COT Pierre

Par Sabine Jansen

Né le 20 novembre 1895 à Grenoble (Isère), mort le 21 août 1977 à Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier (Savoie) ; professeur des facultés de droit, avocat ; radical ; député de la Savoie (1928-1940, 1946-1951) et du Rhône (1951-1958) ; ministre de l’Air (1933-1934, 1936-1938).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Né dans la maison de sa famille maternelle, Pierre Cot était issu d’une famille de la petite bourgeoisie savoyarde accoutumée à l’exercice des responsabilités politiques locales. Son grand-père et son père, républicains modérés, se succédèrent à la mairie de Coise. C’est à Grenoble, où son père avait été représentant de commerce, que Pierre Cot fit ses études, dans un établissement religieux, l’externat Notre-Dame, puis à la Faculté de droit - il en fut lauréat en 1913 et 1914.

Il se distingua comme l’un des éléments les plus actifs de l’ACJF. Élu en 1913 vice-président de la Conférence Saint-Hugues qui regroupait les étudiants catholiques, membre du comité diocésain, il contribua à la création de plusieurs cercles catholiques. Outre des talents d’orateur, il y révéla d’ardentes préoccupations sociales, s’intéressant aussi bien à la moralité des apprentis boulangers qu’au syndicalisme féminin.

Engagé volontaire en 1914, affecté au 9e régiment de hussards de Chambéry, il participa aux batailles de Verdun et du Chemin des Dames. Sa témérité au front et son patriotisme exemplaire lui valurent cinq citations et la Légion d’honneur à vingt-trois ans.

Démobilisé, il acheva ses études de droit à Paris. En 1921, il prêta serment d’avocat et devint le Premier secrétaire de la prestigieuse conférence du stage des avocats à la cour et de celle des avocats au Conseil d’État. Les deux thèses qu’il soutint en 1920 et 1922 attestaient sa passion pour le droit public et une certaine fidélité à ses idéaux de jeunesse. Il y défendit la nécessité d’une organisation poussée de la société civile et la collaboration étroite entre les différents acteurs de la vie sociale. Reçu premier à l’agrégation de droit public, nommé attaché à la faculté de Droit de Rennes en décembre 1922, il fut distingué par Raymond Poincaré qui en fit le plus jeune jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères. Il lui offrit aussi sa première expérience politique en le dépêchant aux élections législatives de 1924, comme candidat sur une liste de la droite modérée dans les Hautes-Alpes.

Vaincu, Pierre Cot amorça alors une rupture avec ses précédents engagements. Son évolution vers la gauche se fit en une série d’étapes tout au long des années vingt. Elle s’esquissa dès la fin de l’année 1924. Si sa défaite électorale n’y fut sans doute pas étrangère, elle trouva aussi ses racines dans les milieux pacifistes que fréquenta Pierre Cot dès avril 1923, au sein des organisations de soutien à la Société des Nations. Il participa activement au Groupement universitaire pour la SDN qui, après la victoire du Cartel des gauches en mai 1924, entra dans la mouvance radicale. Il afficha ses nouvelles orientations en adhérant au Parti républicain socialiste au début de 1926. Sa « radicalisation » s’acheva en 1928 : il fut élu député de la Savoie sous l’étiquette radicale puis conseiller général du canton de Montmélian et maire de Coise en 1929.

Devenu un des Jeunes-Turcs les plus en vue, favorable à une politique nouvelle soucieuse de modernité et préoccupée d’organisation, Pierre Cot se fit une spécialité des questions internationales. Très souvent à Genève, apprécié par Aristide Briand et Joseph Paul-Boncour comme le jeune porte-parole de leurs espoirs européens et pacifistes, il se vit confier la tâche de rapporter devant la Chambre des Députés, le pacte Briand-Kellog, puis de représenter la France à la SDN.

En décembre 1932, il commença sa carrière ministérielle comme sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères dans le cabinet Paul-Boncour. En dépit de sa foi en la SDN, il fut très conscient de la fragilité de l’institution et du danger que le fascisme faisait courir à la paix. Le 24 septembre 1927, il s’était ému dans un article paru sous le titre « Le Moucheron fasciste » dans Le Réveil des gauches des prétentions de Mussolini sur Nice et la Savoie. Dès 1930, il mettait en garde l’opinion française contre les conséquences politiques du chômage et des difficultés économiques en Allemagne. Prônant, sur le plan national, l’union des gauches, il engagea un dialogue avec les néo-socialistes de la SFIO, condamnant le capitalisme et réclamant le contrôle par l’État de la vie économique.

À partir de février 1933, sa stature d’homme politique s’affirma : il reçut le portefeuille de l’Air dans le ministère Daladier. Passant son brevet de pilote, il se lança avec fougue dans la promotion de l’aviation. Dans le domaine militaire, convaincu du bien-fondé des thèses du général Douhet affirmant la primauté de la lutte aérienne dans les conflits armés futurs, il se heurta aux résistances des ministères de la Guerre et de la Marine. Parallèlement, il réorganisa l’aéronautique civile en créant la compagnie nationale Air France et amorça la coopération en matière d’aviation avec l’Union soviétique, après avoir fait à Moscou un voyage qui l’avait particulièrement enthousiasmé.

Forcé d’abandonner le ministère de l’Air au lendemain du 6 février 1934, il se consacra à son fief savoyard. Mais les événements de février firent naître, chez Pierre Cot, plus que de l’amertume : ils le persuadèrent que la République était en danger. À l’affaiblissement intérieur, se conjuguait, à l’extérieur, un ébranlement de l’ordre né des traités de 1919. C’est la raison pour laquelle Pierre Cot participa à la défense de la sécurité collective et de la paix. Il prêta son nom et son énergie au Comité de défense du peuple éthiopien créé en septembre 1935 puis un an plus tard, au Rassemblement universel pour la paix, dont il devint l’un des présidents. Au sein de ces organismes qui durent leur existence, pour une bonne part, à l’activisme des agents du Komintern (tel Ludovic Brécher alias Udéanu alias Louis Dolivet*), Pierre Cot côtoya des socialistes et surtout des communistes dont il put apprécier l’antifascisme militant.

Il fut l’un des plus fervents partisans du Rassemblement populaire, persuadé que seul un gouvernement de gauche pouvait offrir une véritable alternative politique et sortir la France et la République de la crise. Ses idées de radical avancé inspirèrent sans doute le choix de Léon Blum qui l’appela, en juin 1936, au ministère de l’Air. Il devint d’ailleurs rapidement l’une des figures emblématiques du gouvernement du Front populaire. Son action de juin 1936 à juin 1937 fut consacrée principalement à la nationalisation des industries aéronautiques. Favorable à une politique d’intervention en Espagne pour la défense du Front républicain, Pierre Cot, aidé par son chef de cabinet, Jean Moulin, et par Gaston Cusin*, chef de cabinet du ministre des Finances, Vincent Auriol*, organisa l’envoi d’avions aux Républicains espagnols, avec l’accord de Léon Blum*. Cette action associée à la poursuite de la politique de coopération aéronautique avec l’Union soviétique, appuyée sur le pacte d’assistance mutuelle signé en mai 1935, valut à Pierre Cot l’opposition virulente non seulement de la droite mais aussi d’une partie de ses camarades radicaux, de plus en plus nombreux à rejoindre le camp des ennemis de l’union des gauches.

De janvier à avril 1938, il revint au gouvernement comme ministre du Commerce mais refusa au mois de mai, par fidélité au Rassemblement populaire, de faire partie du ministère d’Édouard Daladier. Son désaccord avec le leader radical culmina en octobre 1938 avec les accords de Munich. Effondré par ce qu’il considéra comme une capitulation coupable devant l’Allemagne, Pierre Cot eut de plus en plus de difficultés à se faire entendre au sein du Parti radical.

À la fin de l’année 1939, hospitalisé pour une appendicite, son activité fut réduite. Mobilisé dans l’artillerie mais il ne parvint pas à rejoindre son unité en juin 1940. Au lendemain de la démission du gouvernement Reynaud, il quitta Paris pour Londres. De Gaulle cependant craignit que sa personnalité controversée ne nuise à l’organisation qu’il était en train de mettre sur pied. Cot dut se résoudre à prendre le chemin des États-Unis où résidait sa belle-famille. Ce fut le début d’un difficile exil, prolongé jusqu’en novembre 1943.

Aux États-Unis, il partagea son temps entre ses charges d’enseignement à la New School for Social Research ou à l’Université de Yale et une activité militante en faveur de la France combattante. Persuadé que l’alliance contre nature du régime nazi et de l’Union soviétique ne pouvait durer, il entra en contact, dès septembre 1940, avec la direction de l’Internationale communiste. Par l’intermédiaire du secrétaire général du Parti communiste américain, il fit savoir aux dirigeants de l’Union soviétique qu’il soutenait la Grande-Bretagne dans sa lutte contre l’Allemagne et qu’il était disposé à accomplir toute mission utile. Cette prise de contact eut des prolongements d’autant plus considérables que Pierre Cot consacrait ses longs moments de liberté à l’étude du marxisme théorique. Il rédigea d’ailleurs sous le titre de « Karl Marx en exil », une contribution à un ouvrage collectif signé par une pléiade d’immigrés prestigieux, The Torch of Freedom. À partir de 1941, il eut de fréquents contacts avec l’ambassade soviétique à Washington et milita, après l’entrée des États-Unis dans la guerre, pour la collaboration entre les grands alliés et l’ouverture d’un second front.

Il s’associa également, durant cette période, aux activités de l’association Free World, créée pour la promotion des valeurs démocratiques dont Louis Dolivet*, lui aussi aux États-Unis, était le grand ordonnateur. En février 1942, déchu de la nationalité française, privé de tous ses biens, il fut mis en accusation, avec les principaux dirigeants du Front populaire, au procès de Riom, par le gouvernement de Vichy. Refusant de regagner la France pour se soumettre à des juges auxquels il déniait toute autorité, il mit en cause ses accusateurs dans Le Procès de la République.

Il s’y fit tout à la fois l’avocat de la Troisième République et le procureur du régime de Vichy, y analysant les causes de la défaite française. Il en rendit responsable d’abord la bourgeoisie française qui avait fait, selon lui, le choix du fascisme contre la démocratie. L’évolution de la situation internationale l’incita à rejoindre Alger. Il justifia sa demande de visa en octobre 1943 auprès des autorités américaines en s’inquiétant ouvertement des intentions dictatoriales de De Gaulle.

La validation de sa nomination à l’Assemblée consultative provisoire à Alger, le 25 novembre, provoqua la protestation du délégué Guillery, pour qui Pierre Cot portait, « à tort ou à raison, une partie de la responsabilité de l’impréparation de notre armée de l’Air ». Cet incident n’eut aucune conséquence et il n’empêcha pas de Gaulle et René Massigli d’envoyer Pierre Cot en mission en URSS où il fut officiellement chargé d’étudier les conditions de la reconstruction.

De retour en France, réintégré dans ses fonctions d’agrégé des Facultés de Droit en octobre 1944, il fut réélu maire de Coise en avril 1945, conseiller général puis député radical de la Savoie en octobre 1945, sur une liste d’union des gauches.

Mais l’année 1946 fut celle d’une nouvelle mutation politique. Fruit de la guerre, ce changement s’explique plus ponctuellement par le rejet par le Parti radical du mot d’ordre d’union à gauche préconisé par les radicaux de gauche. Elle prit toute sa dimension en avril 1946 lorsque Pierre Cot choisit de soutenir le projet de constitution élaboré par la majorité dominée par les socialistes et les communistes à l’Assemblée nationale. Rapporteur de cette première esquisse de la Quatrième République, P. Cot fut exclu du Parti radical au congrès de Lyon des 6-8 avril. Albert Bayet*, Robert Chambeiron*, Madeleine Jean-Zay, Jacques Kayser, Pierre Meunier ou encore Pierre Lebrun lui firent cortège dans les jours et les mois suivants. Accueillant aux élections législatives de novembre 1946 deux communistes sur sa liste, Pierre Cot s’engagea dans la recherche d’une nouvelle formule politique (DEA de Catherine Destrom).

Les archives du PCF signalent qu’il siégea, fin des années 1940, début des années 1950, dans la commission communiste de politique extérieure.

Le 9 décembre 1950 naissait l’Union progressiste. Elle se voulut un trait d’union entre le Parti communiste et le reste de la gauche. Autour de Pierre Cot et d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, les deux ténors du mouvement à l’Assemblée, se retrouvèrent Gilbert de Chambrun, Robert Chambeiron, Pierre Dreyfus-Schmidt ou encore Pierre Meunier. Venus d’horizons divers, les hommes de l’Union progressiste partageaient une commune référence à la Résistance et une même fidélité aux idéaux de la Révolution française. Chargé du rapport introductif de la première Conférence nationale des progressistes, Pierre Cot définit la nature et l’ambition de ce nouveau parti : « Il faut qu’à côté du Parti communiste, et non contre lui, les gens qui souhaitent sortir de l’ornière actuelle, qui se rendent compte de la décadence du régime capitaliste, s’organisent et agissent ». Alliance étroite avec le Parti communiste français mais non subordination, tel était son mot d’ordre.

De façon concrète, apparentés au groupe communiste à partir de 1951 faute du nombre de députés requis pour former un groupe autonome, les députés progressistes eurent bien du mal à se défaire du qualificatif de représentants satellites du PCF. Pierre Cot, témoin pour Les Lettres françaises dans le procès Kravtchenko en 1949, membre de l’association des Amis de l’URSS depuis 1935 puis de France-URSS depuis 1944, apparaissait comme un « grand ami de l’URSS », pour reprendre la terminologie soviétique.

Toutefois, dans le contexte de la guerre froide, il se fit le chantre du neutralisme et reprit la bannière du pacifisme. Membre du conseil du Mouvement pour la paix, il fonda en 1951 une revue dont le titre, Défense de la Paix, était tout un manifeste. Devenu Horizons, à partir de décembre 1954, ce mensuel, dont le communiste Claude Morgan était rédacteur en chef, fut l’organe d’expression privilégié des compagnons de route hostiles à la politique des blocs et favorables à une collaboration entre l’Est et l’Ouest.

En 1951, menacé dans son fief savoyard par la loi des apparentements, P. Cot prit la tête d’une liste communiste dans le Rhône. Défenseur de la cause de la paix et de l’URSS, il reçut en 1953 le Prix Staline international de la paix. Mais les rapports avec le Parti communiste ne furent pas aussi simples qu’il y paraît. À la suite d’un article publié le 17 juillet 1952 dans Les Lettres françaises par Pierre Cot proposant d’associer la bourgeoisie éclairée au prolétariat, Auguste Lecœur*, en l’absence de Maurice Thorez*, condamna, devant le comité central, l’opportunisme progressiste (septembre 1952).

En mai 1958 Pierre Cot s’opposa à l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle. Aux élections législatives du mois de novembre, il fut victime de son attachement à la Quatrième et du raz-de-marée gaulliste. Après une vaine tentative en 1962, il ne retrouva de siège à l’Assemblée nationale qu’en mars 1967. Investi par la FGDS dans la treizième circonscription de la Seine, soutenu par Jacques Duclos en personne - qu’il appuya à son tour lors des élections présidentielles de 1969 - il l’emporta contre le candidat sortant UNR Robert Sanson.

Son tropisme idéologique le conduisit à séjourner à plusieurs reprises en URSS. En avril 1961 et en juin 1963, il fut invité pour des séjours médicaux d’un mois dans un sanatorium du PCUS. Il se rendit à Moscou à l’invitation du Comité soviétique de défense de la Paix en octobre 1961 puis en juillet 1962. En août 1970, il reçut, au titre de président de l’Association internationale des juristes démocrates, la médaille du Jubilé du centième anniversaire de la naissance de Lénine.

Mais les espérances placées par Pierre Cot dans le socialisme soviétique semblèrent toutefois s’émousser après l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie. La personnalité du nouvel homme fort du Parti communiste à partir de 1969, Georges Marchais, attaché à l’orthodoxie communiste, ne fut pas étrangère à un détachement discret. Il fut plus explicite, au moment de l’élaboration du programme commun, lorsque le PCF se rallia à la politique de défense nucléaire.

En revanche, Pierre Cot manifesta un intérêt grandissant pour les questions d’émancipation et de développement des anciennes colonies françaises. Défenseur de la cause du FLN et, de façon plus générale, d’une politique pro-arabe, il s’engagea dans un tiers-mondisme militant.

Mai 1968 signifia de fait la fin de sa carrière politique puisqu’il ne fut pas réélu en juin. Père de trois enfants, il poursuivit ses activités d’enseignement à la sixième section de l’École pratique des hautes études. Nommé directeur d’études (chaire de Sociologie du Droit et des relations intenationales) en août 1960. Retraité en août 1968, il fut maintenu en fonction jusqu’en septembre 1969. Parallèlement il continua d’assumer des responsabilités locales en Savoie en tant que conseiller général du canton de Chamoux jusqu’en 1973 et maire de Coise jusqu’en 1971.

En 1987, paraissait à New York un ouvrage d’un officier supérieur des renseignements britanniques accusant Pierre Cot d’avoir été un agent du KGB. Reprise en 1990 par l’historien Christophe Andrew, cette accusation fut développée, en 1993, par le journaliste Thierry Wolton. Elle fut à l’origine, en France, de ce que l’on peut appeler l’affaire Pierre Cot qui agita le milieu historien de 1993 à 1995. Déclarant s’appuyer sur des documents trouvés dans les archives ouvertes à Moscou en 1992, Thierry Wolton affirmait que l’ancien ministre de l’Air avait été un agent des services de renseignements soviétiques avant et après la guerre, n’ayant interrompu ses contacts qu’entre août 1939, à la suite du Pacte germano-soviétique, et juillet 1942. Devant la gravité des faits reprochés à Pierre Cot, sa famille demanda la constitution d’une commission d’historiens pour faire la lumière sur la question. Après des investigations menées en Russie et aux États-Unis, la commission présidée par Serge Berstein concluait qu’aucune source, dans l’état de la documentation en janvier 1995, date de publication de son rapport, ne permettait d’établir que Pierre Cot avait été un agent soviétique. Pour soutenir la thèse contraire, Thierry Wolton s’appuyait sur les « debriefings » d’un transfuge du NKVD, Walter Krivitsky, et sur le contenu des messages, en partie décryptés par les services secrets anglo-saxons (opération Venona), expédiés par les diplomates soviétiques présents aux États-Unis à Moscou. Or, ni l’une ni l’autre de ces sources n’étaient accessibles : rien par conséquent ne permettait d’en vérifier les dires.

Il convient toutefois d’apporter aujourd’hui un nouvel élément au dossier Pierre Cot, une partie des messages des services de renseignements soviétiques susmentionnés ayant fait l’objet d’une publication à l’automne 1996. Que nous disent ces documents dont le décryptage reste très partiel ? Ils témoignent de relations particulières entre Pierre Cot et le vice-consul d’URSS à New York, Vassili Zaroubine ou Zoubiline, résident du NKVD. Mais l’existence de ces conversations entre l’ancien ministre de l’Air exilé et le représentant d’une puissance alliée dans le cadre de la lutte contre l’Allemagne nazie ne constitue pas une preuve de l’inféodation de Pierre Cot aux services secrets soviétiques. Cependant un télégramme daté du 1er juillet 1942, émanant de Moscou et destiné au consulat soviétique à New York, fait mention d’un engagement de Pierre Cot (en anglais, le mot utilisé « the signing on » est celui normalement usité lorsqu’un homme entre au service d’une puissance étrangère) sous le pseudonyme de « Dédale » (Daedalus). Après cette date, Zaroubine télégraphie à Moscou des rapports de Pierre Cot dont le contenu est exclusivement politique : il concerne le CFLN, son évolution et les perspectives qui s’offrent à la France libérée. Il reste difficile toutefois d’apprécier la nature et la portée de cette collaboration en raison du caractère incomplet des sources concernées (sur les 2 600 messages expédiés de New York à Moscou en 1942 et 1943, seuls 223 ont pu être décryptés).

En dépit de l’apparence heurtée de la carrière de Pierre Cot, de la droite catholique à l’extrême gauche marxiste en passant par le radicalisme, son itinéraire recèle des constantes profondes. La passion des responsabilités publiques, un pacifisme viscéral et la quête d’un compromis politique et social l’ont toujours animé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20751, notice COT Pierre par Sabine Jansen, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 18 février 2022.

Par Sabine Jansen

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]
[Assemblée nationale]

ŒUVRE : Le Procès de la République, tomes I et II, Éditions de la Maison française, 1944.

SOURCES : Fonds Pierre Cot, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (355 J), inventaire en ligne. — Arch. Nat. F/17/ 29128. — RGASPI, Moscou. — CCHD, Moscou. — FBI, Washington DC. — NSA, Maryland, www.nsa.gov8080/0. — British library, Londres. — Public Record Office, Londres. — Serge Berstein, Histoire du Parti radical, Presses de la FNSP, 2 tomes, 1980, 1982. — Serge Berstein, Robert Frank, Sabine Jansen, Nicolas Werth, Rapport de la Commission d’historiens constituée pour examiner la nature des relations de Pierre Cot avec les autorités soviétiques, B Cie, 1995. — Peter Wright, Spycatcher, New York, Viking, 1987. — Thierry Wolton, Le Grand Recrutement, Grasset, 1993. — Sabine Jansen, Pierre Cot, un antifasciste radical, Fayard, 2002.. — Notes de Jacques Girault.

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