FÉVRIER Camille, Germain

Par Josette Ueberschlag

Né le 10 mars 1915 à Vaison-la-Romaine (Vaucluse), mort le 6 février 2017 à Malaucène (Vaucluse) ; instituteur ; résistant, militant syndicaliste du SNI École émancipée ; militant de l’ICEM et de la FOL.

Réunion d’instituteurs coopérateurs en 1966 pour son départ en tant qu’animateur OCCE à la FOL : de gauche à droite Camille Février, Hélène Gente, Yvette Février, Georges Lefebvre, Élie Aubert, Pierre Guendon, Jean Lèbre, Robert Mérindol, René Grosso, photo André Gente.

Camille Février était le seul enfant d’une famille modeste. Sa mère Marie, Germaine Chave (1890-av.1936), sans profession, était de passage à Vaison-la-Romaine lorsqu’elle le mit au monde. Son père, Joseph Février né en 1885, conducteur de tramway à Hyères (Var), mobilisé en 1914 dans le 4e régiment du génie, fut blessé à Houdain (Pas-de-Calais) et décéda des suites de ses blessures le 2 août 1915. Camille Février fut donc reconnu pupille de la Nation le 14 décembre 1920.

Après avoir été élève à l’école primaire de Vaison-la-Romaine, il poursuivit sa scolarité au cours complémentaire d’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), de 1929 à 1933. Reçu au brevet élémentaire en 1931, il fut admis à l’École normale d’instituteurs d’Avignon (Vaucluse) à la rentrée 1933, où il obtint le brevet supérieur et le certificat d’aptitude professionnel en 1936. À la sortie de l’ENI, il fut nommé instituteur stagiaire à Vaison-la-Romaine, puis partit accomplir son service militaire le 18 octobre 1937. Tout s’enchaîna alors très vite pour lui. Il rencontra Yvette, Emma Chauvin (1920-2016), normalienne à Digne (Alpes-de-Haute-Provence) où étaient formées les élèves-maitresses du Vaucluse, qu’il épousa le 18 février 1939 à Vaison-la-Romaine, avant la naissance de leur premier enfant, Jean-Claude, le 7 juin 1939 (mort le 11 mai 1999). Le 15 octobre suivant, il fut mobilisé et embarqua le 15 décembre pour le Liban. Standardiste télégraphique à Beyrouth, de décembre 1939 au 1er septembre 1940, il fut rapatrié à Marseille le 27 novembre 1940 et démobilisé le 1er décembre suivant.

Nommé alors instituteur adjoint à Valréas (Vaucluse), il obtint à la rentrée 1941, le poste de directeur de l’école à deux classes de Beaumont-d’Orange (Vaucluse) rebaptisé après-guerre Beaumont-du-Ventoux. Sa femme Yvette y enseignait depuis la rentrée 1939 ; elle avait été recrutée à titre provisoire comme « intérimaire de guerre » car elle avait démissionné de l’école normale en janvier 1939 pour se marier. Malgré l’interruption de ses études en milieu de 3e année, elle passa avec succès le brevet supérieur à la session d’octobre 1939 et obtint son certificat d’aptitude professionnelle en avril 1940.
Le couple eut deux autres fils : Maurice (né le 2 novembre 1941) et Georges (4 mai 1944-22 juillet 1995).

Durant la guerre, Camille Février, en tant que secrétaire de mairie de Beaumont-d’Orange, joua un rôle important auprès des Résistants qu’il aida clandestinement, soit en fabriquant des faux papiers, soit en permettant à certains d’échapper au STO et de rejoindre les maquis du Ventoux. Lui-même s’engagea comme combattant volontaire dans la résistance armée du 15 septembre 1943 au 26 août 1944, ce qui lui valut d’être décoré de la médaille de la France libérée (il fut homologué FFI, carte n°071440 décernée en janvier 1955). Après la guerre, pacifiste convaincu, il eut à cœur d’être membre de l’Association nationale des anciens combattants de la résistance (ANACR) de Vaison-la-Romaine, dont il fut le président local, puis départemental, association à laquelle il resta fidèle toute sa vie.

À la Libération, Camille et Yvette Février furent nommés à Vaison-la-Romaine, à la rentrée 1945. Ils racontèrent plus tard avoir été « profondément déçus par la façon dont les responsables politiques et syndicaux que nous avions entendus, ont recommencé à intriguer pour s’emparer des leviers de commande de leurs organisations respectives […], surpris et choqués par l’individualisme des collègues, chacun gardant jalousement ses trucs, ses recettes qui plaisaient à l’inspecteur. » C’est dans ce contexte qu’ils prirent contact avec des militants de l’École moderne (ICEM). Ils avaient manqué la conférence de Célestin Freinet à Avignon en février 1946, invité par le Syndicat national des instituteurs dont ils étaient adhérents. Mais ils assistèrent à une démonstration de texte libre suivie de discussions, de débats menés par de « jeunes collègues pleins d’ardeur, de fougue, d’audace, d’enthousiasme » et adhérèrent au groupe Freinet du département du Vaucluse, où ils découvrirent dans les réunions du jeudi, « un milieu accueillant, compréhensif, une solidarité que nous n’avions rencontrée nulle part ailleurs ». Camille et Yvette Février participèrent au stage de l’École moderne à Cannes du 16 au 22 juillet 1948, où ils rencontrèrent pour la première fois Freinet et son épouse Élise, rencontre qui fut déterminante pour eux.

Camille Février enseigna durant 18 ans dans son école de Vaison-la-Romaine, puis son poste ayant été supprimé, il demanda la « classe dite de transition » nouvellement créée, organisant le travail scolaire à partir des techniques Freinet recommandées dans ce type de classe. Il était dans l’attente de la libération de la direction de l’école de garçons mais n’accéda à ce poste que le 8 septembre 1969, un an avant son départ à la retraite.

Quant à Yvette Février, elle dut poursuivre son activité professionnelle deux ans après le départ en retraite de son mari, non sans s’être battue afin que soient validés ses services auxiliaires accomplis au sein de l’Éducation nationale. À son arrivée à Vaison-la-Romaine en 1945, elle avait été nommée adjointe à l’école maternelle et en devint directrice en novembre 1966. Son école de trois classes fut souvent primée pour des dessins et textes en « Art enfantin », prélude à l’apprentissage du « lire-écrire » en pédagogie Freinet.

Camille Février, durant 35 ans, assuma maintes responsabilités dans le mouvement Freinet, et sa femme y prit aussi sa très grande part mais dans l’ombre.
Adhérent coopérateur dès 1947 de la CEL (Coopérative de l’enseignement laïc), il était depuis 1960 membre du conseil d’administration et en fut président de 1965 à 1970.

Il assura le secrétariat général du 16e congrès international de l’École moderne à Avignon du 9 au 14 avril 1960 sur le thème : « La pédagogie Freinet et la santé mentale des enfants et des éducateurs ». Les autres principaux organisateurs de ce congrès, Pierre et Josette Constant, André et Hélène Gente, Pierrette et René Grosso s’étaient préparés à cet événement cinq plus tôt, participant en délégation au 11e congrès de l’École moderne à Aix-en-Provence, le premier à dimension internationale au cours duquel les 600 participants avaient posé la question de la réduction des effectifs et voté une motion réclamant 25 élèves par classe.
Il anima plusieurs années de suite des rencontres internationales de l’École moderne au Val d’Aoste (Italie), placées sous la co-présidence de l’Italien Jean Pezzoli et de Raoul Faure. Pour la première rencontre (du 1er au 8 sept. 1960 à Peroulaz), en plus de Camille et Yvette Février, trois autres Français ont œuvré à son bon déroulement : Pierrette et René Grosso, et Malou Bonsignore. Camille et Yvette Février continuèrent durant une dizaine d’années d’apporter leur savoir-faire et leur savoir-être aux stagiaires valdôtains.

Il coorganisa avec René Grosso le troisième stage de la commission de l’École moderne d’archéologie préhistorique du 15 au 21 septembre 1958, à Séguret (Vaucluse) et, voulant se perfectionner, il réussit en 1961 le certificat d’études supérieures d’archéologie préhistorique.

Il fut secrétaire et animateur départemental de l’Office central de la coopération à l’école (OCCE) de 1956 à 1966, ce qui lui valut une invitation avec quatre de ses élèves au congrès national des coopératives scolaires à La Rochelle du 26 au 30 juin 1963. Parallèlement, il assurait l’animation de la section OCCE de la Fédération des œuvres laïques du Vaucluse. Il était en même temps membre du comité technique de l’USEP (Union sportive de l’enseignement du premier degré) à la FOL à partir de 1950. Enfin, cofondateur de l’association des Amis de Freinet, il participa, le 1er octobre 1969, au conseil d’administration inaugural, et resta membre de l’association jusqu’à son décès.

Camille Février ne s’investit pas seulement dans le champ de la pédagogie. Il fonda et organisa des institutions culturelles et sportives dont la notoriété s’accrut et demeure. Il fut à l’origine du camping d’Ailefroide (commune de Pelvoux, Hautes-Alpes), sur 17 hectares au pied des Écrins, qui devint au début des années 1950 le lieu de ralliement de nombreux randonneurs, membres de l’ICEM et de l’Union laïque des campeurs randonneurs (ULCR) affiliée à la Ligue de l’enseignement. Ce site, aménagé en concertation avec les élus de la commune de Pelvoux, est géré depuis 1958 par la municipalité, et est doté de huit bâtiments comprenant sanitaires, salles de réunion, accueil, etc.

Avec Serge Marzaux, il fonda le Centre d’information culturelle de Vaison-la-Romaine (CIC). Ce dernier qui avait consacré deux ans à classer les archives municipales, afin de les mettre à disposition du public dans une salle de consultation, fut élu président de l’association loi 1901 lors de l’assemblée générale constitutive du 21 septembre 1978. Camille Février fut élu secrétaire adjoint. Quarante ans plus tard, le CIC demeure fidèle à sa vocation initiale : mettre en valeur le patrimoine culturel et artistique de la commune et de ses environs, par des conférences, des expositions et des excursions.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article217800, notice FÉVRIER Camille, Germain par Josette Ueberschlag, version mise en ligne le 5 juillet 2019, dernière modification le 31 janvier 2022.

Par Josette Ueberschlag

Réunion d’instituteurs coopérateurs en 1966 pour son départ en tant qu’animateur OCCE à la FOL : de gauche à droite Camille Février, Hélène Gente, Yvette Février, Georges Lefebvre, Élie Aubert, Pierre Guendon, Jean Lèbre, Robert Mérindol, René Grosso, photo André Gente.
Groupe Freinet vauclusien en 1962 : au centre, Camille Février, un béret sur la tête et à sa droite, sa femme Yvette, photo Jean-Paul Blanc.
Camille Février
Camille Février
Agé de 97 ans, photo de Jean Février, son petit-fils.

ŒUVRE : « Dans une classe des grands : trois textes libres sur le héron », Gerbe régionale - ICEM, n° spécial, oct. 1961, p. 16. — Le Mistral, Bibliothèque de travail (BT) n°309, 1955, coécrit avec René Grosso. – Plantons la vigne, BT n°310, 1955, coécrit avec René Grosso. — Lou Bard dou fio m’a dit, livre de contes en langue provençale, illustré par Colette Peyrie, Atelier des Grames, 1972 (les trois derniers ouvrages cités figurent au catalogue de la BNF).

SOURCES : Arch. Dép. 84, 1 T 1468, dossier de carrière. — État-civil de Vaison-la-Romaine. — Témoignage de Camille et Yvette in Le mouvement Freinet au quotidien. Des praticiens témoignent, Brest, éd. du Liogan, 1997, p. 28 et 36. — Album du stage national de l’École moderne, Cannes, du 16 au 22 juillet 1948. Paul Vigueur, « Camp international Paix-Éducation. Organisateurs : l’ICEM et l’ULCR », L’Éducateur, n°15-16-17, 1er mai 1949, p. 380. — Yvette Février, « École de Vaison-la-Romaine », Art enfantin, n°3-4, juin-sept. 1960, p. 18-19, numéro entièrement consacré à l’exposition d’Art enfantin du 16e congrès ICEM à Avignon. — René Grosso, Histoire de la Fédération des œuvres laïques de Vaucluse, éd. FOL de Vaucluse, 1981. — Céline Barbotte, Le mouvement Freinet en Vaucluse, 1946-2000, mémoire d’histoire contemporaine sous dir. de Françoise Thébaud, Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, juin 2001. — Hommage des Amis de Freinet et recueillement à la chambre funéraire de Vaison-la-Romaine retranscrits dans Bulletin des Amis de Freinet, n°100, fév. 2017, p. 70. — Notes de son fils Maurice Février, de son petit-fils Jean Février, de Georges Bellot, Jean-Paul Blanc, André Buisson, Sylvain Dufour, Daniel Le Blay, Éliette Sémeria.

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