JANIN Henri, Émile, Jules

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 5 février 1901 à Charquemont (Doubs), mort le 15 juin 1946 à Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise, Val-de-Marne) ; ajusteur-mécanicien ; militant communiste du Doubs puis de la Seine-et-Oise, membre de la commission centrale de contrôle politique du PCF (1937-1946), membre titulaire du comité central (1945-1946) ; maire de Villeneuve-Saint-Georges (1935-1940, 1945-1946).

Henri Janin vers 1935
Henri Janin vers 1935
Coll. privée Robert Janin

Aîné d’une famille de sept enfants, fils d’un artisan horloger, Henri Janin fut apprenti dans la métallurgie à l’âge de quatorze ans et devint ajusteur-mécanicien. Membre du Parti communiste depuis 1922, il fut un temps secrétaire du syndicat CGTU des Aciéries de Sainte-Suzanne (entreprise Peugeot), mais la répression patronale l’obligea à changer souvent d’usine. Secrétaire adjoint appointé de la Région communiste du Centre-Est en 1926, il était très lié à un autre militant local, Maurice Tréand, futur membre du comité central et responsable aux cadres qui influa beaucoup sur sa carrière politique. Le 28 septembre 1927, le tribunal correctionnel du Doubs le condamna à vingt jours de prison à la suite d’une manifestation en faveur de Sacco-Vanzetti, qui s’était déroulée à Besançon le 19 septembre. En 1929, Henri Janin fit des cours à l’école du rayon de Besançon. Le 5 mai, il fut candidat du Bloc ouvrier et paysan aux élections municipales de Besançon. En juillet de cette même année, la région Centre-Est fut transférée de Besançon à Vieux-Charmont. Janin joua un rôle dans le conflit qui conduisit à l’exclusion d’Henri Jacob*, ancien membre du comité central, dirigeant du rayon communiste de Belfort et secrétaire de la 5e Union régionale CGTU (Doubs, Jura, Haute-Saône). Son attitude fut dans un premier temps conciliatrice et il affirma avoir soutenu jusqu’au bout la candidature de Jacob aux élections législatives de mai 1932, mais lorsque la direction nationale en décida autrement, il demanda à Jacob d’agir « en vrai bolchevik » et de « démontrer ensuite, par son travail, qu’il est victime d’une erreur » (Arch. Nat. F7/13261, rapport du 2 avril 1932).

Le Parti communiste présenta Janin à plusieurs élections. Aux législatives de 1928, dans la circonscription de Gray (Haute-Saône), il obtint seulement 59 voix sur 15 384 inscrits mais il en conserva 51 au second tour (13 107 votants). En octobre 1931, Janin fut candidat au conseil d’arrondissement dans le canton d’Audincourt et obtint 99 voix sur 203 suffrages exprimés.

Élève de l’École léniniste internationale (ELI) de Moscou du 26 décembre 1932 au 20 octobre 1933, sous le nom de Damon, logé dans les locaux de l’ELI, il appartenait au 3e contingent d’un an comprenant vingt-deux militants français. Les archives le montrent trés actif dans le débat final sur la fonction positive de l’autocritique et sur l’utilité de la Cistka (épuration)
.

Après son retour de Moscou, Janin vint habiter à Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise) sur consigne du Parti communiste. Il était marié à Juliette Bouin, née le 17 mai 1901 à Montbéliard, ouvrière de filature. Elle travailla au restaurant coopératif La Famille nouvelle géré par Maurice Tréand, puis comme femme de ménage au journal Ce Soir et enfin comme aide-soignante à Villeneuve-Saint-Georges.

Henri Janin devint maire communiste en mai 1935 puis conseiller général en 1937 et vice-président du conseil général de Seine-et-Oise. Dans cette ville située dans la banlieue sud-est à dix-sept kilomètres de Paris et connue pour son important centre de triage ferroviaire du PLM, le Parti socialiste avait conservé la mairie après le congrès de Tours (décembre 1920) grâce à la popularité d’Henri Leduc, premier magistrat municipal depuis novembre 1919. Cependant, dès 1924, les voix communistes l’emportèrent sur les voix socialistes aux élections et la SFIO perdit progressivement son audience. Mais si Janin participa activement à l’action locale, en fondant en particulier le journal Les Nouvelles de Villeneuve-Saint-Georges, il eut d’importantes fonctions au sein du Parti communiste. Il collabora au journal d’Information municipale et écrivit en particulier un article sur « La participation des femmes aux travaux du conseil municipal (n° 7, janvier 1937). Il restait, aux côtés de Maurice Tréand, un élément clé de la politique des cadres.

En 1937, il exerça la fonction professeur à l’École centrale du Parti communiste installée à Arcueil. Janin suivait alors de très près l’action du mouvement communiste en Espagne. Avant l’arrivée d’André Marty de Moscou, il était un de ceux qui, avec François Billoux, avaient mis en place les Brigades internationales (BI). Par la suite, le Parti communiste lui demanda de faire quelques missions d’inspection, avec le grade de lieutenant, auprès des BI, en tant que responsable aux cadres et aux effectifs. L’AVER (Association des volontaires en Espagne républicaine) le considére comme membre des Brigades internationales de novembre 1936 à juillet 1937. Il était un des cinq membres de la commission centrale de contrôle politique élus au congrès d’Arles (IXe congrès) en décembre 1937. Il aurait fait un voyage à Moscou en 1938 (C. Bourricand, op. cit.). Janin participa activement à la propagande contre les trotskistes (voir les Cahiers du Bolchevisme, n° 11, novembre 1938 et n° 2, février 1939). La préfecture de Seine-et-Oise le déchut de ses mandats électifs le 10 février 1940.

Janin, un des responsables de la commission des cadres, fit partie des quelques militants non mobilisés (il était réformé pour sa mauvaise vue) qui entreprirent la réorganisation du Parti communiste clandestin, de septembre 1939 à son arrestation le 8 avril 1940. Ses initiatives furent multiples : au nombre de celles-ci la récupération en décembre 1939 de fonds du Parti communiste cachés chez Clamamus ou la rencontre avec Louis Gronowski, dirigeant de la MOI (Main d’œuvre ouvrière immigrée). Janin tomba avec l’état-major de la région Paris-Nord. L’Humanité clandestine du 6 mai 1940 publia le nom d’un communiste d’Aubervilliers qui aurait « livré le nom du camarade Janin à la police ». Les tortures qu’il subit altérèrent gravement sa santé. La justice militaire l’inculpa et le fit incarcérer à la prison de la Santé. Le 10 juin, il fut transféré avec d’autres prisonniers politiques et de droit commun vers Bordeaux. Il s’évada à travers bois vers le sud de Vierzon le 17 juin. Un rapport de police du 22 juin 1946 donne une version différente : « M. Janin a été libéré par les Autorités occupantes » (Arch. PPo. dossier Janin aux RG, 16 504). Janin était présent à Paris vers la mi-juillet. Jean Jérôme se souvient d’une altercation entre lui et Maurice Tréand à propos de la tentative de publication légale de l’Humanité : « C’est une faute politique, je refuse de m’y associer » aurait-il déclaré (Crémieux, p. 270 et J. Jérôme, op. cit., p. 67). Cependant, il participa à deux tentatives d’occupation de la mairie de Villeneuve-Saint-Georges, notamment le 20 juillet 1940, ce qui montre qu’il appliqua les consignes du cours légaliste. Son état de santé, aggravé par les violences qu’il avait subies lors de sa première arrestation, l’obligea à cesser ses activités.

Selon la police : « Le 22 août 1940, une unité allemande prit position autour de son domicile et se livra à une perquisition. Sa trace fut retrouvée quelque temps plus tard à Tonnerre-en-Puisaye (Yonne) au lieu-dit « Les Briards ». Sa femme et ses deux enfants vivaient clandestinement à Septfonds (Yonne). Henri Janin atteint de tuberculose des os et de paralysie générale fut jugé intransportable.

En juillet 1941, le tribunal correctionnel de Corbeil le condamna par défaut à dix-huit mois de prison et 100 francs d’amende pour activité communiste. Malgré ses problèmes de santé, Janin participa à l’organisation de la résistance armée en Bretagne, à partir de juin 1941, contribua à l’organisation des évasions au camp de Châteaubriant et anima, en octobre, la grande grève de l’Arsenal de Brest. Son action lui valut le grade de commandant, la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance.

À la Libération, Henri Janin reprit ses fonctions politiques mais il restait souvent alité. Il fut réélu maire de Villeneuve-Saint-Georges en avril 1945, conseiller général en septembre 1945 et vice-président de l’assemblée départementale. Le Xe congrès national du PCF (Paris, 26-30 juin 1945) le désigna membre titulaire du comité central et secrétaire de la commission de contrôle politique. Ses problèmes de santé s’aggravèrent et il mourut à quarante-cinq ans le 15 juin 1946 dans son pavillon, 12 rue Voltaire, à Villeneuve-Saint-Georges. La municipalité organisa des obsèques suivies par une foule considérable comme ne témoignent les photos.

Il était marié avec Juliette Boin (née à Montbéliard le 17 mai 1901), ouvrière à la filature de Montbéliard puis employée au restaurant coopératif La Famille nouvelle dirigée par Maurice Tréand, et enfin femme de ménage au journal Ce soir. Elle fut militante de la CGT et de l’Union des femmes française (UFF). Janin était de père de deux enfants, Robert Janin, conseiller municipal communiste de Villeneuve-Saint-Georges de 1947 à 1957 et Cécile épouse Chambaud, sténodactylo à SKF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50193, notice JANIN Henri, Émile, Jules par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 11 mai 2009, dernière modification le 24 février 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Henri Janin vers 1935
Henri Janin vers 1935
Coll. privée Robert Janin
Avis de recherche d'Henri Janin en 1943
Avis de recherche d’Henri Janin en 1943
Tombe à Villeneuve-Saint-Georges.
Tombe à Villeneuve-Saint-Georges.

SOURCES : Arch. Nat., F7/13261, commissaire spécial de Belfort, 2 et 15 avril 1932. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 30/57 ; 4 M 30 et 31 ; M élections cantonales non classées. — Arch. AVER. — Arch. Jean Maitron, fiche Batal. — Arch. Seine-Saint-Denis, ex.BMP, mfm 252 et 304. — Catherine Bourricand, De l’implantation du Parti communiste à Villeneuve-Saint-Georges entre-les-deux-guerres, Paris I, 1982. — Jean Jérôme, Les clandestins 1940-1944, souvenirs d’un témoin, Acropole, 1986, p. 67. — Louis Gronowski-Brunot, Le dernier grand soir. Un Juif de Pologne, Seuil, 1980. — Francis Crémieux et Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, Temps actuels, 1983. — Jean-Marie Castel, Raymond Juret, Les Villeneuvois et les Villeneuvoises sous l’Occupation (1940-1944), Montgeron, Desbouis Gresil, 1990. — Renseignements communiqués par Raymond Dallidet. — Entretien d’Annie Pennetier avec son fils, 2009.

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