RODRIGUES Olinde (Rodrigues Benjamin, Olinde)

Né le 6 octobre 1795, mort le 17 décembre 1851 ; financier saint-simonien.

Prononciation usuelle : « Rodrigue ». Financier saint-simonien, Né le 6 octobre 1795, mort le 17 décembre 1851 (le 26 décembre 1850, selon J. Cavignac). Olinde Rodrigues était issu d’une lignée de négociants et de comptables juifs d’origine espagnole, fixée à Bordeaux (Gironde) depuis le début du XVIIIe siècle. Son père, qui voulait en faire un homme de son temps, s’abstint de lui faire pratiquer les rites judaïques. Ce père moderne enseignait la comptabilité et eut en particulier pour élèves les frères Isaac Pereire* et Émile Pereire*, dont il était l’oncle. Selon certaines sources saint-simoniennes, Olinde Rodrigues serait à l’origine du ralliement militant à Claude-Henri de Saint-Simon* et au saint-simonisme de la plupart des juifs qui militèrent dans ce camp (Léon Halévy*, les Pereire, Gustave d’Eichthal* et Sarchi*).

Maître d’études au lycée Napoléon (maintenant Henri IV) en 1812, il y eut Prosper Enfantin* pour élève et s’en souvint assez, treize ans plus tard, l’ayant retrouvé de retour de Russie, pour l’introduire auprès de Saint-Simon. Titulaire d’une thèse de doctorat ès sciences (publiée au t. III de la Correspondance de l’Ecole royale polytechnique), Olinde Rodrigues s’engagea d’abord dans une carrière de mathématicien dont l’histoire de cette discipline conserve quelques traces flatteuses, notamment un système des coordonnées. Mais écarté de l’École normale sous la Restauration en raison de son ascendance juive, il se fit définitivement courtier en Bourse.

C’est chez le banquier Ardoin, en mai 1823, qu’Olinde Rodrigues fit la connaissance de Saint-Simon qui venait de tenter de se suicider pour échapper à la misère. Aussitôt séduit par le personnage et par ses idées, il se proposa pour assurer son existence matérielle et devenir son disciple. Héritier testamentaire et spirituel du maître mort en mai 1825, Olinde Rodrigues eut un rôle capital dans la fondation, en octobre suivant, du journal Le Producteur, destiné à donner aux idées de Saint-Simon la diffusion et la portée pratique auxquelles elles n’avaient pas atteint de son vivant. Il en fut l’un des cinq principaux rédacteurs, avec Saint-Amand Bazard*, Philippe Buchez*, Laurent de l’Ardèche* et Pierre Rouen*. Bien que détenteur de la légitimité spirituelle et le seul à bien connaître l’œuvre de Saint-Simon lui-même, Olinde Rodrigues, absorbé par son métier et sa vie de famille, sans doute aussi peu intéressé par la conduite politique des hommes, préféra s’en remettre pour cela à Bazard et à Enfantin, les intronisant « Pères suprêmes » dès la Noël de 1829. Entre-temps, il avait participé à la création d’un nouvel organisme de crédit, la Caisse hypothécaire, dont il avait formé l’idée en 1820 et dont il fut nommé sous-directeur général en 1827, cependant qu’Enfantin en devenait le caissier général.

De 1830 à novembre 1831, soit jusqu’aux discussions qui aboutirent au départ de Bazard et des saint-simoniens de nuance républicaine, Olinde Rodrigues ne paraît pas être intervenu de manière décisive, sinon pour peser dans le sens d’une interprétation authentiquement religieuse du « nouveau christianisme » ou pour rappeler de façon insistante l’esprit de paix selon lui essentiel à la pensée de Saint-Simon. Le 21 novembre 1831 toutefois, devant la gravité de la crise du mouvement saint-simonien, il sortit de sa relative réserve. Quittant ses occupations extérieures, il appela les disciples à se remettre à l’action et prit lui-même en mains « le culte », soit la direction financière et matérielle de l’organisation. Son désaccord total avec Enfantin sur les questions morales ne le retint pas, au début de 1832, de fonder le « crédit saint-simonien », censé résoudre par un pari sur l’avenir les graves difficultés de trésorerie auxquelles se trouvait alors confronté le saint-simonisme. Mais le dissentiment grandissant sur la question morale, l’exploitation par Enfantin des faiblesses de son épouse, Euphrasie, pour la détresse psychologique d’un disciple, Henry, et enfin, probablement, la lourdeur des difficultés matérielles à surmonter, conduisirent « l’héritier de Saint-Simon », comme il se nommait, à se désolidariser officiellement d’Enfantin le 13 février, et à revendiquer l’exclusive propriété juridique et intellectuelle des œuvres de Saint-Simon et du saint-simonisme. Lors des procès intentés à Enfantin et à ses lieutenants par le gouvernement, Olinde Rodrigues ne manqua pas pour autant de se ranger sans ambiguïté du côté de la défense.

La crise internationale de 1840, forte de menaces de guerre et de possibilités de révolution intérieure, lui parut sonner l’heure du retour du saint-simonisme sur le devant de la scène. Il entreprit alors de grandes manœuvres personnelles, tant auprès des ouvriers de La Ruche populaire que des milieux d’affaires dont il était familier, pour susciter un mouvement d’opinion. Pour s’en donner les moyens, il tâcha d’abord de rassembler le capital d’un grand journal qui se serait appelé Le Patriote. Afin de démontrer que les classes laborieuses n’étaient pas composées de buveurs de sang, mais d’esprits pacifiques, rêvant seulement d’un avenir meilleur, il publia et distribua, sous le titre Poésies sociales des ouvriers, un recueil de poésies composées par des ouvriers et des ouvrières pour la plupart d’obédience saint-simonienne ou fouriériste (Caplain*, Claude Desbeaux*, Louis Festeau, Élisa Fleury, Gauny*, Savinien Lapointe*, Piron*, Louis Ponty*, Michel Roly*, Jean Sailer*, Francis Tourte* et Vinçard aîné). En même temps, Olinde Rodrigues proposait une réorganisation des banques autour de la Banque de France et lançait un projet de caisse de retraites pour les classes laborieuses qui fit quelque bruit et ouvrit la voie à des réalisations ultérieures. À cette dernière fin, il réunit alors une commission d’étude affichant la participation conjointe, d’une part, de notabilités politiques et financières (le comte Molé, le comte de Gasparin, Vernes — le sous-gouverneur de la banque de France —, H. Passy — ancien ministre des finances —, etc.) et, d’autre part, d’anciens saint-simoniens (lui-même, Gustave d’Eichthal et Michel Chevalier*). Enfantin, avec qui il avait alors repris des relations normales, estimait à cette époque qu’il était « toujours le plus étonnant remueur de grosses idées que je connaisse ».

Sous la Seconde République, Olinde Rodrigues ne fut pas moins actif, reprenant son projet de réforme de la Banque de France, avançant un « projet de constitution populaire pour la République française », proposant une « organisation du travail " qui servirait de « bases de l’organisation des banques ». Il préconisait notamment une participation des ouvriers aux bénéfices.

Olinde Rodrigues qui, au dire d’Enfantin, était une " vraie bibliographie vivante de Saint-Simon », édita en 1841 un fort volume d’ œuvres de Saint-Simon, comprenant plusieurs inédits. Les papiers en sa possession furent transmis aux Pereire et composent une partie du Fonds Alfred Pereire du Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article37200, notice RODRIGUES Olinde (Rodrigues Benjamin, Olinde) , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 15 janvier 2011.

SOURCE : Bibl. Arsenal, Fonds Enfantin, en part. mss. 7 668/99, 7 671/12, 7 675/20, 7 676/20 et 23, 7 793/32 ; Fonds d’Eichthal, en part. 14 387/101 et 14 408/4. — Bibl. Thiers, Fonds d’Eichthal, en part. cartons IV I, IV R2 et IV T2. — Adolphe Blaise, « Notice sur l’établissement d’une caisse de retraites pour les classes laborieuses », Revue indépendante, t. VIII, 1843, p. 578-597. — H.-R. d’Allemagne, Les Saint-Simoniens, 1827-1837, Paris, 1930. — Jean Cavignac, Dictionnaire du judaïsme bordelais aux XVIIIe et XIXe siècles, Archives départementales de la Gironde, Bordeaux, 1987.

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