GIAUFFRET Baptistin, Marius, François

Par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 9 février 1896 à Roquesteron (Alpes-Maritimes) ; mort le 15 mai 1983 à Nice (Alpes-Maritimes) ; instituteur ; secrétaire de la section départementale du SNI entre 1935 et 1940.

Ses parents habitaient Toulon (Var) à sa naissance chez son grand-père maternel, menuisier. Son père, cultivateur, alla travailler à Toulon comme manoeuvre, puis comme ouvrier forgeron à l’Arsenal maritime avant de se retirer à Roquesteron en 1912. Baptistin Giauffret entra à l’École normale d’instituteurs de Nice en 1912 dans la même promotion que Freinet. Mobilisé dans les Chasseurs alpins en 1916, aspirant, puis lieutenant de renseignements, il connut le front jusqu’à la fin de la guerre et refusa de rester dans l’armée. Nommé comme instituteur dans une petite commune montagneuse du canton de Puget-Théniers, Rigaud, il adhéra au syndicat de la Fédération de l’enseignement qui, dans le département, était majoritaire. Il était, en 1919-1920, considéré comme membre de la SFIO par la Préfecture (ce qui était faux, selon le témoignage de son épouse).

Dès 1920, Giauffret écrivit une longue étude sur le milieu des officiers qu’il avait bien connu à l’armée et qui lui valut l’appréciation élogieuse de Romain Rolland. Il publia aux Primaires, un roman villageois intitulé Vibars (1931, 138 p.). En 1922, à l’occasion des élections cantonales, il incita les électeurs du village à voter symboliquement pour A. Marty, candidat d’amnistie, contre le candidat de droite, le député Baréty, qui fut mis en minorité à Rigaud à la différence du reste du canton. Ce dernier demanda une sanction contre l’instituteur. Il fut menacé de censure par le Conseil départemental de l’enseignement primaire, le 22 juillet 1922, avec les instituteurs communistes, Barel* et Spinelli*. Tous trois furent défendus par le Parti communiste, les syndicats, l’École Émancipée et Le Petit Niçois. Ses rapports d’inspection étant élogieux, il fut déplacé à Cannes. Il commença à écrire un roman sur sa propre génération intitulé La nouvelle aventure dont le premier volume fut publié en 1938 sous le titre de Jabou (Éditions de la Fenêtre ouverte, Issy-les-Moulineaux, 212 pages).

Instituteur à Cannes-La Bocca, puis à Nice, il se maria à Beuil (Alpes-Maritimes) en août 1920 ; son épouse, née Bayon Lucie, Magdeleine dite Louise, institutrice, militait dans les Groupes féministes de l’enseignement. Ils eurent trois enfants.

Baptistin Giauffret devint secrétaire du syndicat en 1922. Après le congrès national de Bordeaux (11-15 août 1920), il participa régulièrement aux congrès de la Fédération de l’Enseignement et y prit plusieurs fois la parole. Lors du congrès de Grenoble (août 1926), il intervint à plusieurs reprises pour soutenir les militants qui refusaient d’étroits rapports entre Parti communiste et CGTU. Au congrès de Besançon (août 1929), il approuva la motion du Finistère, « Pour un syndicalisme révolutionnaire indépendant et agissant ». Il militait ainsi dans les rangs de la minorité syndicaliste révolutionnaire et approuvait notamment les analyses de P. Monatte. Il collabora par la suite fréquemment à La Révolution prolétarienne, traitant principalement de questions culturelles. En 1928, secrétaire adjoint du syndicat de l’enseignement laïque des Alpes-Maritimes, il était responsable de son bulletin Notre Arme.

Lors du congrès de Marseille (août 1929), Giauffret devint, comme représentant de la Ligue syndicaliste (qui avait recueilli 37 des 209 voix), membre du Conseil fédéral. Il fut renouvelé dans cette responsabilité au congrès de Limoges (août 1931). Quand se développa le mouvement pour la « reconstruction de l’unité syndicale », dit « déclaration des 22 », il le soutint et collabora au journal, Le Cri du Peuple.

Comme la plupart de ses camarades de la Ligue syndicaliste, Giauffret rejoignit le Syndicat national et la CGT, tout en se réclamant de la double affiliation et en restant secrétaire départemental du syndicat unitaire. Cette situation porta à son comble le fossé qui existait localement entre les instituteurs communistes, dont V. Barel, et les amis de Giauffret. Aussi, cessa-t-il d’adhérer au syndicat unitaire.

Participant au congrès de l’Union départementale CGT à Nice, le 1er juillet 1934, Giauffret fit adopter à l’unanimité, moins une voix, une résolution sur l’unité syndicale :

« Le Congrès regrette que l’unité organique ait été retardée par des manœuvres de la CGTU, comme par l’étroitesse des initiatives de la CGT (...) »

Élu au conseil d’administration de la Bourse du Travail en janvier 1934, il fut membre de la commission administrative de l’Union départementale CGT, puis CGT réunifiée de 1934 à 1937.

Membre du conseil syndical de la section départementale du Syndicat national, Giauffret en devint le secrétaire général lorsque l’unité fut réalisée à la fin de 1935. En 1937, son ami Felce (voir ce nom) lui succéda jusqu’à sa mobilisation. Il était secrétaire adjoint de la section en 1938, puis, de nouveau, secrétaire général en 1939-1940.

Baptistin Giauffret prit part aux congrès nationaux du Syndicat national des instituteurs en 1934, 1936, 1937 et 1938. Ses interventions dans la presse ou à la tribune des congrès portaient avant tout sur les questions de la guerre. Ainsi au congrès de Lille, en 1936, déclarait-il :

« Je suis persuadé, camarades, que si le Front populaire se met à sa tâche de construction socialiste, la question de la défense de la nation se confondra à ce moment-là avec la question de la défense de la Révolution. Alors je suis sûr que nous l’envisagerons tous, d’un commun accord, sous un autre angle et que nous saurons défendre la Révolution. »

Dans le bulletin syndical, en mai 1938, il écrivait :

« Même si nos gestes de paix doivent être impuissants, ils écarteront de nous les responsabilités du crime que l’on prépare. Nous serons des victimes s’il le faut. Nous nous refusons à être des complices conscients ou inconscients. »

Après la signature des accords de Munich, en réaction contre les analyses du député communiste Barel qui avait critiqué fortement le pacifisme des instituteurs, sous le titre, « la guerre ou la Paix ? », Giauffret répondait dans l’Éclaireur de Nice (12 octobre 1938). Son article se concluait par cette apostrophe : « Ni la guerre, ni la servitude, ni aucune servilité, citoyen Barel ».

Baptistin Giauffret était en relations avec les dirigeants pacifistes qui influençaient le plus les instituteurs. Sur le terrain syndical, ses analyses rejoignaient celles du groupe des amis de Syndicats, notamment sur l’indépendance du syndicalisme. Il avait adhéré au Parti socialiste ouvrier et paysan.

Baptistin Giauffret, qui avait démissionné en 1938, de son grade d’officier de réserve, fut mobilisé de septembre à novembre 1939. Membre du comité de liaison de reconstruction syndicale des Alpes-Maritimes après l’expulsion des communistes, à la fin de 1939, il fut élu secrétaire général de la section départementale de la Fédération générale des fonctionnaires CGT, le 8 décembre 1939 et membre suppléant de la commission administrative de l’Union départementale CGT reconstituée, le 10 décembre 1939. Selon son épouse, « découragé, en proie à de graves problèmes familiaux, il était résolu à s’éloigner de tout militantisme. Il accepta tout de même le secrétariat du syndicat par solidarité avec ses camarades mobilisés ». Il le conserva jusqu’à la dissolution ordonnée par le gouvernement de Vichy. Il fonda et dirigea la section départementale de l’Œuvre fraternelle d’entraide aux instituteurs victimes de la guerre et se fixa, comme tâche, en tant qu’ancien secrétaire du syndicat, de défendre des instituteurs et institutrices menacés de sanctions ou déjà sanctionnés notamment pour leur participation à la grève du 30 novembre 1938. Après la levée des sanctions, en 1942, il se retira.

Après la guerre, la commission départementale, le 23 décembre 1944, où dominaient les enseignants communistes, le condamna à ne pas exercer de fonctions syndicales pendant cinq ans. Il fit appel et la Commission nationale, en mars 1945, leva la sanction départementale.

Simple adhérent du syndicat, Giauffret collabora épisodiquement à La Révolution prolétarienne. Il entreprit une étude historique sur son village natal, publiée en 1984, aux Éditions Serre, à Nice, sous le titre, Roquesteron entre la France et la Savoie (165 pages).

Divorcé, il se remaria à Nice en septembre 1942, avec l’institutrice militante Hélène Cantegril, ils eurent deux enfants. Giauffret prit sa retraite en octobre 1955.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73394, notice GIAUFFRET Baptistin, Marius, François par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 18 août 2009, dernière modification le 28 juillet 2021.

Par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat., F7/12972, 13745, 13749. — Arch. Dép. Alpes-Maritimes : non classé. — Presse locale et syndicale. — Renseignements fournis par l’intéressé, par sa veuve et par M. Brot.

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