VIETTE Jules [VIETTE Jules, François, Stanislas]

Par Michel Cordillot

Né le 6 mai 1843 à Blamont (Doubs), mort le 15 février 1894 à Paris ; militant blanquiste à la fin du Second Empire ; franc-maçon ; homme politique républicain socialiste sous la Troisième République, député et ministre.

Le père de Jules Viette, marchand de vin, avait une situation relativement prospère, et ce dernier put poursuivre ses études au lycée de Besançon où il fut reçu bachelier ès-lettres. Il alla ensuite s’installer à Paris afin d’y faire son Droit.
Très vite, Viette se rallia à la fraction la plus résolue de l’opposition révolutionnaire en rejoignant les rangs du mouvement blanquiste. Dès 1864, il appartenait, avec Germain Casse, Victor Jaclard, Eugène Protot, Gustave Tridon, Émile Villeneuve, Régnard, les frères Levraud et quelques autres, au petit noyau de ceux que le « Vieux » avait choisis pour constituer les cadres du futur parti de la Révolution, et qui lui rendaient visite chaque jeudi et chaque dimanche après qu’il ait été transféré de la prison de Sainte Pélagie à l’hôpital Necker pour y être soigné. C’est de l’hôpital que Blanqui entreprit de fonder le journal auquel il songeait depuis longtemps. Preuve de la confiance dont Viette jouissait dans le mouvement, il fut désigné pour être l’un des rédacteurs du Candide, et deux articles signés de son nom parurent avant la saisie, à la demande des autorités religieuses, du journal, qui en était alors à son huitième numéro. Toutefois, Viette ne figura pas parmi les quatre militants condamnés à l’issue du procès intenté aux responsables de la feuille. Peu après, il fut sans doute aussi l’un des artisans de l’évasion de Blanqui, survenue le 27 août 1865.
Á partir de 1867, le mouvement blanquiste entreprit de mettre en place des groupes de choc destinés à encadrer les futures manifestations violentes contre l’Empire. Il s’agissait en fait de se préparer au combat de rue et à l’insurrection. Là encore, il semble bien que Viette, alors « révolutionnaire à tous crins », se soit vu confier d’importantes responsabilités. Ce fut lui qui enseigna à Henri Place un certain coup de poing qui devait forcément « amener à brève échéance la mort du sergent de ville atteint ».
Par ailleurs, comme nombre de ses amis politiques à cette époque, Jules Viette appartenait à la Franc-Maçonnerie. Il était alors affilié à la loge « La fraternité des peuples », qui appartenait du Grand Orient de France. Parmi ses coreligionnaires figuraient plusieurs futurs communards, dont Léopold Paget-Lupicin.
Étant arrivé au terme de ses études, Viette retourna dans la région de Montbéliard en 1869 ou 1870 (à moins qu’il n’ait eu quelque autre raison de quitter Paris précipitamment). Avait-il mission d’y constituer un de ces groupes affiliés au Parti que les Blanquistes tentaient alors de mettre en place en province ? Quoi qu’il en soit, il se lia tout naturellement avec les éléments du parti républicain « avancé », écrivant des articles pour le journal Le Doubs, lequel manifestait aussi quelques sympathies pour l’Internationale. C’est dans les colonnes de cette feuille que Viette mit en garde ses compatriotes contre les manœuvres du parti de l’ordre à Besançon, alors même que faisaient rage les combats entre les communards et l’armée de Versailles : « La réaction cléricale et monarchique est lancée à toute vapeur. Elle ne s’arrêtera qu’après avoir égorgé la République » (Le Doubs, 19 avril 1871).
C’est également à cette époque que débuta la carrière politique de Viette. Nommé maire de Blamont au lendemain du 4 septembre 1870, il eut rapidement l’occasion de se distinguer en prenant la tête d’une compagnie de francs-tireurs durant la guerre franco-prussienne. Il fit alors preuve de courage, se distinguant notamment lors des combats d’Abbévillers et refusant ensuite avec modestie la décoration qui lui était offerte.
Rien d’étonnant donc à ce que les électeurs du canton de Blamont aient tenu à lui témoigner leur gratitude en le choisissant, le 8 octobre 1871, pour être leur conseiller général. Se réclamant de la gauche républicaine durant la période de réaction politique qui suivit l’écrasement de la Commune, il apporta une collaboration assidue aux feuilles progressistes de la région, Le Républicain de l’Est et La Démocratie franc-comtoise, dont il fut d’ailleurs l’un des fondateurs en 1873. Il prit aussi publiquement la défense du Colonel Denfert-Rochereau qui, parce que républicain, faisait l’objet de basses attaques concernant la manière dont il avait organisé la défense de Belfort. Autant de raisons qui firent qu’en 1875, le comité républicain de Montbéliard désigna Jules Viette comme candidat à la députation. Dans la profession de foi du futur élu, on pouvait lire la phrase suivante, qui témoignait à elle seule de l’évolution politique de son auteur : « La République selon moi, doit s’affermir progressivement, sagement et sans violence. »
Assagi politiquement — son itinéraire politique est à rapprocher de celui de nombre de ses compagnons d’armes blanquistes, qui, comme Humbert, Germain Casse, Léonce Levraud ou Émile Villeneuve refirent surface sous la Troisième République en tant qu’élus socialistes radicaux —, Viette n’en avait pas moins gardé sa bonne humeur et sa gouaille. Aux dires du préfet de police Louis Andrieux, Viette fut en 1876 « l’enfant terrible de la Chambre », qu’il excellait à amuser avec des mots d’esprit, au point que le président Grévy se voyait régulièrement contraint de le rappeler à l’ordre.
La suite de la carrière de Jules Viette est beaucoup mieux connue. Réélu député en 1877, ministre de l’Agriculture dix ans plus tard, vice-président de la chambre en 1890, puis de nouveau ministre, chargé cette fois des travaux publics, il mourut à la tâche en 1894.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article72625, notice VIETTE Jules [VIETTE Jules, François, Stanislas] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 14 octobre 2020.

Par Michel Cordillot

ŒUVRE : Franc-maçons et chrétiens, Paris, chez l’auteur, 1865, in-16, 16 p. — Les Confiseurs devant l’histoire, la politique, la religion et les magistrats, Besançon, impr. de Ordinaire fils, 1874, in-8°, 8 p. — Étude sur la correspondance de Proudhon, Besançon, impr. de Ordinaire fils, 1874, in-8°, II-150 p. — Le Colonel Denfert et le siège de Belfort. Conférence faite à Montbéliard le 29 septembre par M. Viette, député du Doubs, Belfort, impr. J. Spitzmuller, 1878, in-12, 47 p.

SOURCE : Michel Cordillot, « Jules Viette : une jeunesse tumultueuse », L’Estocade, journal franc-comtois, n° 53 (mars-avril 1989), pp. 15-16.

ICONOGRAPHIE : L’Estocade, journal franc-comtois, n° 53 (mars-avril 1989), p. 15.

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