CASANOVA Laurent [CASANOVA Antoine, Laurent]. [version DBK]

Par Claude Pennetier

Né le 9 octobre 1906 à Souk-Ahras (Constantine, Algérie), mort le 20 mars 1972 à Paris ; docteur en droit ; collaborateur de Maurice Thorez.

Deux événements marquèrent profondément son enfance, écrivit-il en 1956 : les grèves des cheminots de 1920 où son père fut délégué des ouvriers grévistes et la grande famine de 1924 qui lui fit constater les souffrances du peuple arabe. Laurent effectua ses études comme boursier d’État au lycée de Bône puis vint à Paris suivre des cours à la Faculté de droit. Il fréquenta les cercles d’étudiants corses où il connut Vincentella Perini (la future Danielle Casanova) à laquelle il se lia en juin 1928 et épousa en 1933. Sous son influence, il adhéra au Parti communiste en janvier 1929.

Casanova participa à la direction de l’Union fédérale des étudiants (UFE) comme membre responsable de la fraction centrale de l’Union, chargé plus particulièrement du travail auprès des étudiants immigrés. Son « esprit de Parti » se forgea dans la lutte contre les étudiants trotskystes de l’UFE. Après avoir effectué son service militaire, il prépara une thèse de droit. Il était secrétaire du XIIe arrondissement et membre du comité régional. Il travailla dans la commission d’agit-prop. régionale et accepta en 1933 un poste de permanent.

Il entra dans l’appareil clandestin pour s’occuper du travail en direction des soldats et, en particulier, des journaux et brochures. En 1934, il accéda à la direction de cet appareil sous le contrôle de Maurice Thorez et du secrétaire général de la Jeunesse communiste. L’orientation du travail militaire changea en 1935 : le Parti communiste envisageant l’éventualité d’une guerre de défense nationale juste, contre le fascisme. Il fut donc le dernier responsable du travail antimilitariste. En février 1936, il s’installa au 120, rue Lafayette, siège du comité central, dans le bureau de Maurice Thorez*. Sans fonction précise, on le prenait pour le secrétaire personnel du secrétaire général. Maurice Thorez le chargeait d’étudier des questions politiques en l’invitant parfois à assister aux réunions du secrétariat. Une mission de confiance, après le comité central d’Ivry-sur-Seine (mai 1939) consistant à porter aux dirigeants de l’Internationale communiste les documents adoptés, lui permit de découvrir l’URSS.

L. Casanova s’était fait inscrire au barreau, en 1937-1938, pour assurer le cas échéant les transmissions entre dirigeants emprisonnés et les autres. L’occasion ne se présenta pas ; il s’occupa seulement de la liaison entre le groupe parlementaire et la direction.
La mobilisation d’août 1939 interrompit son activité militante. Prisonnier en Allemagne il s’évada et arriva à Paris le 1er mai 1942 pour apprendre l’arrestation de Danielle Casanova qui mourut en camp l’année suivante. Par Claudine Chomat* — sa future épouse en secondes noces — il reprit en quelques semaines le contact avec la direction du Parti. Pendant plusieurs mois il collabora sans fonction précise avec Pierre Villon*. Charles Tillon, le commandant en chef des Francs tireurs partisans, demanda à bénéficier de l’aide de « l’ancien secrétaire particulier de Thorez* ».

Lorsqu’en septembre 1944 De Gaulle demanda à Jacques Duclos* quels communistes pourraient entrer au gouvernement, ce dernier avança les noms de Charles Tillon et de Laurent Casanova, mais le Premier ministre retint ceux de Tillon* et de François Billoux*. Casanova, député de Seine-et-Marne, entra avec Maurice Thorez dans le cabinet Félix Gouin (26 janvier-24 juin 1946) comme ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre. Il conserva ce portefeuille dans le premier ministère Georges Bidault (24 juin-6 décembre 1946). Membre du comité central du PCF depuis 1945, il devint membre suppléant du bureau politique en juin 1947 et titulaire en juin 1954. Chargé des relations avec les intellectuels à l’époque du jdanovisme triomphant en URSS, il assuma cette responsabilité avec brio mais d’une manière autoritaire. En 1948, la théorie de l’hérédité, que le biologiste Lyssenko venait d’imposer aux scientifiques soviétiques, lui permit d’introduire en France les concepts de « science bourgeoise et science prolétarienne » malgré les réserves et même l’opposition de nombreux intellectuels communistes. Sa brochure, Le Parti communiste, les Intellectuels et la Nation fixa les règles de pensée et d’action des intellectuels communistes. Après la mise à l’écart de Charles Tillon en 1952 (à laquelle Casanova avait pris une part active), il fut chargé de représenter le Parti dans les instances dirigeantes du Conseil mondial de la paix.

Le comité central du Parti communiste, réuni le 24 février 1961, prononça l’exclusion du bureau politique de Marcel Servin et de Laurent Casanova. La signification de cette élimination reste d’autant discutée que les intéressés ne se défendirent jamais publiquement. Le désaccord portait apparemment sur l’analyse du gaullisme que Casanova voulait caractériser avec nuance. Il en résultait des points de vue différents sur l’action à mener contre la guerre d’Algérie. Les rapports amicaux entre le couple Thorez*-Vermeersch et le couple Casanova-Chomat* s’étaient distendus. L’attribution du prix Lénine de la paix à Casanova, en décembre 1960, par un jury comprenant Aragon* (vice-président), apparaîtrait comme un soutien de Khrouchtchev un mois avant la réunion du comité central qui devait discuter du cas Casanova.

Les deux accusés assistèrent sans intervenir au 16e congrès (11 au 14 mai 1961) qui ratifia son élimination. Laurent Casanova refusa de s’incliner. Avec son épouse Claudine Chomat* (non réélue au comité central), il se retira de la vie politique active tout en conservant la carte du PCF.
L’intervention soviétique en Tchécoslovaquie (1968) reçut son approbation. Il mourut quatre ans plus tard sans avoir « desserré les lèvres », « fier de sa fidélité au Parti ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50878, notice CASANOVA Laurent [CASANOVA Antoine, Laurent]. [version DBK] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 18 juillet 2009, dernière modification le 8 février 2021.

Par Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, 495 270 42 : autobiographie du 9 mai 1933. &#8212 ; Notice par Laurent Casanova par J. Maitron et Cl. Pennetier in DBMOF.

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