CHAMPY Henry, Louis

Né le 23 février 1846 à Clamart (Seine), mort à Paris le 14 août 1902 ; ouvrier coutelier et orfèvre ; élu membre de la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie ; socialiste adhérant au POSR d’Allemane.

Fils d’un père ouvrier maçon et d’une mère sage-femme qui fut récompensée pour sa conduite durant l’épidémie de choléra en 1849, Champy vint à Paris en 1857 pour commencer son apprentissage. Il habitait dans le Xe arr., rue Claude-Vellefaux, n° 16.

En octobre 1869, il signa une protestation contre la répression exercée à l’encontre des grévistes d’Aubin (Aveyron) qui avait fait 14 morts. D’un rapport non daté (Arch. PPo., B a/1007), nous extrayons cette phrase : « Il ne faisait pas partie de l’Internationale, mais il a assisté à plusieurs séances de cette société secrète. »

Champy s’était installé à son compte vers la fin de l’Empire, puisqu’il est dit qu’il « occupait ordinairement cinq ou six ouvriers » (rapport de police du 29 août 1871, Arch. PPo., B a/1007). Il était alors veuf et père d’un enfant en bas âge (il sera dit veuf, sans enfant, dix ans plus tard).

Durant le siège, il fut garde national au 203e bataillon, membre du conseil de famille de son bataillon et s’intéressa ainsi, d’une part aux questions de ravitaillement, de l’autre à l’activité des clubs où il fut orateur assidu, « le verbe fait homme », « intarissable » selon le témoignage de Clère (Les Hommes de la Commune). Cette aptitude à parler sans fin est confirmée par Balsenq qui connut Champy à la presqu’île Ducos et le qualifie de « vrai moulin à paroles ».

Le 203e bataillon participa à la journée du 31 octobre 1870 — Champy prétendit par la suite ne pas avoir été présent — au cours de laquelle les gardes nationaux, traduisant l’exaspération de la population parisienne à l’annonce de la capitulation de Metz et de l’échec de la sortie du Bourget, se réunirent place de l’Hôtel-de-Ville qu’ils occupèrent en fin de journée. En janvier 1871, Champy fut au nombre des signataires de l’Affiche rouge — 6 janvier — proclamation au peuple de Paris pour dénoncer le gouvernement du 4 septembre qui a failli à sa mission de défense nationale. Elle se termine par les mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! » Voir Ansel.

Champy fut élu à la Commune le 26 mars, par le Xe arr. (11 042 voix sur 16 765 votants) et nommé, le 29, à la commission des Subsistances, où il se maintint le 21 avril. Il vota avec la majorité pour le Comité de Salut public.

Champy fut arrêté à Clamart le 7 juillet 1871. Devant le 3e conseil de guerre, il se défendit avec acharnement : sa famille, lui-même avant 1870, avaient toujours été des modèles de piété et de charité ; il avait été élu contre son gré à la Commune, s’y était cantonné dans les problèmes d’assistance ; il avait permis la continuation des offices en sa paroisse du faubourg du Temple et son adhésion à la Commune procédait de ses convictions antimonarchistes. Il fut pourtant condamné, le 2 septembre 1871, à la déportation dans une enceinte fortifiée (presqu’île Ducos).

Le 13 juin 1872, il fut embarqué pour la Nouvelle-Calédonie à bord de la Guerrière. Trois pourvois en grâce le concernant furent rejetés : 14 novembre 1873, 11 novembre 1875, 28 novembre 1876. Ils n’émanaient pas de lui, semble-t-il, mais de sa mère et de sa sœur Henriette, institutrice d’opinions très opposées à celles de son frère. En effet, il existe au dossier Penault (BB 24/774) copie d’une lettre de Nouméa, en date du 15 mai 1877, adressée au ministère par le contre-amiral gouverneur, dans laquelle il est dit que si Champy a une conduite « excellente », il déclare ne pouvoir signer lui-même un recours en grâce « sans faillir à ses principes, en sa qualité d’ex-membre de la Commune ». Sa peine ne fut commuée que le 9 août 1879 en bannissement (cinq ou dix ans selon les rapports). Le 15 mars 1880, il fut autorisé à passer un mois à Clamart auprès de sa mère et de sa sœur ; il revint par la Creuse en avril 1880.

Champy reprit son métier d’orfèvre. Un rapport d’août 1893 indique qu’il travaillait alors chez lui et occupait parfois deux ou trois ouvriers. Ses gains atteignaient 12 à 15 f par jour. Il demeurait, de 1881 à 1893, au 30 puis au 47 de la rue Chapon (Paris, IIIe arr.). Sa femme — sans doute s’était-il remarié — mourut en octobre 1893 et fut enterrée civilement. Champy déménagea alors et s’installa, toujours dans le même arr. rue de Saintonge, au n° 4, où son loyer annuel était de 480 f. Les renseignements fournis sur lui étaient « favorables sous tous les rapports ».

Dès son retour, Champy avait repris son activité militante et, en 1882, nous le voyons tout à la fois président de la société « La Solidarité des proscrits de 1871 », du Cercle d’Études sociales de la bijouterie, et membre du conseil d’administration de la Libre Pensée de Clamart. Deux années plus tard, il sympathisait avec la reparution de la Revue socialiste qu’animait Benoît Malon (cf. t. I, p. 57, lettre de Champy du 17 novembre 1884).

Sur le plan politique, Champy se montra très actif. À de nombreuses reprises, il fut candidat, toujours sans succès d’ailleurs : en janvier 1881, au nom du Comité socialiste révolutionnaire du XIVe arr., aux élections municipales dans le quartier Montparnasse où il obtint 5,70 % des voix ; en octobre 1885, aux élections législatives ; en 1887 aux élections municipales. dans le quartier des Archives (Paris, IIIe arr.), où il obtint 8,39 %. En 1890, dans le même quartier, il obtint 8,94 % des voix, en 1893 il fut candidat POSR dans le quartier Saint-Avoye (10,72 %), en 1896 (13,00 %), en 1897 il se présenta à nouveau dans le quartier des Archives (13,18 %), à Saint-Avoye en 1898 (7,91 %) et aux Archives en 1900 (15,37 % puis 11,64 %). Il se présenta aux élections législatives en août-septembre 1893, mai 1898, mai 1902.

Champy était membre de la FTS, puis du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire créé par Allemane en octobre 1890 après sa rupture avec Brousse. Il fit partie du comité de rédaction et de l’administration du Parti ouvrier, journal d’Allemane créé en 1888. En 1899, Champy exerça les fonctions d’archiviste de l’Union fédérative du Centre qui rassemblait les groupes parisiens du parti. Il assista, en décembre 1899 et septembre 1900, aux congrès généraux socialistes tenus salle Japy et salle Wagram. En mai 1901, il participa au congrès socialiste de Lyon.

Champy exerça également une activité comme archiviste du conseil d’administration de la chambre syndicale d’orfèvrerie. En 1891, il fut délégué au congrès international de la métallurgie qui se tint à Bruxelles. Il fut aussi élu conseiller prud’homme en décembre 1891, collège ouvrier, et réélu en décembre 1893, délégué au conseil des Métaux et industries diverses.

Champy aurait également été reçu aux Chevaliers du Travail du IVe arr., le 7 novembre 1895.

Il fut conseiller prud’homal de 1886 à 1895, et il l’était encore (ou de nouveau) en 1898.
Il signa la première pétition dreyfusarde, en janvier 1898.

Il fut enterré au cimetière de Pantin, le 13 août 1902. Sa sœur refusa l’incinération, mais accepta l’enterrement civil. 1 800 à 2 000 personnes accompagnèrent le corps. La bière était recouverte d’un drapeau rouge, et des discours furent prononcés par Wilm au nom du POSR et par Allemane pour les déportés. Le 23 avril 1903, on inaugura un monument à sa mémoire.

Il était marié et père d’un enfant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152908, notice CHAMPY Henry, Louis, version mise en ligne le 1er février 2014, dernière modification le 23 novembre 2022.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/793 et H colonies 75. — Arch. Min. Guerre, 3e conseil. — Arch. PPo., B a/1007. — Comptes rendus des congrès. — Sur le séjour à la presqu’île Ducos, témoignage hostile de Balsenq, cf. Actualité de l’Histoire, n° 5, octobre 1953. — L’Aurore, 18 janvier 1898, p. 2. — Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979. — Note de Julien Chuzeville.

ICONOGRAPHIE : Arch. PPo., B a/1007 et album 286/43. — G. Bourgin, La Commune, 1870-1871, op. cit., p. 231. — Bruhat, Dautry, Tersen, La Commune de 1871, op. cit., p. 136.

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