MOINEAU Jules [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy

Né le 15 janvier 1858 à Liège (Belgique), mort le 18 septembre 1934 ; peintre en bâtiment puis voyageur de commerce ; anarchiste.

Jules Moineau (1900)
Jules Moineau (1900)
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Né d’une mère accoucheuse, Jules Moineau fut orphelin de père dès l’âge de 10 ans. Entré à l’âge de 15 ans à l’École des mines pour devenir ingénieur, il devint républicain, puis collectiviste et enfin anarchiste.

Peu avant a mort de sa mère en 1884, et pour respecter la demande qu’elle lui avait faite, il intégra l’école militaire. Lors des grandes grèves de 1886, il quitta l’armée pour ne pas avoir à tirer sur les ouvriers. Animateur, avec Wagener, des groupes anarchistes d’Ougrée, Seraing et Flémalle il participa les 18 et 19 mars 1886 — jours anniversaires de la Commune de Paris —, avec le groupe anarchiste de Liège, à un important mouvement pendant lequel la population ouvrière se rendit maîtresse de la ville. Plus de quarante ans plus tard, il fera le récit de ces évènements sous le titre « Rétrospective révolutionnaire » dans Le Réveil anarchiste n°888, de décembre 1933.

Puis il partit à Bruxelles d’où, ne trouvant pas de travail, il quitta la Belgique avec trois autres compagnons pour le Brésil afin d’y fonder une colonie libertaire près de Santos. Ce fut un échec et il revint en Belgique où il se maria et parvint à trouver un emploi dans les wagons-lits. Pour ne pas avoir à donner d’ordres à des subordonnés, il démissionna de son emploi et partit pour Paris où il travailla comme peintre en bâtiment sur les chantiers de l’exposition de 1889.

Revenu à Liège, il devint voyageur de commerce et fonda les Groupements économiques ouvriers. Puis il travailla comme commis aux écritures. Pendant l’été 1890, avec Henri Wysmans, il prit à plusieurs occasions la parole lors de meetings socialistes et de la Libre Pensée, devant un public de 150 à 200 personnes.

Dans la nuit du 25 mars 1891, plus de 900 kilogrammes de dynamite furent volés à la poudrière d’Ombret par les compagnons Hansen, Bustin et Langendorf qui parvinrent à passer en France après que leur voiture eut été contrôlée par la police. Extradés en février 1892, ils furent jugés et condamnés à des peines de 15 et 12 ans de prison. Le soir même du jugement, le 16 mars, une bombe était déposée devant le domicile du conseiller Renson, président de la cour d’assises. L’engin n’explosa pas, un agent ayant réussi à éteindre la mèche. La vague d’attentats se poursuivit, visant le 16 avril le procureur du roi et, dans la soirée du 1er mai 1892, les domiciles à Liège d’un sénateur, de son fils et le chœur de l’église Saint-Martin.

La répression ne tarda pas. Moineau fut arrêté dans la nuit du 1er au 2 mai 1892 avec 15 autres militants. Moineau fut inculpé de « vol de dynamite et de complot » lors du procès tenu le 18 juillet devant la Cour d’assises de Liège, mais on ne put prouver sa participation qu’à l’attentat manqué contre le conseiller Renson. Durant le procès, Moineau affirma n’avoir exercé qu’une influence morale sur ses camarades, mais prit sur lui l’entière responsabilité des faits, acceptant « la solidarité de tous les actes qui devaient amener à la révolution » en précisant qu’il n’avait jamais cherché à faire de victimes. Il fut condamné à 25 ans de travaux forcés. Deux autres des accusés, Wolfs et Beaujean, furent condamnés à 20 ans, Mateyssen, Marcotty, Lacroix et Nossent à 15 ans, Hanssen à 10 ans et Guilmot à 3 ans.

Jules Moineau fut interné à Louvain tandis que sa compagne et sa sœur veillaient à élever ses deux fils. Il fut à plusieurs reprises mis au cachot pour rébellion mais parvint à tenir grâce aux visites trimestrielles de sa femme, de sa sœur, de ses jeunes enfants et à l’importante correspondance qu’il entretint avec l’extérieur, participant même à des travaux de recherches pour des étudiants de l’université de Louvain.

Il bénéficia d’une libération anticipée en novembre 1901 et, lors d’un meeting organisé à Liège pendant la grève de 1901, il raconta ses déboires à la prison de Louvain devant un public d’environ 2000 personnes. Entre 1903 et 1914, il collabora aux journaux anarchistes belges L’Insurgé puis L’Émancipateur (voir Georges Thonar) et donna un grand nombre de conférences dans toute la Belgique.

Vint la Première Guerre mondiale. Après l’entrée des troupes allemandes à Liège, il fut arrêté avec une douzaine de compagnons et interné dans une caserne de la ville, puis libéré au bout de trois semaines. Ses fils ayant été mobilisés, il passa en Hollande et, via l’Angleterre conduisit sa femme en France chez des amis.

En février 1916, il fut l’un des signataires du « Manifeste des seize » soutenant la cause alliée et s’engagea. A plusieurs reprises il fut envoyé en mission d’espionnage ou de sabotage dans la région de Liège occupée. Après guerre, il resta lié aux ex-anarchistes d’union sacrée et collabora à la nouvelle série des Temps nouveaux puis à la revue Plus loin (voir Marc Pierrot).

Jules Moineau, qui avait perdu successivement, à quelques années d’intervalle, l’aîné de ses fils, puis sa compagne, puis sa sœur, mourut le 18 septembre 1934 au domicile de son second fils à Rodange (Luxembourg) d’une tumeur à l’estomac.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155305, notice MOINEAU Jules [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 13 mars 2014, dernière modification le 21 août 2018.

Par Rolf Dupuy

Jules Moineau (1900)
Jules Moineau (1900)
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ŒUVRE : Lettres d’un forçat [« précédées d’une préf. et de la plaidoirie de E. Royer, prononcée devant la cour d’assises de la province de Liège pour Jules Moineau »], Imp. économique, Ixelles-Bruxelles, 1900.

SOURCES : Les Temps Nouveaux, année 1892 — Le Libertaire du 19 octobre 1934 (nécrologie par Émile Heusy) — Plus loin de juillet et août 1934 (nécrologie par P. Schoenaers) — René Bianco, « Un siècle de presse »..., op. cit. — Affaire des anarchistes de Liège (1892) — Jan Moulaert Le mouvement anarchiste en Belgique, Quorum, 1996.

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