WEBER Henri. Pseudonyme Samuel TISSERAND puis SAMUEL

Par Jean-Paul Salles (avec le concours de Jean-Guillaume Lanuque)

Né le 23 juin 1944 au camp de réfugiés de Leninabad (aujourd’hui Khodjent, ville du Tadjikistan), mort le 26 avril 2020 à Avignon (Vaucluse) ; un des fondateurs de la JCR avant 1968 puis de la LC/LCR. Membre de son bureau politique, dirigeant de ses publications Rouge et Critique communiste, un des responsables dans son service d’ordre ; mène une carrière universitaire comme philosophe et politiste ; démissionnaire de la LCR en 1980, adhésion en 1986 au Parti socialiste, sénateur puis député européen ; considéré comme « fabiusien », membre du secrétariat du Parti socialiste.

Henri Weber naquit en juin 1944 dans un camp de travail de Leninabad, où son père et ses oncles étaient occupés au bucheronnage. Juifs,ils vivaient auparavant en Pologne, à Chrzanów, en Galicie, une ville située à 13 kms d’Oswiecim (Auschwitz). Au moment du pacte germano-soviétique d’août 1939, ils avaient opté pour l’URSS. Après 1945, ils tentèrent de se réinstaller en Pologne, qu’ils fuirent au bout de 4 ans, du fait de l’antisémitisme. Fixés à Paris, ses parents habitèrent d’abord dans le XXe arrondissement, un deux-pièces-cuisine, rue de la Mare. Henri fut scolarisé à l’école maternelle de la rue Jourdain puis à l’école communale rue Levert. Ayant déménagé rue de Maubeuge (IXe arrondissement), son père fut artisan horloger rue Popincourt dans le XIe arrondissement. On parlait yiddish et polonais à la maison, mais le père encouragea ses deux fils à suivre des études. Le jeune Henri fréquenta le lycée Jacques Decour (IXe arrondissement). La famille obtint la nationalité française par naturalisation le 26 avril 1959. Son père, autodidacte qui écrivait dans les journaux yiddish de Paris (Unser Wort et Naïe Press), l’avait précocement inscrit à l’Hachomer Hatzaïr (La Jeune Garde), une organisation de jeunesse sioniste-socialiste. À quatorze ans, il séjourna en Israël dans un kibboutz, mais contrairement à son frère cadet, il ne s’installa pas dans ce pays. Ayant rencontré très tôt Pascale, qu’il décrit dans ses Mémoires comme son amour d’adolescence et de jeunesse, très complices, partageant la même passion pour la chanson française à texte (Jacques Brel, Georges Brassens, Léo Ferré etc…), après le bac ils s’inscrivirent en licence de sociologie. Ils se marièrent le 29 janvier 1966, Alain et Michèle Krivine étant leurs témoins. Pour financer leurs études, Pascale donnait des cours privés à des lycéens et travaillait l’été dans une entreprise, lui avait trouvé un travail de journaliste auxiliaire auprès de la Radio Télévision Belge (RTB).
Alors que son père était « mendésiste de cœur », il s’inscrivit à la JC dès sa classe de Première, il milita à l’Union des Étudiants communistes UEC (Secteur Lettres), bastion de l’opposition de gauche. Exclu de l’UEC, avec ses camarades Alain Krivine, Janette Habel ou Gérard de Verbizier. Tous déjà membres du Parti Communiste Internationaliste, PCI, trotskyste (IVe Internationale-Secrétariat Unifié), ils fondèrent la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR) en 1966, puis la Ligue communiste en 1969, après avoir vécu intensément les événements de Mai 68 pendant lesquels il eut un rôle important. Il fut non seulement un des fondateurs de l’organisation, favorable à son ancrage dans la IVe Internationale, mais aussi un de ses dirigeants majeurs – membre du bureau politique, BP – jusqu’à sa démission en 1980. Sa femme Pascale, alias Mathilde, l’accompagna dans son itinéraire politique. Elle se révéla à plusieurs reprises « chef de chorale » efficace, dirigeant au cours de stages le répertoire complet des chants révolutionnaires. Membre de la cellule de Bagneux de la Ligue communiste, elle encadrait les militants et sympathisants de la Compagnie des Compteurs de Montrouge. Elle était également responsable nationale du Secours rouge pour la Ligue, c’est à ce titre qu’elle fut l’oratrice principale d’un meeting contre la répression à Dijon, le 5 février 1971, à l’initiative du PSU (Parti socialiste unifié), de la Convention des institutions républicaines (CIR), de la Ligue communiste, de la Ligue des Droits de l’Homme, de la Libre pensée, de la CFDT et du SNES départemental. Le journal local Les Dépêches la présente sous le nom de Pascale Picard, alors que selon la Préfecture de Police de Paris, elle s’appellerait Michèle Biquard dite Pascale, née à Montauban le 16 décembre 1943 (Juillet 1969). L’idylle entre Henri e avec Pascale dura 17 ans, jusqu’en 1973, elle fut très intense, écrit-il dans ses Mémoires (Weber, 2018, p.205).
Henri Weber dirigea l’hebdomadaire de l’organisation, Rouge, de sa création jusqu’au milieu des années 1970. Dans les nombreux éditoriaux qu’il rédigea, signés de son nom, il s’intéressa de manière critique à la recomposition de la gauche française après 1968 (exemple : Rouge n° 128, 16 octobre 1971, « Mitterrand, une solution pour la bourgeoisie » ou n° 140, 15 janvier 1972, « Le PCF, une intransigeance factice. Souvenez-vous de 1936 ! »). Il scrutait aussi « le surgissement d’une nouvelle extrême gauche pour la première fois dans l’histoire politique des dernières décennies, sur la gauche du mouvement ouvrier traditionnel », et il ajoutait « l’intervention centralisée de l’extrême gauche révolutionnaire peut exercer un impact considérable » Rouge, n° 60, 21 avril 1970, page 3). Il s’intéressera particulièrement aux rivaux lambertistes de la LC/LCR. On lui doit la formule « l’AJS-OCI : l’extrême droite de l’extrême gauche » (Rouge n° 187, 13 janvier 1973). Il publie une brochure chez Maspero en 1971 : Qu’est-ce que l’AJS ?. Cet optimisme quant aux chances de l’extrême gauche mettra du temps à le quitter. Le 25 septembre 1971, dans Rouge (n°125), il nie le pessimisme du Nouvel Observateur ou du Figaro quant aux chances de l’extrême gauche. Sous le titre « L’extrême gauche au creux de la vague ? », il écrit dans son éditorial : « Au cours des trois dernières années, les marxistes révolutionnaires étaient trop faibles et inexpérimentés, trop marqués également par l’estudiantisme (sic), pour gagner massivement les authentiques dirigeants ouvriers à leur organisation. Seuls quelques dizaines de ces « cadres organisateurs de la classe » ont passé le pont, alors que c’est par milliers qu’ils ont remis en cause la tactique réformiste. Plus que jamais il s’agit de convaincre et de gagner ces militants, avant-garde de fait de la classe ouvrière française, sans lesquels aucun parti révolutionnaire n’est concevable ». Henri Weber a également été directeur de publication de la revue théorique de la LCR, initialement appelée Marx ou Crève puis Critique communiste, seul du n° 1 (avril-mai 1975) jusqu’au n° 28 (septembre 1979), puis conjointement avec Francis Sitel et Michel Lequenne jusqu’en mars 1980. Il donne régulièrement des articles sur le PS (n°1 puis n°27), le PC (n° 3, n° 6, n° 16), sur l’extrême gauche italienne (n° 8/9) et dans le même numéro sur la transition au socialisme. Il se fait polémiste pour répondre aux nouveaux philosophes avec son article « Goulag, Glucksman, et démocratie », dans le n°18/19 (octobre-novembre 1977). Il interviewe Nicos Poulantzas sur « L’État et la transition au socialisme » (n°16, juin 1977, p.15-40). Encore militant de la LCR, il participe à un débat sur « L’unité dans les luttes. Comment ? Pour quoi faire ? », avec Janette Habel (LCR), Stelio Farandjis (PS) et Georges Labica (PCF) (n° 31, mars 1980). Malgré les aléas (en septembre 1971, il fut victime dans son quartier d’une campagne d’affiches dénonçant « Henrick (sic) Weber, né à Leningrad, le principal lieutenant du trop célèbre Krivine », il poursuit son militantisme. Comme la plupart des dirigeant(e)s de la Ligue, il fut candidat aux élections législatives du 4 mars 1973, à Nanterre. De même, il fonda et dirigea le service d’ordre de la JCR et de la Ligue jusqu’en 1971, date du Centenaire de la Commune de Paris, marqué par un grande manifestation de la Ligue et de la Quatrième Internationale à Paris le dimanche 16 mai. (Madeleine Rebérioux, 1997). Interrogé par Véronique Faburel (1988), il dit « avoir appris le SO », en 1958 comme jeune militant de l’Hachomer Hatzair, au cours d’un stage à Mons (Belgique) encadré par des éducateurs venus de kibboutz, dont certains avaient effectué leur formation militaire ou étaient familiers du maniement du bâton, exercice très à la mode dans les milices juives face aux Anglais avant la création de l’État d’Israël. À Isabelle Sommier (1998), il explique que le Service d’ordre de la Ligue faisait « des stages, des sorties en forêt le samedi et le dimanche, avec entraînement aux actions collectives, coordonnées, avec maniement du bâton, du cocktail molotov » (Cit. in J.-P. Salles, 2005, p.87).

Selon le témoignage de Michel Angot, syndicaliste, ancien du SO, il aurait été le parolier de la chanson du SO : « Dans la nuit noire brillent les mousquetons, les CRS nous barrent le chemin, mais dans nos rangs y’ a pas d’hésitation, les CRS ça s’enfonce très bien ». Le témoin ne nous dit pas sur quel air cela se chantait ! Il est vrai que la chanson révolutionnaire eut une grande place dans les mobilisations qu’il anima dans les années 1970.

Interrogé en 1998 par Philippe Mobbs, plus goguenard, Henri Weber met la violence déployée par la Ligue le 21 juin 1973 contre le meeting d’Ordre Nouveau sur le compte « d’un excès de testostérone » (Cit. in J.-P. Salles, 2005). Après cette manifestation qui valut à la Ligue sa dissolution, il manifesta cependant sa réserve face à ce type d’actions spectaculaires. Dans Rouge n°213 (13 juillet 1973) qui demandait la libération immédiate d’Alain Krivine et de Pierre Rousset, il envoya une lettre ouverte aux militants du PC, leur demandant de donner la parole à ceux qui sont frappés par Marcellin, lors des meetings de protestation contre la dissolution de la Ligue.

Parallèlement à cette intense activité militante, Henri Weber entama sa carrière universitaire à la nouvelle université de Vincennes. Il y resta jusqu’en 1995. À partir de 1969, il enseigna dans le département de philosophie créé par Michel Foucault. Au cours de l’année universitaire 1971-72, par exemple, il anime deux Unités de valeur (UV), l’une consacrée à la « Structure de l’extrême gauche en France », l’autre intitulée « Introduction aux marxismes du XXe siècle ». Des problématiques très proches de ses préoccupations militantes. De même, le premier livre qu’il rédigea, au cours de l’été 1968 avec Daniel Bensaïd, s’intitule Mai 68 : une répétition générale (Maspero, 1968). Les droits d’auteur rapportés par ce livre ont permis de lancer Rouge, dès le 18 septembre 1968, d’abord quinzomadaire, puis rapidement hebdomadaire. Pour pouvoir continuer à enseigner dans le Supérieur, il dut terminer sa thèse de IIIe cycle en 1973. Pour ce faire, il demanda à son organisation un congé militant de quelques mois, une pratique courante à la Ligue. La thèse fut publiée l’année suivante par Christian Bourgois, sous le titre Marxisme et conscience de classe (1974, Collection 10-18). Parallèlement à son activité d’enseignant, Henri Weber ne cesse de publier, les titres de ses ouvrages révélant son éclectisme : PCI, aux sources de l’eurocommunisme (1977, Bourgois) ou Nicaragua et la révolution sandiniste (Maspero, 1981). En cohérence avec son cours donné à Vincennes en début de décennie, Henri Weber poursuivit sa réflexion sur l’histoire du socialisme. En résulte la réédition d’un ouvrage de Karl Kautsky, Le bolchevisme dans l’impasse (1982). Pierre Frank, dans Critique communiste (n°9, juin 1982), note le sérieux de l’introduction de Weber, mais déplore que Kautsky ait tiré un trait d’égalité entre bolchevisme et stalinisme. Il pense qu’il aurait mieux valu rééditer Les origines du christianisme du même Kautsky. L’année suivante, toujours aux PUF, Weber revient sur cette problématique en confrontant les écrits de Rosa Luxemburg et de Pannekoek à ceux de Kautsky. Le débat qui oppose alors les partisans de la grève de masse et du double pouvoir à ceux qui privilégient la stratégie de l’investissement de l’État n’est pas sans annoncer le débat entre gauchistes et eurocommunistes dans les années 1970. En parallèle, il donna une contribution sur « La théorie du stalinisme dans l’œuvre de Kautsky », parue dans l’ouvrage collectif dirigé par Evelyne Pisier-Kouchner et Blandine Barret-Kriegel (1983). Cette réflexion importante sur le socialisme explique sans doute en partie sa démission de la LCR. Ainsi, à l’occasion de la réédition de Terrorisme et Communisme de Léon Trotsky chez Prométhée, il prend ses distances avec toute une partie de ce livre, ajoutant que « les dirigeants marxistes ne sont pas des demi-dieux infaillibles » (Rouge n°938, 3-9 octobre 1980, p.23, cité par J.-P. Salles, 2005, p.337). On peut l’imaginer aussi déçu par l’incapacité des groupes d’extrême gauche à s’unir. Pire, en novembre 1979, la LCR elle-même est victime d’une grave scission qui affecte le 1/5e de ses effectifs, soit 400 militants. Témoignant de cet affaiblissement, la LCR est incapable de présenter un candidat aux élections présidentielles de 1981. Les années suivantes sont toujours très studieuses pour H. Weber. Il obtient un Doctorat en Science politique. Après une enquête minutieuse, plutôt de type sociologique, il publie en 1986 Le Parti des patrons. CNPF, 1946-86. Un ouvrage qui étonne ses anciens camarades, plutôt enclins à scruter l’histoire des partis et syndicats ouvriers.

Simultanément, en 1986 Henri Weber adhère au Parti Socialiste, puis en 1988, il intégra comme conseiller technique le cabinet de Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale. On dit couramment d’Henri Weber qu’il est « fabiusien ». En 1992, il était membre du cabinet de Martin Malvy, puis en 1993 de celui de Louis Mermaz, tous deux chargés des relations avec le Parlement. Il entama parallèlement une carrière d’élu local (maire adjoint de Saint-Denis de 1988 à 1995, puis conseiller municipal de Dieppe de 1995 à 2001) et d’élu national (il fut sénateur de Seine-Maritime de 1995 à 2004, puis député européen comme tête de liste pour la circonscription du Nord-Ouest de 2004 à 2009). Il fut réélu en juin 2009, cette fois comme tête de liste de la région Auvergne, Centre, Limousin. Au Parlement européen, il est notamment vice-président de la délégation interparlementaire Union européenne/Chine de 2009 à 2014. Cette montée en puissance sur le plan parlementaire se doublait d’une place grandissante dans l’appareil du PS. Membre du secrétariat national du PS à partir de 1993, il fut chargé de l’Éducation nationale, puis de la Culture et des médias, et enfin de la Formation. C’est à ce titre qu’il s’occupa de l’organisation de l’université d’été du PS à La Rochelle et de la Revue socialiste. Indice de cette importance prise par Henri Weber parmi les têtes pensantes du PS, c’est lui, avec Laurent Baumel, qui rédigea la note n° 30 (mai 2002) de la Fondation Jean Jaurès intitulé « La nouvelle alliance ». Elle était censée donner des armes théoriques à Lionel Jospin en vue de sa campagne présidentielle. Le 11 octobre 2001, par exemple, H. Weber présentait le projet du PS à Paris, au Fouquet’s, invité par l’association « Participation à l’intégration sociale et au développement économique ». Prenant en compte « l’érosion de la conscience de classe et la valorisation de la singularité », les propositions formulées visent à donner « des réponses constructives et singulières adaptées à la diversité des situations individuelles » ou à proposer « des politiques ciblées visant à corriger certaines inégalités intra-classes » (Weber cité par Patrick Roger, « Henri Weber, sénateur fabiusien, réactualise l’héritage conceptuel du marxisme », Le Monde, 11 avril 2002). Après l’élimination du candidat Jospin au premier tour de l’élection présidentielle, le 21 avril 2002, dans un « Point de vue » publié en première page du Monde, Weber tenta de trouver des explications à ce fiasco. En même temps, il défendit la politique du gouvernement de Lionel Jospin auquel il avait été étroitement associé. Il refusa qu’on la qualifie de « sociale-libérale », comme l’avait fait Henri Emmanuelli après la défaite. Il reprocha à ce dernier de confondre « libéralisme économique » (discutable en effet, écrit-il) et « économie de marché », cette dernière étant selon lui indépassable pour un social-démocrate (Le Monde, 20 août 2002). Le 9 février 2004, H. Weber affirma nettement sa conversion à l’économie de marché et aux vertus de l’entreprise privée lors d’un débat organisé à Paris par Le Monde, en présence notamment d’Olivier Besancenot. Il était persuadé qu’il était désormais possible de « mettre la force créatrice des entreprises au service du développement politique, économique et culturel » (Le Monde, 12 février 2004, p.16-17, cité par J.-P. Salles, 2005, p.347).
C’est en 1973 qu’Henri Weber rencontra celle qui fut la femme de sa vie, Fabienne Servan-Schreiber. De cette union naquirent plusieurs enfants, Vania mort d’une méningite foudroyante, Clara, morte à treize ans dans un accident de ski en colonie de vacances, un fils Matthias né en 1981, deux filles, Clémence née en 1985 et Inès née en 1987, pour lesquelles Henri Weber écrivit La gauche expliquée à mes filles (2000), et Agathe, morte prématurément. Henri et Fabienne éprouvèrent le besoin d’officialiser leur union en se mariant, 34 ans après leur rencontre, le 15 septembre 2007.

Son fils Matthias, fondateur-directeur d’une société d’effets spéciaux audiovisuels, interrogé longuement par Virginie Linhart, dans un livre consacré aux enfants des soixante-huitards (2008), dit avoir du respect pour ce père « parti de nulle part et devenu sénateur de France ». Quant à la trajectoire qui a conduit Henri du trotskysme au socialisme gouvernemental, il se dit que « quand on comprend qu’on ne peut pas révolutionner le monde, on le réforme ». Et il n’est pas peu fier quand quelqu’un se remémore son père, jeune militant de la LCR « avec un casque de moto en train de casser la gueule des fachos ! ».

En 2016, Henri Weber était directeur des études auprès du 1er secrétaire du PS, chargé des Affaires européennes.

Henri Weber concluait ses mémoires ainsi : « Avec quelques ex-barricadiers, nous nous étions promis de passer le relais aux jeunes générations, passé 70 ans. Et nous avons tenu parole. » .

Henri Weber est décédé le 26 avril 2020 à Avignon où il avait été hospitalisé. Il a succombé au coronavirus. Il avait 75 ans. L’émotion fut grande parmi ses camarades du PS, Anne Hidalgo, Laurent Fabius, François Hollande, et aussi chez ses anciens camarades de la LCR. Nicole Lapierre lui rendit un hommage particulièrement sensible sur Mediapart. Dans Marianne, Denis Olivennes salua ce personnage magnifique, « profond et drôle, sérieux et bambochard, engagé et détaché », ce « générateur de climat favorable », cet « aplanisseur de difficultés ».

Le site du NPA, sous la photo de la tribune du meeting pour les 100 ans de la naissance de Lénine (avril 1970), où on voit Alain Krivine, Daniel Bensaïd et Henri Weber poing levé, publia une tribune libre de Daniel Bensaïd parue dans Le Monde
en mai 1998, fustigeant la conversion d’Henri Weber au « social libéralisme ».
Mais en même temps, sur le même site, Alain Cyroulnik, toujours animé par des idéaux révolutionnaires, interrogé par un jeune militant, rendit hommage à son camarade disparu, organisateur hors pair, très courageux, très didactique aussi - il n’avait pas son pareil pour mettre les théories les plus abstraites à la portée des simples militants. Et il insistait lui aussi sur sa grande chaleur humaine, sur son absence d’agressivité, de mépris pour ses anciens camarades de la Ligue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article182575, notice WEBER Henri. Pseudonyme Samuel TISSERAND puis SAMUEL par Jean-Paul Salles (avec le concours de Jean-Guillaume Lanuque), version mise en ligne le 17 juillet 2016, dernière modification le 20 mai 2022.

Par Jean-Paul Salles (avec le concours de Jean-Guillaume Lanuque)

ŒUVRE : Nombreux articles dans Rouge et Critique communiste (années 1970), dans Le Monde (un exemple : « L’idée socialiste aujourd’hui », 8 juin 2001), Libération (un exemple : « Deux directives de la Commission Barroso rognent les droits et la protection des salariés de l’UE », 25 février 2005) -avec Daniel Bensaïd, Mai 68 : une répétition générale, Maspero, 1968 -Qu’est-ce que l’AJS ? Contribution à l’analyse de l’extrême gauche en France, Maspero, 1971 -Marxisme et conscience de classe, Bourgois, « 10-18 », 1974 -PCI : aux sources de l’eurocommunisme, Bourgois, 1977 -avec Denis Berger, Jean-Marie Vincent, La Ve République à bout de souffle, Édition Galilée, 1977 -avec Olivier Duhamel, Changer le PC ?, PUF, 1979 -Nicaragua. La révolution sandiniste, Maspero, 1981 -« La Russie soviétique et le pape du marxisme, Karl Kautsky », in Lily Marcou (dir.), L’URSS vue de gauche, PUF, 1982 -Socialisme : la voie occidentale. Introduction au débat sur la grève de masse : Kautsky, Luxemburg, Pannekoek, Présentation et notes d’Henri Weber, traduction d’Alain Brossat, PUF, 1983 -« La théorie du stalinisme dans l’œuvre de Kautsky », in Blandine Barret-Kriegel et Evelyne Pisier-Kouchner (dir.), Les interprétations du stalinisme, PUF, 1983 -Le Parti des patrons. CNPF, 1946-91, Seuil, 1986, rééd. actualisée, 1991 -Vingt ans après : que reste-t-il de Mai 68 ?, Seuil 1988, rééd. coll. Points, 1998 -Faut-il liquider Mai 68 ?, Seuil, 2008 -La Gauche expliquée à mes filles, Seuil, 2000 -avec Laurent Baumel, « La Nouvelle Alliance », Notes de la Fondation Jean Jaurès, n° 30, mai 2002 -Le Bel Avenir de la Gauche, Seuil, 2003 -Lettre recommandée au Facteur (O. Besancenot), Seuil, 2004 -La Nouvelle Frontière : pour une social-démocratie du XXIe siècle, Seuil, 2011 -Pour le juste échange, Éditions Fondation Jean Jaurès, 2012 -Europe : pour un second souffle, Éditions Fondation Jean Jaurès, 2013 -Interview de Nicos Poulantzas par Henri Weber sur « l’État et la transition au Socialisme » (1977) repris par la revue Contretemps, février 2016 -à paraître en septembre 2016, chez Plon, Gauche année zéro. – Rebelle jeunesse, Paris, Robert Laffont, 2018, premier volume de ses Mémoires.

SOURCES : « Mourir à trente ans », film de Romain Goupil, 1982 -Rouge n°975 (26 juin-2 juillet 1981), p.21, compte rendu du livre d’H.Weber Nicaragua. La révolution sandiniste, par Michel Lequenne -Critique communiste 2e série, n°9 (juin 1982), Pierre Frank sur la réédition du livre de Kautsky Le bolchevisme dans l’impasse par Henri Weber -Rouge n° 1232 (13-19 novembre 1986), p.9, à propos du livre d’Henri Weber Le Parti des patrons et Rouge n° 1238 (31 décembre-7 janvier 1987), p.14, lettre d’Henri Weber et réponse -Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération, Tome 1, Les années de rêve, Tome 2, Les années de poudre, Seuil, 1987 et 1988 -Véronique Faburel, La JCR, avril 1966-juin 1968, Université Paris I, Maîtrise, Juin 1988 -Philippe Mobbs, De la JCR à la LCR. Histoire d’un parti trotskyste à travers son journal, Rouge 1966-81, Université de Franche-Comté, Besançon, Maîtrise, 2000. — Madeleine Rebérioux, "Le mur des Fédérés", in Pierre Nora, dir., Les lieux de Mémoire, Tome 1, Gallimard, Quarto, 1997, notamment la page 553. — Virginie Linhart, Le jour où mon père s’est tu, Seuil, 2008 -Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, Presses universitaires de Rennes, 2005 -Isabelle Sommier, La violence politique et son deuil, Presses universitaires de Rennes, 1998 -Charles Soulié, « Université de Vincennes », in Emmanuel de Waresquiel (dir.), Le siècle rebelle. Dictionnaire de la contestation au XXe siècle, Larousse, 1999, p.626-7 -Le Monde, 3 octobre 2007, sur le mariage d’Henri Weber et de Fabienne Servan-Schreiber -Le Nouvel Observateur, 10-16 mars 2005, « Sa vie était un roman. La mort du tumultueux banquier Stern » -Marie-Laure Delorme, « Fabienne Servan-Schreiber, les rires et les larmes », Le Journal du Dimanche (JDD), 20 juillet 2014 -Henri Weber, sénateur de Seine-Maritime interrogé, le 9 février 2002, sur France 3 Rouen (Ina.fr) consulté le 1er juillet 2016 -Activités du Sénateur Henri Weber : site du Sénat (diverses consultations, juin 2016). — Fiche Henryk (sic) Weber, in Préfecture de Police, direction des renseignements généraux, juillet 1969.
— Article du journal de Dijon, Les Dépêches, 6 février 1971 : « Dijon. Hier soir au Palais des Congrès, meeting contre la répression », document transmis par Jean-Pierre Debourdeau que nous remercions chaleureusement pour son aide constante.

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