LÉGER Robert [Dictionnaire des anarchistes]

Par René Bianco, notice complétée par Rolf Dupuy

Né le 17 mars 1915 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), mort le 28 octobre 1988 à Draveil (Essonne) ; cuisinier ; anarchiste et syndicaliste, volontaire en Espagne, résistant.

Robert Léger (1936)
Robert Léger (1936)
Arch. famille Léger

Fils d’un maréchal-ferrant et d’une mère sans profession, Robert Léger, diplômé de l’École hôtelière de Paris, était en 1933 membre de la Jeunesse anarchiste communiste (JAC) à Paris, adhérente à l’Union anarchiste (UA). Il était également membre de la chambre syndicale des cuisiniers.

Il fréquentait alors une bande d’amis, issus de la JAC, qui se surnommait elle-même « les moules-à-gaufres ». En faisaient partie Charles Carpentier*, Charles Ridel (Louis Mercier*), Félix Guyard* et Lucien Feuillade*.

En 1934, lors des manifestations d’extrême droite, il défendit en particulier le siège du Grand Orient de France (rue Cadet) contre les Camelots du Roy et les jeunesses patriotes.

Il fut ensuite membre de la Fédération communiste libertaire (FCL), issue en mai 1934 d’une scission de l’Union anarchiste et organisée autour notamment de Charles Patat* et Louis Le Bot*. Il y animait le groupe dit "des cuisiniers", travaillait alors au buffet de la gare de l’Est et résidait 9 rue d’Angoulême.

Lors des grèves de juin 1936, il fut élu délégué du Cercle des jeunes cuisiniers, dont il était l’un des principaux animateurs, au comité de grève. Il devint membre en 1936 d’une loge du Grand Orient.

En octobre 1936 il partit comme volontaire en Espagne avec plusieurs autres membres du syndicat des cuisiniers. Chargé des cuisines du quartier général des Brigades Internationales à Albacete, il fut approché par les services de renseignements communistes qui lui demandèrent des informations sur les orientations politiques des volontaires français : « Comme j’étais nommé délégué responsable des cuisines et réfectoires, on m’avait assigné deux fonctions : organiser les cuisines et écouter les conversations afin de savoir s’il y avait des éléments anarchistes ou trotskistes. Tous les soirs je devais faire un rapport car on me prenait pour un bolcho à 100%. »

Il dénonça ces faits à la CNT-FAI d’Albacete, et faillit être arrêté : « On a voulu me mettre en taule car j’ai été reconnu par des bolchos de Paris… j’ai juste eu le temps de me sauver. Il a fallu que je me cache au comité de la CNT, et à 3 heures du matin, partir prendre un train escorté de quatre copains armés. »

Il gagna alors Barcelone puis fut affecté début 1937 à un comité de contrôle des frontières à Port-Bou avec un détachement de la centurie Sébastien Faure. Répugnant à tuer, il raconta plus tard comment, chargé de garder un jeune espagnol de 15 ou 16 ans accusé d’espionnage et devant être fusillé, il l’avait laissé s’échapper. Il regagna Paris en 1937, sans doute après les évènements de mai.

Nommé secrétaire général des jeunesses syndicalistes de la CGT, il fut arrêté avec une centaine d’autres militants anarchistes en septembre 1937 lors d’une vaste rafle suivant un attentat commis contre le siège du patronat.

Tandis qu’il était écroué pour « détention d’armes et d’explosifs », le Parti communiste, ne lui pardonnant pas son attitude en Espagne, lança une campagne visant à la faire passer pour un « cagoulard » d’extrême droite. Il reçut alors une lettre de soutien de compagnons volontaires dans la centurie Sébastien Faure, signée entre autres par Martin, Mayol*, Turmo*, Guirand, Cerezuela, Milani, Manuel Garcia et F. Vila.

Le 26 octobre 1937 il fut condamné par la 14e chambre correctionnelle à 13 mois de prison avec sursis et 1.000 francs d’amende pour « possession illégale d’armes ».

Robert Léger travailla ensuite au buffet de la Gare de Lyon, puis fut responsable des cuisines du Cercle des nations. C’est là que pendant l’occupation, il hébergea et aida, avec sa compagne Eugénie Szymanski, plusieurs Polonais évadés auxquels il fit ensuite passer la ligne de démarcation près de Moulins (Allier). Membre du réseau de résistance Ceux de la Libération, il réussit à faire évader des internés de la « rafle du Vel d’Hiv » de juillet 1942.

A la Libération il fut nommé économe des cantines scolaires à Paris, puis responsable de la cantine de presse de la rue Réaumur.

En 1956, le ministre de la Défense le reconnut « passeur-filiériste bénévole ».
A la fin de sa carrière, il était conseiller culinaire pour un grand groupe alimentaire avant de prendre sa retraite en 1975.

Robert Léger passa sa retraite à Vigneux-sur-Seine (Essonne). Il s’était marié en 1935 avec Eugénie Szymanski et avait deux enfants, Michel et Jacques.

Son fils Michel Léger écrivit, sur son père, De brigades en brigades (auto-édition Breuillet, 2005).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154026, notice LÉGER Robert [Dictionnaire des anarchistes] par René Bianco, notice complétée par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 19 avril 2014, dernière modification le 2 juin 2019.

Par René Bianco, notice complétée par Rolf Dupuy

Robert Léger (1936)
Robert Léger (1936)
Arch. famille Léger

SOURCES : Notes de David Berry, Daniel Dupuy et Jean Maitron. — Témoignage de l’intéressé. — Delperrie de Bayac, Les Brigades internationales (p. 82). — Le Libertaire, n° 568, 23 septembre 1937, sur l’affaire de la rue de Presbourg (ce même numéro contient une photographie de Robert Léger) — Michel Léger, De Brigades en brigades, auto-édition, 2005 — Antoine Gimenez et les Giménologues, Les Fils de la nuit. Souvenirs de la guerre d’Espagne, 3e éd., Libertalia 2016.— La Révolution prolétarienne n°74 septembre 2016.

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