RINO Georges

Par Georges Portalès

Né le 15 septembre 1927 à Paris (IVe arr.), mort le 1er mai 2012 ; ouvrier en ameublement puis successivement employé, journaliste, permanent syndical et chef d’entreprise ; syndicaliste CGT puis Force ouvrière (FO) de la région parisienne ; militant socialiste.

Georges Rino était le fils d’un couple d’immigrés portugais installés en France depuis 1919. Son père, forgeron et maréchal-ferrant, fut mobilisé au Portugal et il figura parmi les 60 000 soldats envoyés en France en 1916 pour aider les troupes alliées à combattre l’Allemagne. Au cours du conflit, alors qu’il fut employé au centre de réparation du matériel hippomobile, il fit la connaissance de son futur employeur qui lui demanda en 1919 de revenir en France. Il fut donc embauché dans une petite entreprise à Soisy-sous-Montmorency (Seine-et-Oise, Val d’Oise).

En 1939, à l’âge de douze ans, Georges Rino passa son certificat d’études à Franconville (Seine-et-Oise). Par la suite sa formation scolaire fut complétée par des cours du soir dispensés par l’école nationale d’organisation économique et sociale (ENOES), créée par le gouvernement à la Libération.

En 1941, il commença à travailler dans une usine de fabrication de meubles. Comme tous les adolescents de cette époque, en pleine guerre, il subit les privations et contracta la tuberculose. Ce qui l’obligea à trouver un emploi dans un bureau, compatible avec son état de santé. Il apprit alors la sténographie qui lui fut utile lors de son service militaire effectué, plus tard, au 18e régiment de dragons.

Il prit part, à seize ans, à la Résistance contre l’occupant. Engagé dans l’armée, il fit un séjour en prison pour avoir refusé de partir faire la guerre en Indochine. Finalement, il fut déclaré inapte à un séjour en Asie et il fut dégagé de ses obligations militaires en novembre 1945. Il était alors âgé de dix-huit ans.

Après une courte période de chômage, Georges Rino travailla, pour une période de quatre mois, à la caisse d’allocations familiales du bâtiment et des travaux publics.

Il devint ensuite employé à la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). Il milita très rapidement au sein de la section CGT de cet organisme et il appartint alors à la tendance "Résistance ouvrière". À dix-neuf ans, il fut élu secrétaire adjoint de la section. Il siégea également au conseil de l’Union intersyndicale des employés et cadres FO de la région parisienne. Il succéda, le 14 septembre 1951, à Zeller ou Zébert* au poste de secrétaire général de cette union. Il devint donc permanent syndical à 24 ans, après cinq années passées à la SACEM.

Forte de plus de 6200 membres et relevant de la Fédération FO des employés et cadres, elle regroupa des adhérents de très nombreuses branches professionnelles (assurances, commerce, édition et librairie, organismes sociaux (sécurité sociale, caisses d’allocations familiales...), organismes agricoles, Touring Club de France, photo-filmage, bureaux, Mutuelle générale de l’Education nationale, concierges et employés d’immeubles, tourisme, pari mutuel urbain, SACEM...).

Parmi les adjoints à Georges Rino, figurèrent notamment Claude Payement et Marc Blondel.

Le siège de cette union fut alors fixé au n° 130 de la rue de Turbigo. Georges Rino eut ainsi la charge de négocier dans plus d’une quarantaine conventions collectives territoriales ou d’entreprises de secteurs fort divers (prothésistes dentaires, agences de voyages, grands magasins, petits commerces spécialisés telles les entreprises grainières...).

Il devint membre du conseil national de sa fédération lors du congrès tenu en octobre 1952 à Dijon. Il siégea d’ailleurs au bureau d’une des séances de ce congrès.

A partir de 1952, il assuma la direction de nombreux conflits sociaux afin d’obtenir l’amélioration des conditions de travail et le respect par les employeurs des jours de repos des employés de différents secteurs d’activités. Lors du congrès suivant qui eut lieu en novembre 1954 à Paris, Georges Rino présenta le rapport d’activité de la section fédérale du commerce

Georges Rino participa, dès avril 1953, à la rédaction du bulletin Le Courrier syndical, dont le gérant fut Alexandre Hébert. Parmi les autres rédacteurs figurèrent Guy Thorel et Marcel Gibelin. Le Courrier syndical s’arrêta de paraître au cours de l’année suivante et devint, en janvier 1955, Liaisons syndicales. Participèrent à cette publication, outre Georges Rino, Alexandre Hébert, Raymond Patoux, Jean et Ida Boireau. En 1962, Le Militant succéda à Liaisons Sociales. Sa rédaction initiale comprit Camille Pallordet (le gérant), Armand Capocci, Marc Blondel, Maurice Joyeux, Gabriel Chirat, Georges Touroude, Daniel Renard, Claude Payement... Georges Rino cessa sa collaboration en mars 1963 avec quatre autres rédacteurs.

Georges Rino fut élu à la commission exécutive de l’Union syndicale de la région parisienne alors dirigée par Roger Louet.

En 1957, lors des grèves qui secouèrent les grands magasins parisiens, il obtint, après de nombreuses actions et de dures négociations, la signature d’un certain nombre d’accords salariaux.

Il prit part à la grande manifestation interprofessionnelle du 18 décembre 1959. Il siégea entre 1960 et 1962 au bureau de l’Union syndicale FO de la région parisienne et à ce titre fut permanent de cette union.

Georges Rino figura parmi les 258 signataires d’un manifeste connu sous le nom du Manifeste des 121, manifeste sous-titré "Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie". Ce manifeste fut publié le 6 septembre 1960, au lendemain de l’ouverture du procès devant le tribunal militaire du réseau Jeanson (accusé d’avoir aidé le FLN algérien). Parmi les deux autres signataire appartenant à FO, il y eut Maurice Joyeux et Jean-Philippe Martin.

Georges Rino obtint, en février 1962, après diverses interventions, que l’Union syndicale FO de la région parisienne fusse logée à la Bourse du Travail, rue Turbigo à Paris. Ce qui fut fait le 1er octobre de la même année.

Lors du congrès de l’UD de la région parisienne, qui eut lieu les 19 et 20 mai 1962 à Chaville, bien qu’ayant obtenu 49,5% des voix, son mandat de permanent ne fut pas renouvelé.

Georges Rino se trouva alors au chômage. Après une période difficile avec de maigres revenus, il fut contacté par la société "Le Chèque Restaurant" qui l’embaucha comme inspecteur des ventes.

Grâce à son dynamisme, le nombre de chèques restaurant passa, au bout de deux ans, de 12.500 chèques par mois à 350.000 chèques.

Il quitta cette entreprise au bout de deux ans.

Georges Rino prit part aux congrès confédéraux de 1952 à 1969 au moins. À l’exception de celui d’octobre 1956 où il vota en faveur du rapport moral présenté par le bureau confédéral sortant et de ceux de 1963 et de 1966 sur lesquels il s’abstint, il vota "contre" ces rapports.

Lors du congrès confédéral d’octobre 1956, Georges Rino vota en faveur de la motion minoritaire sur l’Algérie, qui réclama la libre détermination du peuple algérien à disposer de lui-même, un cessez-le-feu et des négociations rapides entre la France et les nationalistes algériens.
Il soutint également la proposition de résolution générale présentée par Gérard Langlet, d’EDF et appuyée par Maurice Labi au cours du congrès confédéral de 1963.

Le 28 mai 1964, il fonda la société coopérative de consommation Chèque coopératif pour la restauration, qui devint, le 1er décembre 1972, une société coopérative ouvrière de production (SCOP). Cette SCOP se transforma en Groupe Chèque Déjeuner, qui regroupa, en 2013, une cinquantaine de sociétés à travers l’Europe avec plus de 2100 salariés. Ce qui la plaça au 3ème rang mondial de son secteur d’activité.

Georges Rino fut réélu tous les quatre ans par les salariés-sociétaires et ce jusqu’en 1991. La Fondation Groupe Chèque Déjeuner attribue chaque année un prix à une organisation à vocation sociale, elle lui a donné le nom de Georges Rino,

Au plan politique, Georges Rino milita à la SFIO. Hostile à la politique algérienne du gouvernement Mollet-Lacoste puis de ses successeurs, il s’inquiétait par ailleurs des dangers courus par la République. Il fut membre du Comité de défense antifasciste fondé en avril 1958, regroupant des intellectuels et hommes politiques de gauche, devenu Comité de Résistance antifasciste en mai 1958. Après le retour au pouvoir du général de Gaulle, il fut membre du Conseil consultatif de l’Union des forces démocratiques, constitué en juillet 1958. En septembre suivant, il fut l’un des fondateurs du PSA (Parti socialiste autonome). Il se rapprocha de la gauche de la nouvelle formation, en participant à la relance par Oreste Rosenfeld* et Jean-Jacques Marie* de la revue Correspondance socialiste internationale qui avait été fondée par Marceau Pivert*, décédé en juin 1958. Délégué par la fédération de la Seine du PSA au congrès de Montrouge en mai 1959, il en présida la séance de nuit et fut orateur de l’École socialiste des ESA.

En avril 1960, il participa à la fondation du PSU et fut l’un de ses syndicalistes FO en vue, avec Pierre Bérégovoy*, dont il était proche, Maurice Labi* et Marc Blondel*, côtoyant des militants CFTC comme Edmond Maire* ou de la CGT comme Jean Schaeffer. Il joua un rôle essentiel dans le soutien apporté par l’UD FO à la manifestation initiée par l’UNEF le 27 octobre 1960 contre la guerre d’Algérie.

Il revint ensuite, lors de sa refondation, au Parti socialiste où il figura parmi les experts de sa commission économique. Il eut plus de 50 années de présence au Parti socialiste. Il resta fidèle à sa section de Franconville (Val d’Oise).
Il fut franc-maçon au Grand Orient de France.

Un dernier hommage fut rendu à cet homme humaniste et généreux le 7 mai 2012 au crématorium de Saint-Ouen-l’Aumône (Val d’Oise).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145960, notice RINO Georges par Georges Portalès, version mise en ligne le 9 avril 2013, dernière modification le 4 juillet 2022.

Par Georges Portalès

ŒUVRE : Georges Rino, entretiens menés par Michel Baron, Georges Rino se met à table, Éditions CIEM, 1987, 175 p.

SOURCES : Les Cahiers, du Centre d’histoire sociale de l’Union régionale FO de la région parisienne (Notes complémentaires de Gérard Da Silva à l’autobiographie de Georges Rino et entretiens de Georges Rino avec Marc Blondel). — Comptes rendus des congrès confédéraux FO de 1952 à 1969. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 15 octobre 1952, 25 janvier 1963. — Informations transmises en février 2013 par Marc Blondel. — Gérard Adam in Revue française de sciences politiques, année 1964, volume 14, pp 95 à 106. — Notes de Louis Botella. — Revue Socialiste, cahiers de l’OURS, n° 58-59, 2012. — Site Internet de la Fondation du Groupe Chèque Déjeuner. — Site Internet de Gérard Sebaoun, député socialiste du Val d’Oise.

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