GAGNAIRE Étienne

Par Gilles Morin

Né le 17 avril 1906 à Saint-Étienne (Loire), mort le 19 septembre 1980 à Villeurbanne (Rhône) ; ouvrier métallurgiste puis industriel ; militant de la CGT, membre du Parti socialiste SFIO, résistant ; conseiller municipal puis maire de Villeurbanne (Rhône), député (1956-1958, 1973-1978).

Étienne Gagnaire dans les années 1940
Étienne Gagnaire dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956

C’est par l’action syndicale qu’Étienne Gagnaire vint à la politique. Militant de la CGT confédérée, il faisait partie du bureau du syndicat des Métaux à l’échelon départemental dans les années 1930 et participa à l’élaboration des conventions collectives de 1936. Au moment du Front populaire, il donna son adhésion au Parti socialiste SFIO. Ouvrier qualifié, il monta sa propre entreprise.

Mobilisé en 1939 et fait prisonnier en 1940, Gagnaire s’évada après 14 mois de captivité et, à son retour, participa à la Résistance. Il fut l’un des fondateurs du Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés dès 1942, mouvement présidé par François Mitterrand. Il fut successivement responsable du mouvement dans le Rhône, puis dans la région lyonnaise, puis enfin commandant la zone-sud. Il obtint le grade de Colonel FFI. Cette activité l’amena à être nommé à l’assemblée consultative provisoire de Paris en 1944-1945. Ce fut le véritable début de sa carrière politique.
Il eut du mal à s’imposer au plan national, en dépit de multiples candidatures à des élections générales. Il fut candidat aux deux Assemblées constituantes en troisième position sur la liste SFIO conduite par André Philip dans la 1ère circonscription du Rhône en octobre 1945, et juin 1946 puis aux élections législatives de 1951 (en deuxième position sur la liste socialiste conduite par André Philip qui, bien qu’apparentée aux radicaux et aux modérés, n’obtint aucun élu). Il fut encore candidat au Conseil de la République puis au Sénat en 1946, 1952 et 1959 et au conseil général dans le canton de Villeurbanne en 1949 (4 074 voix sur 61 046 inscrits et 33 473 votants) et 1955 (où il fut battu au 2e tour). Ces candidatures montrent toutefois qu’il occupait une place non négligeable parmi les socialistes au plan départemental. Il fut le délégué de la fédération socialiste au congrès national de la SFIO d’août 1945, où il intervint sur la situation des déportés et des prisonniers de guerre, et assuma les fonctions de secrétaire adjoint de la fédération SFIO du Rhône en octobre 1946. Il fut candidat, non élu au comité directeur national de la SFIO aux congrès de 1947 et 1948. Il semble avoir été secrétaire de la fédération socialiste en 1948, appartenait au bureau fédéral en 1949 et était secrétaire fédéral adjoint en 1951. Mais désormais le socialiste le plus en vue du département puisqu’il n’y avait plus de député.

Étienne Gagnaire fit aussi en ces années l’expérience de la participation à des cabinets ministériels à Paris : de janvier 1946 à juillet 1948, il occupa les fonctions d’attaché de cabinet auprès du secrétaire d’État chargé de l’information (Gaston Defferre puis Max Lejeune*) et auprès du ministre des Anciens Combattants (François Mitterrand*). Il fut chargé de liaison entre la SFIO et les autres partis dans les comités de vigilance contre le RPF (fonction sans existence réelle semble-il).

Aux élections municipales de 1947 Étienne Gagnaire figura sur la liste conduite par Lazare Goujon*, qui avait déjà dirigé la ville de 1924 à 1935. Sur 37 élus, les communistes en eurent 17, le RPF 10, les radicaux 6 et les socialistes arrivés en 4e position seulement 4. Mais, point d’équilibre politique et disposant d’une personnalité de référence, ils obtinrent la mairie de Villeurbanne, reprise aux communistes conduits par Georges Lévy*. De 1947 à 1954, Gagnaire dont s’était la première apparition dans la vie politique municipale fut adjoint de Goujon, puis bientôt son dauphin. Aux élections municipales de 1953, la liste SFIO arriva en deuxième position et gagna deux sièges, dont l’un aux dépends des communistes, la droite se dispersant par ailleurs. Goujon très âgé démissionna à son profit et Gagnaire devint maire de Villeurbanne le 20 juin 1954. Il le demeura jusqu’aux élections de mars 1977. Son mandat fur marqué notamment par une politique active de construction de logements et d’équipements collectifs, notamment scolaires et sportifs. Il présidait l’association des maires du Rhône en 1958, fut délégué à l’association des maires de France en 1966 et appartint du Comité directeur français du conseil des communes d’Europe. Il tenta, en vain, de s’opposer à la création de la COULY, le district urbain de Lyon, imposé par l’État. Mais il réussit à empêcher le rattachement de la ville à Lyon, proposé défendu lors des municipales de 1965 par le beau-frère de Louis Pradel, Gabriel Cibrario. Ses mandats furent marqués par une lente désindustrialisation de la ville.

Le 2 janvier 1956, sous l’étiquette du Front républicain, Étienne Gagnaire conquit son premier mandat législatif, grâce à l’apparentement conclu avec les radicaux-socialistes et l’UDSR. Il était le premier député socialiste élu dans le Rhône depuis l’échec d’André Philip en 1951. Selon un rapport du préfet, il a « fait bénéficier la liste des nombreuses sympathies dont jouît ce candidat qui, à de nombreuses reprises, avait affirmé sa position anticommuniste ». Membre des commissions de l’Intérieur et du Travail et de la Sécurité sociale, il fut vice-président du groupe parlementaire socialiste en 1958 et surtout rapporteur de grands textes de loi, celui sur Fonds national de solidarité pour la vieillesse en 1956 et la Loi-Cadre sur l’Algérie en 1958. Il vota l’investiture au général de Gaulle le 1er juin 1958 et prit position pour le OUI au référendum du 28 septembre 1958. Mais il fut battu lors des élections législatives de 1958. Il renforça alors sa position locale en étant élu conseiller général en 1961 à Villeurbanne, en doublant ses voix de 1955. Il siégea à l’Assemblée départementale jusqu’en 1979 où il ne se représenta pas. Il se présenta de nouveau sans succès aux élections législatives de 1962.

Étienne Gagnaire présidait la FGDS du Rhône lorsqu’eut lieu sa rupture avec la SFIO en mars 1967. Candidat de la FGDS dans la 6e circonscription, il affrontait son rival de 1962, Marcel Houel qui l’avait alors vaincu. Au premier tour, il obtint, avec son suppléant Albert Doutre, 25 376 voix et arriva en seconde position derrière Houel, 30 441 voix. Gagnaire refusa la « discipline républicaine » et se maintint malgré le désistement des directions FGDS et PSU pour les communistes. Dans l’élection triangulaire du 12, le communiste Houel l’emporta de nouveau devant David Rousset, gaulliste et É. Gagnaire. Dès ce moment, la rupture de fait existait ; avec Doutre et Gisclon* Gagnaire qui était secrétaire de la section locale forma un petit groupe hostile aux orientations de la direction socialiste.

Exclu du Parti socialiste SFIO en avril 1967 – décision lourde de conséquence pour la fédération socialiste qui perdait alors la seule municipalité importante à sa disposition et dû dissoudre la section locale – Étienne Gagnaire participa à l’équipe dirigeante de « Socialisme et liberté » et créa, en plein milieu des événements de 1968, le Parti socialiste indépendant qui lui donna en vain son investiture pour les élections législatives de juin 1968 (Hornung* se présentant pour la SFIO contre lui). Son organisation adhéra en 1970 au Parti de la démocratie socialiste qui devint Mouvement démocrate socialiste de France, qu’il animait avec Max Lejeune et Émile Muller ; il en fut élu vice-président en décembre 1973 et il assura la codirection politique du journal La Démocratie socialiste. Candidat socialiste indépendant aux élections législatives de mars 1973, il fut élu à la faveur d’une partition de la 6e circonscription du Rhône, l’une des plus peuplées de France, et revint donc au Palais-Bourbon pour cinq ans. Son rival Houel était élu au sud (Vénissieux) tandis que lui-même l’était au nord (Villeurbanne). Dans ces années, il était président de l’office HLM de Villeurbanne, et de 1969 à 1977, premier vice-président de la communauté urbaine de Lyon.

En dépit de sa participation, dans le comité départemental, aux activités de France-URSS ses relations avec les communistes, ses éternels rivaux, étaient restées particulièrement tendues, mais les socialistes se reconstituaient en misant sur l’usure du pouvoir et sur une politisation accrue. Lors des élections municipales de mars 1977, après près d’un quart de siècle de gestion municipale, avec une équipe vieillissante et composite, Gagnaire affrontait une contestation grandissante, alors que l’Union de la gauche était à son zénith. L’absence de liste commune de la gauche favorisa plutôt la liste conduite par Charles Hernu* qui avait associé un groupe d’intérêt local appelé « Villeurbanne 2000 » et les radicaux de gauche dissidents du parti valoisien. La communiste Desgrand obtint 9 984 voix au premier tour et la liste socialiste de Charles Hernu 10 968, celle de Gagnaire arrivant en tête avec 12 161 voix (53,5 %). Hernu l’emporta au second tour, avec 23 090 suffrages contre 15 483 à la liste Gagnaire.

Retiré de la vie politique, Étienne Gagnaire mourut deux ans plus tard. Il était titulaire de la Légion d’honneur pour faits de guerre (1947), de la Croix de guerre et de la rosette d’officier de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49935, notice GAGNAIRE Étienne par Gilles Morin, version mise en ligne le 25 avril 2009, dernière modification le 14 mars 2017.

Par Gilles Morin

Étienne Gagnaire dans les années 1940
Étienne Gagnaire dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, élections législatives, 1962-1967. — Arch. de l’UD-CGT. — Arch. Nat. F/1cII/124, 152, 249, 279, 315, 563 ; F/1cII/703. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Archives OURS, dossiers Rhône et A9/45 MM. — Profession de foi, élections législatives 1958. — Presse locale (Le Progrès, Lyon-Matin). — Bulletin municipal de Villeurbanne, octobre 1980, n° 13. — Le Monde, 21-22 septembre 1980. — Dioudonnat et Bragadir, Dictionnaire des 10 000 dirigeants politiques français, Paris, 1977-1978. — H. Coston, Dictionnaire de la Politique française, tome IV, 1982. — Bernard Meuret, Le socialisme municipal, Villeurbanne, 1880-1982, Lyon, PUL, 1982. — Notice du DBMOF, tome 36, de Maurice Moissonnier.

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