XIE Fuzhi 謝富治

Par Jean-Luc Domenach

Né en août 1909 dans le xian de Hong’an (Hubei), mort le 26 mars 1972 à Pékin. Cadre militaire devenu après la Libération dirigeant provincial puis ministre de la Sécurité publique ; il a joué un rôle important durant la Révolution culturelle.

Comment devient-on le premier policier de Chine ? Telle est la première question, difficile, que pose la carrière de Xie Fuzhi. Issu d’une famille de « paysans pauvres » du Hubei, ce jeune menuisier se joint dès 1927 à des insurrections paysannes, entre dans l’Armée rouge en 1929 et au P.C.C. en 1931. Jusqu’en 1949, c’est en combattant qu’il participe à la révolution : dans le Sichuan (1932), puis, après 1938 (a-t-il participé à la Longue Marche ?) dans le nord de la Chine aux côtés de Chen Keng. Il s’est distingué surtout dans l’« offensive des cent régiments » qui visait les communications japonaises (1940) et dans les hostilités contre Yan Xishan, seigneur de la guerre du Shanxi (automne 1945).
En novembre 1949, il participe à la prise de Chungking dans les rangs de l’Armée Liu Bocheng (劉伯承). Il va rester plus de deux ans responsable politico-militaire de cette ville et du Sichuan occidental, où il réalise une œuvre notable de pacification. Il exerce aussi des fonctions importantes dans la région militaro-administrative de Chine du Sud-Ouest (1950-1954). En 1952, il passe au Yunnan dont il demeurera le « patron » politique et militaire jusqu’en 1959 tout en exerçant le commandement de la région militaire de Kunming. Il se signale par son application orthodoxe de la politique des minorités et par un suivisme strict lors du Grand Bond en avant : en 1958, il expédie 90 000 cadres « travailler à la base » (il donnera lui-même l’exemple en janvier 1959) et renvoie 50 000 ouvriers temporaires dans leur campagne d’origine.
S’il a été élu au C.C. par le VIIIe congrès du P.C.C. en septembre 1956, sa véritable ascension date en fait de novembre 1959 : il devient alors ministre de la Sécurité publique et chef du Bureau des affaires politiques et légales du Conseil des affaires d’État, en remplacement de Luo Ruiqing (羅瑞卿). Plus tard, il recevra aussi le commandement et la direction politique des Forces militaires de Sécurité publique. La promotion, quoique difficilement mesurable (car Kang Sheng (康生) conservait d’importantes responsabilités en la matière), paraît considérable. Il n’est pas certain que les bons rapports de Xie avec Zhou Enlai (周恩來) suffisent à l’expliquer, car d’autres dirigeants provinciaux d’origine militaire se trouvaient dans ce cas. Reconnaissons notre ignorance. En tout cas, Xie Fuzhi reçoit en janvier 1965 un poste de vice-premier ministre : il fait désormais partie du groupe informel et tout-puissant de dirigeants qui constitue « le Centre ».
Sans doute déjà important, son rôle va devenir plus visible durant la Révolution culturelle. Il semble que le groupe maoïste se soit rapidement assuré son soutien, et que ce soutien ait joué un rôle considérable dans les coups de force successifs qui, à partir de l’été 1966, ont assuré la défaite de Liu Shaoqi (劉少奇) et de Deng Xiaoping (鄧小平), l’ancien collègue de Xie Fuzhi dans le Sud-Ouest. Ce dernier reçoit rapidement sa récompense : lors du plénum du C.C. réuni en août 1966, il apparaît comme membre suppléant du B.P. On le charge ensuite d’une mission décisive : contrôler la capitale et fonder son comité révolutionnaire. Au printemps 1967, il reçoit successivement la présidence du nouvel organisme (avril) et la direction politique de la région militaire (mai).
Il s’efforce désormais d’assurer à la faction maoïste une base solide dans la capitale. On le charge également de plusieurs missions, dont la plus connue est celle de juillet 1967 à Wuhan. Parti avec Wang Li (王力) pour y faire appliquer les ordres de Pékin, il est emprisonné par des officiers rebelles et ne doit sa libération qu’aux menaces du Centre et à l’intervention d’unités loyalistes. Après cette affaire, qui marque un point tournant dans la Révolution culturelle, Xie Fuzhi soutient, contre certains groupes de Gardes rouges dont celui de Nie Yuanzi (聶元梓), une politique autoritaire et plus modérée. A l’issue du IXe congrès du P.C.C son rôle est récompensé par une nouvelle promotion : il devient membre de plein droit du B.P. (avril 1969).
Rien de plus normal, à vrai dire, que cette promotion : dans ces temps difficiles, où les turbulences factionnelles et les coups de force plus ou moins publics se succèdent, le patron de la Sécurité, qui est aussi celui de Pékin (il deviendra premier secrétaire du comité du P.C.C. de la capitale en mars 1971), compte nécessairement parmi les « hommes forts » du régime.
Et pourtant, Xie disparaît pratiquement de la scène en 1970 pour ne réapparaître, les traits creusés, que lors de la visite du président roumain Ceaucescu en juin 1971 : pendant toute la période où l’affaire Lin Biao (林彪) s’est nouée, le ministre de la Sécurité, relayé par Hua Guofeng à la Sécurité et par Wu De à Pékin, serait-il resté inactif ? Certains observateurs le croient alors en disgrâce, citant ses liens passés avec l’extrême- gauche. D’autres évoqueront plus tard des rivalités entre services parallèles, l’hostilité de Kang Sheng et même un attentat contre Xie Fuzhi. Après sa mort, pourtant, des funérailles solennelles lui seront faites et, dans l’éloge funèbre qu’il prendra la peine de prononcer, Zhou Enlai révélera que Xie Fuzhi souffrait depuis deux ans d’un cancer de l’estomac. Et sa femme Liu Xiangbing, ancien cadre des bases rouges, sera promue dans l’été 1973 au rang de membre du C.C. et de ministre de la Santé. Mais elle sera éliminée après la chute de la Bande des Quatre. Jiang Qing (江青) tenait effectivement Xie Fuzhi en haute estime. Moins décriée que celle de Kang Sheng, la mémoire de Xie Fuzhi était tombée dans un oubli émaillé d’obscures allusions jusqu’à la disgrâce finale : il a été exclu du P.C.C. à titre posthume (en même temps que Kang Sheng) à la veille du procès de Jiang Qing (octobre 1980).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article184533, notice XIE Fuzhi 謝富治 par Jean-Luc Domenach, version mise en ligne le 8 février 2017, dernière modification le 8 février 2017.

Par Jean-Luc Domenach

SOURCES : Outre KC et WWCC, voir l’éloge funèbre prononcé par Zhou Enlai (RMRB, 30 mars 1972) ainsi qu’Issues and Studies, vol., VI, no. 10.

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