FRÉROT Charles, Louis, Lucien

Par Claude Pennetier

Né le 10 novembre 1898 à Paris (XIVe arr.), mort le 28 février 1962 à Gentilly (Seine, Val-de-Marne) ; comptable ; militant socialiste (1918) puis communiste (1920) ; maire de Gentilly (1944-1962).

Fils de Charles Frérot, charcutier, décédé en 1910, et d’une ménagère, Maria, décédée en 1937, Charles Frérot avait deux frères qui furent membre ou sympathisant communiste. Il passa son enfance à Gentilly. Bossu et de santé précaire, titulaire du certificat d’études primaires, il s’orienta vers des emplois de commerce puis de bureau. Après avoir travaillé à l’usine Gnôme et Rhône, il devint comptable à l’entreprise de bois Tible, avenue d’Italie. Charles Frérot était en fait l’adjoint technique et financier du patron. Il n’abandonna cette place que pour se consacrer à plein temps aux activités locales quand il accéda à la première magistrature municipale. Il vivait en 1926 chez son beau-père « manœuvre » et « commis aux filatures », mais en 1931, c’est lui qui avec son épouse Germaine Ribier, coiffeuse, et son fils Serge, accueillait son beau-père, manœuvre, dans son appartement de la rue de la Glacière.

Membre des Jeunesses socialistes et syndiqué depuis 1916, Charles Frérot rejoignit les rangs du Parti socialiste en 1918 et passa au Parti communiste après le congrès de Tours (décembre 1920). Sur 125 militants socialistes de Gentilly environ 100 (selon l’Humanité du 17 janvier 1921) rejoignirent le Parti communiste. La section locale vendit 95 cartes en 1921 ; une cinquantaine d’adhérents participaient régulièrement aux réunions. Nous trouvons Charles Frérot en troisième position de la liste conduite par Henri Bollot les 5 et 12 mai 1929. Second de la liste Bloc ouvrier et paysan (BOP) lors des élections partielles des 26 novembre et 3 décembre 1933 mais premier au score, il était en fait le principal animateur ; ce fut lui, et non Henri Bollot, que l’assemblée municipale désigna comme adjoint le 29 décembre 1933. La préfecture de la Seine prononça la dissolution du conseil le 14 janvier 1934. La direction du Parti communiste, comprenant que la municipalité allait être conquise par les militants locaux, envoya à Gentilly un cadre national, Georges Beaugrand, ancien député, ancien responsable des services de sécurité du parti. Cette arrivée semble avoir été mal accueillie dans les cellules : Charles Frérot fut désigné comme tête de liste aux élections municipales partielles des 11 et 18 février 1934, Georges Beaugrand n’étant qu’en septième position. Charles Frérot obtint le plus grand nombre de voix au second tour : 1 588 sur 3 196 votants (49,6 %) et 4 343 (36,5 %). Georges Beaugrand devint maire et Charles Frérot premier adjoint. La municipalité communiste fut réélue les 5 et 12 mai 1935. Charles Frérot se plaçait en troisième position de la liste avec 2 042 voix sur 4 070 votants (50,1 %) et 4 621 inscrits (44,1 %) et conservait l’écharpe de premier adjoint. Dans ses « Souvenirs » inédits, Georges Beaugrand écrivit que les réalisations municipales devaient beaucoup aux « compétences et aux efforts tenaces de Charles Frérot » (p. 153). Tous les jours, un véhicule municipal allait le chercher à la sortie de son entreprise place d’Italie pour qu’il reprenne plus rapidement ses activités à la mairie. Il travaillait beaucoup, « trop certainement, au-dessus de ses forces. Gravement malade, il fut contraint d’arrêter pour longtemps et de subir une grave opération » à l’hôpital de la Pitié (p. 158).

Contrairement au maire Georges Beaugrand, Charles Frérot ne s’éloigna pas du Parti communiste à l’automne 1939. Selon un rapport de police : « Depuis le début des hostilités et malgré la dissolution des organisations communistes, Frérot prenait une part importante dans le développement de la propagande clandestine dans la banlieue sud. Il recevait fréquemment à son domicile d’anciens membres du Parti communiste soupçonnés de se livrer également à une activité clandestine. » (Arch. PPo. 101). Le conseil de préfecture le déchut de son mandat le 15 février 1940 avec dix-sept autres conseillers communistes de Gentilly.

Interné administrativement au centre d’Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) le 5 octobre 1940, Charles Frérot fut transféré le 4 décembre 1940 à Fontevrault (Maine-et-Loire),où,son état de santa de lui valut aucun ménagement. Un détenus, paul Giloux écrivait à sa famille : ""Car il faut qye tu les saches, dans les premiers jours pricipalement, les malades et les infirmes furent traités comme l’ensemble des camarades ; un Férot, un Janval, un Garnier, un Guillemard (Arsène Guillemard ?), dont tu connais bien l’état physique, furent mis dans des cachots glacés et sombres". Il fut transféré le 20 janvier 1941 à la Maison centrale de Clairvaux (Aube). Le professeur Claudius Vincent présenta son cas comme intéressant pour la science et réussit à le faire entrer à l’hôpital de la Pitié à Paris, puis à Garches (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine) et enfin à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) où il bénéficia de permissions. À la veille de la Libération, il profita du désordre du moment pour s’éclipser, entrer dans la clandestinité le 10 août et prendre la tête des organisations locales de Résistance avec lesquelles il n’avait cessé d’être en contact. Il put donc participer à la reprise de la mairie de Gentilly le 21 août 1944.

Président du Comité local de Libération, Charles Frérot fut nommé maire provisoire de Gentilly et élu maire en avril 1945. Il obtint la confiance du conseil à quatre reprises : le 27 octobre 1947 (15 voix sur 27 conseillers), le 6 mai 1953 (15/27), le 24 juin 1955 (16/25) et le 20 mars 1959 (27/27). Il mourut en cours de mandat. Il avait siégé à l’assemblée départementale de 1945 à 1953, d’abord comme conseiller nommé de Villejuif (Seine, Val-de-Marne), puis comme conseiller général du 2e secteur.

Charles Frérot s’était marié le 14 avril 1923 à Gentilly avec Germaine Ribier, posticheuse, originaire de la ville. Leur fils Serge, Wladimir (le deuxième prénom est naturellement un hommage à Lénine) né le 12 septembre 1926 à Gentilly, menuisier ébéniste, adhéra aux Jeunesses communistes en 1944 et au Parti communiste en 1947. Il fut secrétaire d’une cellule dans le XVe arr. de Paris puis, vers 1955, de la cellule des Communaux de Champigny-sur-Marne (Seine, Val-de-Marne) où il avait été embauché, avant d’entrer aux communaux de Bagneux (Seine, Hauts-de-Seine). Il fut lui-même conseiller municipal communiste de Gentilly de 1962 (partielles après le décès de son père) au milieu des années quatre-vingt.

Les Frérot formèrent donc une famille exceptionnellement ancrée dans une ville populaire de la banlieue sud-est. Charles Frérot aimait souligner son statut d’enfant de Gentilly et sa légitimité communiste en gommant l’épisode Beaugrand. Ainsi, en septembre 1947, écrivait-il :
« Depuis treize années, je suis votre élu. Par quatre scrutins successifs en 1934, 1935, 1945 et 1946, vous m’avez renouvelé votre confiance en faisant triompher chaque fois la liste que je présidais.
L’affairiste Gratien, en 1934, et le délateur et liquidateur Valett, dix ans plus tard, ont été balayés par cette population qui nous manifeste avec tant de chaleur sa sympathie.
À la tête du conseil municipal de ce Gentilly dont je suis l’enfant, je me suis efforcé d’être un administrateur consciencieux, économe, n’ayant en vue que le bien de toute la population. J’ai été secondé dans ma tâche par une équipe magnifique d’adjoints, de conseillers » (Bulletin municipal de Gentilly, n° 3, sepembre 1947).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24101, notice FRÉROT Charles, Louis, Lucien par Claude Pennetier, version mise en ligne le 15 octobre 2013, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Arch. fédération communiste du Val-de-Marne. — Arch. Paris, DM3 et Versement 10451/76/1. — Arch. PPo. 101. — Arch. Com. Gentilly. — Arch. fédération communiste du Val-de-Marne, notes de Paul Boulland. — Journal de Saint-Denis, 3 mars 1934. — La banlieue de Paris, 10 mai 1929. — Témoignage de son petit-fils, Sylvain Frérot. — « Souvenirs » inédits de Georges Beaugrand (Cette grande gueule que voilà). — Pas de dossier aux archives du Komintern, RGASPI.

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