, qui fut syndicaliste CGT. Elle fit ses études secondaires à l’EPS, puis au lycée de Tours et passa le baccalauréat en 1947. Elle fréquenta pendant trois ans la faculté des lettres de Poitiers où elle obtint la licence de philosophie. Elle rejoignit alors la Sorbonne où elle passa en 1952 un DES de philosophie ainsi que le CES d’ethnologie. Reçue à l’examen d’entrée à l’INETOP (Institut national d’études du travail et d’orientation professionnelle), elle en sortit en 1955 avec le diplôme de conseiller d’orientation. Nommée d’abord au centre d’orientation de Saint-Étienne (annexe de Firminy), elle fut en avril 1960 chargée de la formation pratique à l’ INETOP. Elle y prit sa retraite en 1988 après avoir été promue vers 1977 au grade de directeur.

Ayant adhéré à la JECF dès l’entrée à l’EPS, elle devint en 1951 responsable nationale de la JECF universitaire. Déjà lectrice du Monde à Saint-Étienne, elle adhéra à l’UGS (Union de la gauche socialiste) qui venait de naître en 1957 et qui s’intégra en 1960 dans le PSU (Parti socialiste unifié) dont elle resta adhérente jusqu’en 1972. Or, en fréquentant à l’Union départementale CFTC de Saint-Étienne des réunions consacrées aux problèmes économiques, elle fit la connaissance de syndicalistes qui étaient des membres actifs de Reconstruction : elle s’intéressa à ce groupe et y rencontra des militants SGEN. Elle adhéra très vite à ce syndicat car en novembre 1956, on trouve déjà sa signature dans un supplément de Syndicalisme universitaire consacré à l’orientation. En un vaste article, elle y présentait le « service public de l’orientation » : elle exposait les dispositions légales qui le régissaient ; elle décrivait l’activité d’un centre d’orientation au service des jeunes de 14 ans, des élèves des centres d’apprentissage ainsi que du second degré ; elle évoquait la formation des conseillers d’orientation. Dans le supplément « orientation » de décembre 1958, elle indiquait les moyens indispensables pour recruter des conseillers en nombre suffisant.

Dès son arrivée à l’INETOP, Hélène Angeville apporta son concours à Jean Heudier*, secrétaire national SGEN de l’orientation, et signa avec celui-ci le rapport présenté au congrès de 1962. Or c’était pour l’orientation une période cruciale car au Ministère on élaborait un nouveau statut. Le congrès renouvela les vœux déjà formulés en 1956, à savoir l’unification des services de psychologie, de documentation et d’orientation scolaire et professionnelle (OSP), ainsi que leur rattachement à une direction autonome, à cause de leur rôle dans une réforme de l’enseignement telle que le SGEN la préconisait. Quelques mois plus tard, Hélène Angeville dut faire grève avec les conseillers de l’INETOP pour obtenir le rétablissement de l’indemnité versée aux enseignants, laquelle leur avait été supprimée : au cours d’une audience au Ministère, elle apprit qu’« à l’échelon le plus élevé », le principe même d’une fonction spécifique d’orientation était mise en cause, certains pensant qu’un professeur était plus compétent que tout autre, sans autre effort de qualification, pour donner à ses propres élèves des conseils d’orientation scolaire et professionnelle.

En septembre 1964, Hélène Angeville hérita de la décharge de six heures dont bénéficiait J. Heudier car celui-ci, trop pris par ses fonctions de directeur, ne pouvait l’utiliser pleinement. Déjà suppléante de J. Heudier au comité national depuis 1960, elle devint secrétaire de la section et le remplaça également au bureau national où celui-ci siégeait ès qualités en tant que secrétaire d’une section nationale. Elle allait pendant treize ans assumer une charge dont son rapport pour le congrès de 1966 donne une idée. La préparation du nouveau statut par le ministère l’amenait à multiplier les audiences et les démarches. Pour vaincre le blocage « au niveau le plus élevé » du texte préparé par Capelle, directeur des programmes et de l’organisation scolaire (DGOP), elle fit une enquête auprès des enseignants du deuxième degré pour dégager la réalité et l’intérêt de la collaboration des conseillers et des professeurs ; cette enquête, menée par les responsables académiques du SGEN-Orientation fut remise à la DGOP. Hélène Angeville envoya également une note sur les besoins des services aux responsables des sous-commissions préparant le Ve plan. Enfin une brochure éditée par le SGEN fut diffusée auprès des diverses instances du Ministère : Hélène Angeville évoquait notamment les positions du SGEN concernant l’unification et la structure des services ; elle put constater que les projets de réorganisation préparés par la sous-direction de l’orientation étaient très proches de ces propositions. En 1966 elle devint en outre suppléante du représentant CFDT à la commission emploi du Commissariat pour le Ve plan et le demeura pour le VIe plan, tirant, dit-elle, un grand profit de la documentation dont on disposait.

Lors du congrès SGEN de 1968, le statut de l’orientation était toujours en suspens. Hélène Angeville fit bien entendu partie de la commission « Orientation » créée à la suite des événements de Mai 68, laquelle devait débattre tant du processus d’orientation que du statut du personnel et de sa formation. En 1969, dans son rapport de synthèse, la commission proposait l’unification de tous les services d’orientation, comme le préconisait le SGEN. Quand les textes parurent en 1970-1971, le BUS (bureau universitaire de statistiques) devenait l’ONISEP (office national d’information sur les enseignements et les professions) et les centres d’OSP, s’appelant désormais CIO, dépendaient comme l’ONISEP d’un même chef de service au niveau académique. Mais l’arbitrage ministériel avait conservé aux psychologues scolaires un statut particulier. En outre on attendait toujours le statut du personnel de l’orientation lequel ne sortit qu’en 1972.

Pendant toute cette période, Hélène Angeville suivit la trajectoire du dossier « Orientation » au cours d’audiences au niveau des différents cabinets ministériels ainsi qu’auprès du directeur délégué à l’orientation et à la formation continue. Elle rappela sans trêve les positions du SGEN tant au sujet du statut du conseiller que de sa formation ; elle insista notamment sur l’intérêt d’une certaine décentralisation des instituts de formation car cela assurerait la stabilité du personnel grâce à un recrutement régional. Elle fit également des démarches pour accélérer la sortie du texte ; lorsque la procédure dépendit d’une réunion du Conseil supérieur de la fonction publique, elle assura la liaison avec Paul Caspard* qui siégeait dans cet organisme au titre de la CFDT, afin qu’il pût défendre la thèse de la section SGEN-Orientation. Enfin elle tenait les adhérents au courant de l’avancement de la question tant par des articles dans Syndicalisme universitaire que par le bulletin ronéotypé qui depuis 1969 remplaçait les circulaires dont la diffusion et le volume étaient insuffisants.

Mais la parution du statut du personnel de l’orientation ne régla pas tous les problèmes. Le rapport présenté au congrès de 1974 s’inquiétait de la réforme des procédures d’orientation qui commandent aussi bien les conditions de travail des conseillers que l’efficacité de leur action. Depuis plus d’un an, Hélène Angeville et Pierre Lherbier* avaient, devant ce projet de réforme, présenté « leurs réserves et leurs craintes », tant au Ministre qu’au directeur délégué à l’orientation et à la formation : le conseiller perdrait sa fonction essentielle de conseil individuel et de synthèse au profit du service d’affectation des élèves qui ferait la synthèse des différents vœux et avis. Dans son rapport, Hélène Angeville se souciait également de la formation initiale et du recrutement des conseillers, réclamant notamment l’octroi de moyens financiers suffisants pour les instituts de formation.

L’arrivée en mars 1974 d’un nouveau ministre René Haby rendit la tâche du syndicat encore plus difficile car le ministre, par la loi du 11 juillet 1975 et les décrets qui s’ensuivirent, imposa une nouvelle réforme de l’enseignement. La section « Orientation » participa à l’action du SGEN qui s’efforça de « mettre en échec » cette réforme que nous ne pouvons exposer en détail. Hélène Angeville se préoccupa en particulier des mesures relatives à l’orientation qui « marginalisent » le conseiller. Comme le déclara la commission administrative « Orientation », réunie en mai 1976, on cantonne le conseiller dans un rôle d’information alors qu’une liaison doit être établie entre observation et information ; on supprime de fait les structures collectives de décision car le conseiller n’intervient plus qu’à la demande du conseil des professeurs pour des cas particuliers et perd donc l’initiative de son action. Aussi le rapport de Hélène Angeville pour le congrès de 1977 lançait-il un cri d’alarme, en rappelant que les points critiqués avaient été repris par P. Lherbier, représentant SGEN au Conseil de l’enseignement général et technique, ainsi que par une délégation reçue par le directeur des collèges. Mais la proposition d’action commune contre les projets de décrets de R. Haby, envoyée le 21 mai 1976 par Hélène Angeville au secrétaire national SNES (orientation), ne fut pas acceptée par celui-ci car à cette époque le SGEN et le SNES n’avaient pu s’entendre sur les modalités d’une grève commune.

À ce congrès de 1977, Hélène Angeville ne sollicita pas le renouvellement de son mandat de secrétaire ; elle quittait en même temps le bureau national et le comité national, ainsi que la commission permanente, instaurée par les statuts de 1973, où siégeaient les secrétaires de toutes les sections nationales. Comme elle le déclara alors, « responsable de la section depuis 14 ans », elle avait de longue date préparé son remplacement, ayant atteint l’objectif qu’elle s’était fixé : « amener la section à un stade de développement qui atteste la vitalité du courant que représente la CFDT parmi les conseillers d’orientation ». Élue à la Commission administrative paritaire nationale (CAPN), elle continuera, déclara-t-elle, « à assumer tout ce qui relève de ce mandat ». Elle y siégeait depuis 1973 : si le SGEN-Orientation avait eu cette année-là pour la première fois un élu, il le devait notamment à un travail d’organisation dont le rapport de Hélène Angeville au congrès de 1972 se faisait l’écho : réunions régulières du bureau national-Orientation, parution du bulletin déjà mentionné, réunions académiques ; en novembre 1970, Hélène Angeville participait aux réunions de Lille et de Nantes.

Puis à partir de 1973, des sessions de formation furent organisées chaque année : ainsi en juillet 1973, plus de quarante participants rassemblés pendant trois jours, firent le point sur la situation des quinze académies représentées, étudièrent l’organisation des sections académiques qui devaient élire leur secrétaire, confrontèrent leurs expériences sur l’orientation. Malgré la dispersion géographique (plus de 300 kilomètres) qui rendait difficile la tenue de réunions académiques, celles-ci avaient lieu dans les différentes régions : mensuelles à Lyon, il y en avait ailleurs au moins quatre par an. Le bulletin s’était ouvert à une tribune des académies où celles-ci pouvaient exposer les travaux de leurs assemblées ; il donnait dès 1975 la liste des secrétaires académiques pour l’Orientation. En outre des circulaires comprenant les comptes rendus de bureau ou de commission administrative étaient envoyées à ces secrétaires académiques. Hélène Angeville n’oubliait pas les élèves-conseillers : la première promotion qui inaugura les conditions de recrutement et de formation définies par le statut du personnel publié le 23 avril 1972, reçut un tract qui présentait le syndicat et donnait des informations administratives.

Un tel travail ne pouvait que porter ses fruits. Quand Hélène Angeville fut élue à la CAPN en 1973, le SGEN entrait en même temps dans les CAP académiques (CAPA) de Besançon, Caen, Nancy-Metz. Elle pouvait dès lors informer et défendre les adhérents : le bulletin publiait tous les renseignements relatifs à la notation, aux promotions et aux mutations ; ainsi en octobre 1973, Hélène Angeville donnait un bilan des promotions avec des tableaux indiquant notamment la note administrative du premier promu et du dernier. Les élections suivantes ne firent que conforter les résultats déjà obtenus : en 1976, elle fut réélue avec un pourcentage croissant (24,7 % au lieu de 20,19 %) et le SGEN figurait maintenant dans neuf CAPA. En 1979, Hélène Angeville, avec 33,8 % des suffrages, siégea en qualité de directeur, le SGEN ayant alors un élu dans quatorze académies. Désireuse de se retirer en 1982, elle fut encore candidate et le demeura jusqu’à la retraite mais en dernière position : le 5 mars 1982, le SGEN, avec 38,77 % des voix, obtint un deuxième siège à la CAPN où il fut dès lors représenté par un directeur et un conseiller ; il était en même temps présent dans 24 CAPA, ayant même deux sièges à Grenoble, Lyon et Versailles. Or la percée effectuée fut durable car aux élections de décembre 1996, le SGEN eut 38 % des voix et garda donc deux sièges dans la CAPN. Une fois à la retraite Hélène Angeville pouvait par conséquent se féliciter de l’action qu’elle avait menée. Elle se consacra alors à sa famille tout en apportant son concours à l’association ATD quart monde.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10102, notice ANGEVILLE Hélène, Suzanne, Alphonsine par Madeleine Singer, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 2 mars 2021.

Par Madeleine Singer

[Cliché fourni par Madeleine Singer]

SOURCES : M. Singer, Histoire du SGEN, Presses Universitaires de Lille, 1987. ; Le SGEN Des origines à nos jours, Le Cerf, 1993, collection « Histoire », 352 p. — Syndicalisme universitaire, 1956-1984. — Bulletin ronéotypé de l’Orientation, publié d’abord en supplément de Syndicalisme universitaire (1963-1974), puis sous le titre Informations SGEN-CFDT (1975-1977). — Lettres d’Hélène Angeville à Madeleine Singer, 6 avril 1995, 23 février 1997, 16 juin 1997, 10 juillet 1997, 4 décembre 1997 (Arch. privées).

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