LE BRUN Pierre, Zacharie, Valentin. Écrit parfois par erreur LEBRUN Pierre

Par René Gaudy

Né le 28 octobre 1906 à Saint-Claude (Jura), mort le 20 novembre 1970 à Louveciennes (Yvelines) ; ingénieur ; collaborateur technique de la CGT avant 1939 ; secrétaire général de l’Union des cadres industriels de la France combattante (UCIFC) de 1943 à 1945 ; président de l’Union des ingénieurs et techniciens français (UNITEC) en 1944-1945 ; secrétaire de la CGT (début 1945-début 1966).

Issu d’une famille d’universitaires, son père était inspecteur primaire et sa mère professeur, Pierre Le Brun fut élève de l’École libre des sciences politiques et des Ponts et Chaussées. Ingénieur civil, il travailla chez Schneider et au groupe Mercier puis fut chef de service d’études générales à la Société hydroélectrique de France, 119 rue de Grenelle à Paris. À l’époque du Front populaire, où il se situait dans la mouvance radicale-socialiste, il se lia avec Léon Jouhaux et devint l’un de ses plus proches conseillers pour les questions énergétiques. Il siégeait au Conseil économique du travail pour lequel il établit en 1937 le projet de la CGT de nationalisation du transport de l’électricité. Il se heurta alors à Marcel Paul qui considérait ce projet comme d’essence réformiste et lui reprochait de ne pas s’attaquer au « trust de l’électricité ».

Résistant, il retrouva Marcel Paul dans la clandestinité. Selon ce dernier, Pierre Le Brun et l’ingénieur électricien Marcel Bergeron vinrent le trouver, juste après l’entrée en guerre de l’URSS en 1941, pour faire savoir qu’ils donnaient leur adhésion au Parti communiste (source non recoupée). La courte biographie figurant sur la jaquette de son ouvrage, Questions actuelles du syndicalisme le présente comme « l’un des fondateurs du Front national ». En juillet 1943, le Conseil national de la Résistance (CNR), pour mieux associer les ingénieurs et les cadres à la lutte contre l’occupant, créa l’UCIFC (Union des cadres industriels de la France combattante) dont Pierre Le Brun devint le secrétaire général. Parmi les autres fondateurs de l’UCIFC figuraient Roger Lescuyer, ingénieur-conseil à la Fédération des collectivités électrifiées et Marcel Bergeron. L’UCIFC joua un rôle important, notamment dans le sabotage du réseau électrique. À la Libération, elle fusionna avec l’UNITEC (Union des ingénieurs et techniciens français), organisation similaire créée à Londres le 11 novembre 1942 et transférée à Alger en octobre 1943. Pierre Le Brun fut le président de l’UNITEC jusqu’à son élection comme secrétaire de la CGT, le 29 mars 1945, à l’issue du comité national confédéral réuni pour la première fois depuis la guerre (Léon Jouhaux était encore prisonnier en Allemagne).

Durant cette période et jusqu’à l’arrivée de Marcel Paul au ministère de la Production industrielle, Pierre Le Brun joua un rôle de premier plan pour faire avancer le projet de nationalisation du gaz et de l’électricité. Au sein du CNR, il fut l’animateur de la sous-commission qui élabora le premier projet. Il participa activement à la commission Perrier créée par Robert Lacoste, ministre de la Production industrielle de la Libération à novembre 1945, pour élaborer des projets. Il rédigea également plusieurs articles dans le Peuple et la Vie ouvrière. Le 12 juin 1945, au nom de la Commission de coordination des affaires économiques et sociales de l’Assemblée consultative provisoire dont il était membre, il déposa un rapport favorable à la proposition de nationalisation présentée par le CNR (qui fut publié dans le Peuple des 23 et 30 juin). Le 3 août, il fit au nom de la commission de l’équipement, cette fois-ci, un rapport dans le même sens devant l’Assemblée nationale qui l’adopta « dans ses principes ». Il fallut cependant huit mois pour que la loi soit votée. Lors du ministère Marcel Paul (novembre 1945-décembre 1946), Pierre Le Brun devint rapporteur de la commission de modernisation de l’électricité, instituée le 12 février 1946 dans le cadre du Plan Monnet. Mais son rôle fut moins important dans l’industrie électrique qu’en 1944-1945. Selon le témoignage de Marcel Paul, Pierre Le Brun « s’accrocha » avec lui à propos de la nationalisation de cette branche, reprochant au ministre de faire trop de concessions dans le sens de l’étatisation. Au XXVIe congrès de la CGT, début avril 1946, le rapport présenté par Pierre Le Brun au nom de la commission économique ne traita pas de cette question, pourtant d’actualité.

Il fut nommé au conseil d’administration d’EDF le 10 mai 1946 comme représentant CGT des cadres techniques et administratifs. En mai 1950, il fut révoqué de ce poste par le gouvernement en même temps qu’Émile Pasquier pour avoir critiqué le projet d’emprunt d’EDF — en 1959, le conseil d’État annula le décret mais Pierre Le Brun ne revint pas au conseil d’administration. S’il ne fut jamais très lié à la Fédération de l’Éclairage, il resta secrétaire de la CGT durant vingt ans. Son travail fut considérable, en particulier sur les questions économiques et sur les revendications spécifiques aux cadres. Ses désaccords croissants avec la CGT, son évolution sous la Ve République qui le conduisit à appeler à voter pour le général de Gaulle aux élections présidentielles de 1965 entraînèrent sa démission du bureau de la CGT en janvier 1966.

Pierre Le Brun avait épousé Irène Goursaud le 3 août 1926 à Paris (XIVe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107753, notice LE BRUN Pierre, Zacharie, Valentin. Écrit parfois par erreur LEBRUN Pierre par René Gaudy, version mise en ligne le 12 novembre 2010, dernière modification le 6 septembre 2011.

Par René Gaudy

SOURCES : R. Gaudy, Et la lumière fut nationalisée, Paris, Éditions sociales, 1978. — M. Dreyfus, Histoire de la CGT (1895-1995), Bruxelles, Éd. Complexe, 1995, 408 p. — Renseignements recueillis en 1978 auprès de Mme P. Le Brun. — Brochure publiée après sa mort avec le témoignage d’amis. — État civil.
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