MIRBEAU Octave, Marie, Henry

Né le 16 février 1848 à Trévières (Calvados), mort le 16 février 1917 à Paris ; écrivain ; sympathisant anarchiste durant quelques années.

Octave Mirbeau (vers 1895)
Octave Mirbeau (vers 1895)
cc Atelier Dornac

L’écrivain Octave Mirbeau collabora à la presse libertaire, à la revue L’En Dehors de Zo d’Axa qui parut du 5 mai 1891 au 19 février 1894, au journal Les Temps Nouveaux de Jean Grave, où son nom figure sur la liste des collaborateurs publiée dans le n° 1 daté 4-10 mai 1895, au Journal du Peuple, quotidien fondé pendant l’affaire Dreyfus et que dirigea Sébastien Faure du 6 février au 3 décembre 1899.

En 1875, Octave Mirbeau débuta dans le journalisme, il collabora à L’Ordre puis au Gaulois et au Figaro. Il fut pendant quelques mois sous-préfet à Saint-Girons (Ariège) au temps du Seize-Mai. En 1883, il publiait Les Grimaces, pamphlet hebdomadaire. Mirbeau se montrait alors clérical, militariste et antisémite.

Vers 1886, il changea et fut alors « un véritable rebelle, ennemi du peuple et des lois, peintre féroce des turpitudes humaines, contempteur farouche d’une société où il avait en vain cherché l’amour » (article nécrologique de CQFD du 24 février 1917 signé Genold) et il fustigea notamment le clergé — il avait reçu une éducation religieuse — dans ses livres L’Abbé Jules, 1888 et Sébastien Roch, 1890. C’est à cette époque qu’il s’adressa aux électeurs dans une apostrophe, publiée par Le Figaro du 14 juillet 1889, et souvent reproduite depuis dans les journaux libertaires. Elle se termine ainsi :

« Eh bien ! mon brave électeur, normand ou gascon, picard ou cévenol, basque ou breton, si tu avais une lueur de raison dans ta cervelle, si tu n’étais pas l’immortel abruti que tu es, le jour où les mendiants, les estropiés, les monstres électoraux viendront sur ton passage coutumier étaler leurs plaies et tendre leurs sébiles au bout de leurs moignons dartreux, si tu n’étais pas l’indécrottable Souverain, sans sceptre, sans couronne, sans royaume, que tu as toujours été, ce jour-là, tu t’en irais tranquillement pêcher à la ligne, ou dormir sous les saules, ou trouver les filles derrière les meules, ou jouer aux boules dans une sente lointaine, et tu les laisserais, tes hideux sujets, se battre entre eux, se dévorer, se tuer. Ce jour-là, vois-tu, tu pourrais te vanter d’avoir accompli le seul acte politique et la première bonne action de ta vie. »

Vint ensuite la période des attentats anarchistes de 1892-1894. Après la condamnation d’indulgence toute relative de Ravachol aux travaux forcés par la cour d’assises de Paris le 26 avril 1892, Octave Mirbeau vit dans le verdict le signe d’une certaine sympathie des jurés à l’égard de « l’Idée future » :

« ... par-delà l’acte, dont on leur criait l’épouvantable horreur, n’ont-ils écouté que la voix de l’Idée future, de l’idée dominatrice qui le spécialise, cet acte, qui le grandit ? » (L’En Dehors, 1er mai 1892).

« ... Ravachol ne m’effraie pas. Il est transitoire comme la terreur qu’il inspire. C’est le coup de tonnerre auquel succède la joie du soleil et des ciels apaisés. Après la sombre besogne sourit le rêve d’universelle harmonie, rêvé par l’admirable Kropotkine... » (article de Octave Mirbeau paru dans L’En Dehors, reproduit par La Révolte, n° 32, 7-14 mai 1892).

S’il glorifia l’acte de Ravachol, Octave Mirbeau désavoua celui d’Émile Henry qui lança, le 12 février 1894, une bombe au café Terminus de la gare Saint-Lazare, laquelle blessa une vingtaine de personnes ; et Mirbeau résuma assez bien l’opinion des anarchistes en écrivant au lendemain du crime : « Émile Henry dit, affirme, clame qu’il est anarchiste. C’est possible. Mais l’anarchie a bon dos. Comme le papier, elle souffre tout. C’est une mode, aujourd’hui, chez les criminels, de se réclamer d’elle, quand ils ont perpétré un beau coup [...] Chaque parti a ses criminels et ses fous, puisque chaque parti a ses hommes » (Le Journal, 19 février 1894).

Jean Grave ayant été poursuivi pour son livre La Société mourante et l’Anarchie, dont la 2e édition venait d’être imprimée en Belgique avec une préface d’Octave Mirbeau, celui-ci vint à la barre le 24 février 1894 témoigner au compagnon son estime et son admiration. Jean Grave fut condamné à deux ans de prison et à 1 000 f d’amende.

Octave Mirbeau fit partie du comité de « Coalition révolutionnaire », constitué en octobre 1898 avec Sébastien Faure, Émile Pouget, Charles Malato, etc., pour répondre aux menées nationalistes antidreyfusiennes. Ce comité était le pendant sur le plan libertaire du « Comité de vigilance » qui groupait à la même époque les différentes fractions socialistes. En 1899, il collabora au Mouvement socialiste et fut collaborateur littéraire de L’Humanité créée en 1904.

Comme de nombreux militants, Octave Mirbeau approuva la politique d’union sacrée en 1914. Il mourut en 1917. « On a enterré hier Octave Mirbeau ; en vérité, il était mort depuis longtemps » (CQFD 24 février 1917, article de Genold). Hervé parla sur sa tombe...

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article122465, notice MIRBEAU Octave, Marie, Henry , version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 23 novembre 2022.
Octave Mirbeau (vers 1895)
Octave Mirbeau (vers 1895)
cc Atelier Dornac

SOURCES : Arch. PPo. B a 1 190. — État civil de Trévières. — Jean Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste, op. cit. — R. Carr, Anarchisme in France : the case of Octave Mirbeau, Manchester University Press, 1977, 190 p. — Des Cahiers Octave Mirbeau sont publiés depuis 1994 à Angers.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable