REY-GOLDZEIGUER Annie [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Née à Tunis en 1925 ; étudiante communiste à Alger de 1943 à 1945 puis à la Sorbonne, agrégée d’histoire, mariée à Roger Rey ; au retour de Madagascar en 1952, professeur de lycée, militante communiste de la cellule du XIe arrondissement de Gérard Spitzer* à l’origine de la Voie communiste et organisant le soutien au FLN ; historienne de l’Algérie coloniale.

Le père d’Annie Goldzeiguer, fils d’un industriel juif du port d’Odessa sur la Mer Noire, doit quitter l’empire russe en 1905, année de première révolution, pour ses idées marxistes ; la police tsariste qui venait de l’arrêter, avertit la famille : il sera pendu demain si vous ne lui faites pas quitter la Russie. Plutôt que d’aller en Suisse à Zurich où la maison Goldzeiguer a des intérêts, à 17 ans, le jeune homme vient faire des études de médecine en France, le pays des révolutions, et à la faculté de Montpellier en souvenir de Rabelais. Il est accueilli dans une famille franc-maçonne qui le conduit très vite à la franc-maçonnerie. Par patriotisme français, à l’opposé donc de l’internationalisme minoritaire révolutionnaire de Lénine qui refuse la guerre, il est volontaire en 1914 ; il est affecté par l’armée française à un hôpital de campagne et « trépane à tour de bras » pendant la bataille de Verdun. Victime d’une infection, il est replié à l’arrière à Bar sur Aube où il est soigné par une jeune infirmière qui est institutrice venant d’une famille de petits vignerons du midi de la France, tout aussi patriotes. Ils se marient.

A la fin de la guerre, ils s’installent à Tunis, par facilité semble-t-il dans le sillage de la France ; la République des droits de l’homme est coloniale missionnaire laïque. Exerçant à Tunis, le chirurgien Goldzeiguer qui apprend l’arabe, ce qui est rare, deviendra le Grand vénérable, le plus haut dignitaire, des loges franc-maçonnes d’Afrique du Nord, connu donc en Algérie par rayonnement. Annie Goldzeiguer découvre Alger en 1940 ; elle repart bien vite à Tunis pour échapper à la tutelle directe du régime de Vichy. Son père est cependant déporté en Grande Allemagne au camp d’Oranienbourg dont il ne reviendra pas.

En 1943, Annie Goldzeiguer vient à Alger suivre les études d’histoire et géographie à la seule Université d’Afrique du Nord. Dans l’ardeur du mouvement de la France combattante, très vive dans la gauche et l’extrême gauche des familles minoritaires juives ou mixtes, elle est aussi étudiante communiste. « J’ai participé, dit-elle sous forme de présentation rétrospective, à la manifestation du 1er mai 1945 ; j’ai été traumatisée par la manifestation nationaliste et sa répression brutale. Mais le véritable choc fut le 8 mai 1945 ». Après les bombardements de l’aviation française en Petite Kabylie : « Je me suis juré de quitter l’Algérie et de n’y revenir qu’après l’indépendance. J’ai tenu parole ». déclare-t-elle à Gilles Perrault en 1983. (cf. Sources). Elle poursuit ses études à la Sorbonne et réussit l’agrégation d’histoire-géographie.

À Alger, elle avait fait connaissance en 1943 d’un étudiant en droit, « l’oranais » Roger Rey* qui ne revient en France qu’en 1948 après avoir fait campagne dans l’armée Leclerc en Indochine. Mariée au jeune officier, ayant deux enfants, elle le suit à Madagascar. A partir de 1952, à Paris, elle est enseignante et milite au PCF ; avec son mari, elle est ainsi embarquée par la police pour avoir avec des copains, fait de grandes inscriptions sur les murs : « Ridgway-la-Peste » avant l’arrivée de ce général nommé à l’OTAN et dénoncé pour avoir utilisé des armes chimiques dans la guerre des Etats-Unis en Corée.

Elle est affectée à la cellule du XIe arrondissement qui est aussi celle de Gérard Spitzer* et de Victor Leduc* qui sont critiques à travers la publication oppositionnelle L’Etincelle, du refus de débat sur les crimes de Staline et sur le vote des pouvoirs spéciaux en Algérie par les députés communistes en mars 1956. Elle a aussi des échos des protestations de la cellule Sorbonne-Lettres, par André Prenant* alors assistant de géographie à la Sorbonne, spécialiste de l’Algérie avec lequel elle partage un intérêt passionné sur ce qui se passe en Algérie. Avec un grand ressentiment à l’adresse du PCF, Annie Rey-Goldzeiguer se joint au groupe de La Voie communiste et participe à l’aide de la Fédération de France du FLN ; la maison Rey est une adresse de ressources.

Au lendemain de l’indépendance, le 7 juillet 1962, elle est à Alger. À l’école de Charles-André Julien*, elle consacre ses recherches, sa thèse sur le Royaume arabe et ses publications, à l’histoire coloniale de l’Algérie, tout en revenant à la maison familiale près de Tunis. Dans leur appartement à Paris, les Rey ont accueilli un temps en 1963, M. Boudiaf qui a quitté l’Algérie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152068, notice REY-GOLDZEIGUER Annie [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 7 janvier 2014, dernière modification le 21 octobre 2018.

Par René Gallissot

SOURCES : Introduction de ses deux livres : A. Rey- Golzeiguer, Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III. SNED, Alger, 1977, et Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du nord-constantinois. La Découverte, Paris, 2002. – G. Perrault. Un homme à part. Bernard Barrault, Paris, 1984.

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