BREPSON Auguste

Par Jean Prugnot

Né le 5 juin 1884 à Saint-Ouen (Seine, Hauts-de-Seine), mort le 8 avril 1927 à Paris ; ouvrier, employé, bouquiniste, écrivain.

La plupart des critiques ont considéré que l’ouvrage Un gosse, d’Auguste Brepson, était une autobiographie. Selon ce récit, il serait né quai d’Austerlitz, à bord d’une péniche sur laquelle son père travaillait comme pilote. Sa mère serait morte en le mettant au monde. Il décrit ensuite avoir été élevé par sa grand-mère maternelle, qui était lavandière, à quelques lieues de Paris. Mais ce séjour à la campagne dure peu, la grand-mère de Brepson ayant dû revenir avec lui à Paris pour y chercher du travail. Le père, atteint de tuberculose, ne peut exercer régulièrement son métier et succombe à l’hôpital quand son fils est encore très jeune.

Or, la réédition de Un gosse par les éditions Plein Chant (2017) indique que Brepson est bien né à Saint-Ouen le 5 juin 1884, et non Quai d’Austerlitz. L’état civil précise par ailleurs qu’il était né de « père non désigné ». Quant à sa mère, loin de succomber d’une hémorragie une heure après sa naissance, elle mourut en avril 1936. Pour ce qui est de la grand-mère d’Auguste Brepson, rien ne prouve, ni n’infirme qu’elle ait élevé l’enfant, ni qu’elle ait habité la sinistre Cité Jeanne d’Arc. C’est en 1915 qu’elle décéda, lorsque Auguste Brepson avait donc 31 ans.

S’il est difficile de faire la part de la réalité et de la fiction, Un gosse n’en reste pas moins un témoignage social précieux et une œuvre attachante. Brepson y décrit une enfance très misérable. À la mort de sa grand-mère, selon le récit, il quitta l’école pour gagner sa vie et occupa divers emplois de fortune : apprenti cordonnier, représentant, employé de bureau. Ami des livres, autodidacte parvenu à acquérir de fortes connaissances littéraires, il réussit, vers la trentaine, à aménager une petite boutique de bouquiniste, rue Lecourbe. Il parvint, avec beaucoup de difficultés à placer des contes dans quelques journaux. Mais il soumit en vain, pendant des années, le manuscrit de son livre, Un gosse, à des éditeurs. Le récit parut cependant en feuilleton dans l’Ère Nouvelle, puis enfin en volume aux Éditions Rieder, grâce à J.-R. Bloch, en 1928. Brepson, épuisé par les privations de toute sa vie et par la même maladie que celle qui avait terrassé son père, était mort l’année précédente. Il avait quarante-deux ans.

Un gosse, bien qu’inspiré de la vie d’Auguste Brepson, est avant tout un roman, présentant l’histoire d’une enfance douloureuse. C’est, à l’état nu, le tragique quotidien de la vie des miséreux. Non des pauvres, mais bien de ceux qui survivent dans cet état en deçà de la pauvreté : la misère, — telle que l’a connue, par exemple, un Lucien Bourgeois et dont parle Péguy dans De Jean Coste : « On confond presque toujours la misère avec la pauvreté. Cette confusion vient de ce que la misère et la pauvreté sont voisines ; elles sont voisines sans doute, mais situées de part et d’autre d’une limite ; et cette limite est justement celle qui départage l’économie au regard de la morale... » — Si le père avait pu vivre et travailler, peut-être l’enfant et sa grand-mère seraient-ils restés « seulement » des pauvres. Mais cette histoire est celle d’un enfant qui ne peut encore subvenir à ses besoins et d’une vieille femme qui tâte de tous les « métiers » pour qu’il y ait chaque jour sur la table un peu de soupe chaude : ravaudeuse, femme de ménage, vendeuse de lacets au marché Saint-Médard, ou de fleurs qu’elle va chercher dans les bois, couseuse de draps de soldats, trieuse des chiffons... « Elle partait chercher du travail et rentrait à la brume sans en avoir trouvé, et fourbue, sombre, avec toute la crotte de novembre à ses jupes... », — « ... ma grand-mère rentrait grelottante, la figure bleuie et les yeux hagards. Enfin, chez nous, tout manqua : le pain, le charbon, la lumière. Alors nous allâmes nous chauffer dans les églises et manger à la soupe populaire... » — Errement de chambre en chambre à travers Paris, pour finir dans cette immonde Cité Jeanne d’Arc, aujourd’hui disparue.

Auguste Brepson écrit sans violence de langage, mais avec une grande délicatesse, une pudeur constante, sur un ton simple, dépouillé, et c’est ce qui donne tant de force à son récit.

Un gosse, s’il fut regardé, à juste titre, par certains, comme un chef-d’œuvre de la littérature prolétarienne, passa presque inaperçu.

Marié, Auguste Brepson était père de deux enfants. Mme Brepson, qui avait pendant quelques années, repris avec beaucoup de difficulté le travail de son mari, plaçait le livre en vitrine, dans la bouquinerie de la rue Lecourbe. Brepson avait laissé des notes qui devaient lui servir à donner une suite à cet ouvrage. Il avait également commencé à écrire ses souvenirs de bouquiniste. On ne peut savoir ce que sont devenus ces documents.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article102346, notice BREPSON Auguste par Jean Prugnot, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 9 février 2022.

Par Jean Prugnot

ŒUVRE : Un gosse, récit (Éd. Rieder, Paris, 1928). Nouvelle édition, Plein Chant, 2017. — Contes et nouvelles publiés dans : L’Ère Nouvelle, l’œuvre, Le Journal des Débats, Le Peuple, Nouvel âge.

SOURCES : Jean Prugnot, Des voix ouvrières, Plein chant, 2016. — Préface et post-face à Un gosse, récit (Éd. Rieder, Paris, 1928). Nouvelle édition, Plein Chant, 2017. _ Sur Auguste Brepson, cf. Henry Poulaille : Nouvel âge littéraire (Valois, Paris, 1930), André-Charles Mercier : Préface à Un gosse. — René Bonnet, « Un oublié, Auguste Brepson » (La Flèche, 27 mars 1937). — Notes de Claude Boucheix (petit-fils d’Auguste Brepson), Christine Boucheix-Kosmopoulos (petite-fille d’Auguste Brepson) et Dominique Cottel.

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