BONTHOUX Joseph, Marie, Victor [Dictionnaire des anarchistes]

Par Maurice Moissonnier. Notice augmentée et révisée par Laurent Gallet

Né le 27 mai 1851 à Cessieu (Isère) ; ouvrier scieur ; militant syndicaliste et anarchiste puis du Parti Ouvrier Français.

Installé à Lyon depuis 1879, Bonthoux participa immédiatement aux luttes politiques. « De conduite régulière, de bonne moralité, ouvrier laborieux et intelligent » — selon l’appréciation du commissaire spécial, le 17 novembre 1882 — il semble avoir cherché longtemps sa voie et, de ce fait, il a assez souvent varié.

D’abord républicain radical, il devint socialiste collectiviste et participa à la lutte des pionniers du parti ouvrier lyonnais contre la tendance abstentionniste » des anarchistes. Il fut notamment membre du cercle des études sociales des prolétaires collectivistes de Lyon-Guillotière entre 1800 et 1881. Le 21 août 1881, il perturba le dépouillement des élections au bureau de la rue Boileau.

Outrageant les agents qui le conduisaient au poste de police le plus proche, il fut trouvé en possession d’un nerf de boeuf ferré. Il fut condamné à 10 jours de prison le 30 août. Il rallia par la suite le groupe libertaire qui s’empara à Lyon de la coopérative Le Droit social destinée à l’édition d’un journal ouvrier. Il publia alors, dans le Droit social et l’Étendard révolutionnaire, des articles reproduits ensuite en brochure.

Son activisme lui valut plusieurs poursuites et le 16 août 1882 la cour d’assises du Rhône le condamna à deux reprises. Tout d’abord, à treize mois de prison et 2 000 f. d’amende en raison d’articles parus entre mai et juillet dans le Droit Social dont il avait pris la gérance. Ensuite, à deux ans de prison et 100 f d’amende (peines confondues) pour provocation au meurtre, au pillage, à l’incendie et au vol.

Bonthoux avait refusé d’obtempérer à l’ordre du commissaire de police lui intimant de cesser la vente d’une affiche intitulée « mort aux voleurs » qu’il distribuait le 3 juillet 1882 lors d’une réunion anarchiste tenue à la Croix-Rousse avec la participation de Louise Michel et Rouanet. N’étant pas mis immédiatement en état d’arrestation, Bonthoux se rendit à la réunion publique organisée le soir-même par les anarchistes. Deux procès-verbal furent encore dressés contre lui. Le premier pour avoir été le signataire de la déclaration de cette réunion, que des affiches apposées sur les murs de Lyon annoncèrent en termes outrageants pour les magistrats. Le second pour les discours prononcés dans la soirée, il fut accusé de directement provoquer à commettre les crimes de meurtre, d’incendie et contre la sûreté de l’État ainsi que d’avoir diffamé par les mêmes moyens les magistrats de la Cour d’Appel de Lyon et les jurés siégeant à la Cour d’assises. Bonthoux n’attendit pas son procès le 6 décembre, au cours duquel il fut condamné à deux ans d’emprisonnement et 3000 francs d’amende et gagna la Suisse.

Il fut impliqué dans le procès de Lyon, dit Procès des 66, qui s’ouvrit à Lyon devant le tribunal correctionnel le 8 janvier 1883, à la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882 et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon en octobre 1882. Classé dans la deuxième catégorie des prévenus (Voir Bordat Toussaint). Bonthoux fut condamné par défaut, le 19 janvier 1883, à cinq ans de prison, 2 000 f d’amende et cinq ans de privation de droits civils.

Revenu en France peu après, il fut rapidement arrêté et forma opposition aux condamnations qu’il avait reçu. Le 9 mai, Bonthoux comparut dans le cadre du Procès des 66 et vit sa peine réduite à un an d’emprisonnement et 100 francs d’amende. Puis, le 15 mai, il comparut à nouveau après avoir formé opposition contre le jugement par défaut prononcé le 6 décembre 1882.

Acquitté du chef de provocation à commettre les crimes de meurtre, de pillage et d’incendies, il fut sévèrement jugé par les anarchistes. Par deux fois dans La Lutte parurent des articles vilipendant sa « piteuse attitude » devant ses juges. Les rédacteurs ne lui pardonnèrent pas son affirmation de foi collectiviste et estiment heureux que « l’anarchie ne compte pas dans ses rangs de semblables foireux ». Le 27 juin Bonthoux fit appel du jugement contradictoire du 9 mai dernier, son avocat Me Laguerre faisant valoir que son client n’est nullement anarchiste mais collectiviste, mais l’arrêt de la cour rendu le 4 juillet confirma toutefois le jugement.

Bonthoux réapparut en 1887. Il s’efforça alors, avec des socialistes, de créer un groupe d’études sociales destiné à intervenir dans les élections municipales de 1888. Il évoluait à cette époque vers le POF auquel il donna son adhésion. En 1890, militant de la Fédération nationale des syndicats, il fut l’un des pionniers lyonnais du 1er Mai. Il participa fréquemment à l’organisation du 1er mai au moins jusqu’en 1897.

C’est Bonthoux qui innocenta l’anarchiste Cyvoct (Voir ce nom) à qui l’on reprochait d’être l’auteur d’un article intitulé « Un bouge » paru dans Le Droit social le 12 mars 1882, qui incitait à la destruction du restaurant lyonnais dit « l’Assommoir », et surtout à qui l’on reprochait d’avoir été vu à Lyon le 23 octobre 1882, le lendemain de l’attentat qui détruisit le restaurant, alors que Cyvoct prétendait se trouver en Suisse à cette date. Dans une lettre du 5 novembre 1897 publiée dans l’Aurore du 2 janvier 1898, Bonthoux indiquait que l’auteur de l’article était « un nommé D... tisseur, alors apprenti dans l’imprimerie où se publiait Le Droit social » ; il ajoutait que Cyvoct était étranger à l’attentat dirigé contre le restaurant puisque la veille de l’explosion il avait couché chez lui à Genève.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155817, notice BONTHOUX Joseph, Marie, Victor [Dictionnaire des anarchistes] par Maurice Moissonnier. Notice augmentée et révisée par Laurent Gallet, version mise en ligne le 4 avril 2014, dernière modification le 4 avril 2014.

Par Maurice Moissonnier. Notice augmentée et révisée par Laurent Gallet

OEUVRE : Adolphe Bonthoux a publié à Lyon, de 1882 à 1893, une série de brochures « socialistes » dont certaines sont à la Bibl. Nat. : La répartition des produits du travail ; Principes éternels de la propriété ; Ce que sera la propriété individuelle sous le collectivisme ; Menace à la bourgeoisie ; Organisation du travail - les charges sociales ; La société au lendemain de la révolution.

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3M1338, 4M307, 4M318, 4M321, 4M618, 10M370, 2U175, 2U176, 2U433, 2U464. — Le Procès des anarchistes devant la Police correctionnelle et la cour d’appel de Lyon, Lyon, 1883. — M. Massard, Histoire du mouvement anarchiste à Lyon, 1880-1894, DES, Lyon, 1954.

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