DOYEN Albert [DOYEN Théophile, Albert]

Par Nicole Racine

Né le 3 avril 1882 à Vendresse (Ardennes), mort le 22 octobre 1935 à Paris (XVIIIe arr.) ; habitué de« l’Abbaye de Créteil » ; musicien ; fondateur des « Fêtes du Peuple ».

Albert Doyen (1922)
Albert Doyen (1922)
cc Agence Meurisse

Albert Doyen était le fils d’Henri Joseph Doyen, instituteur, et de Félicité Herminie Gobert. Jean Marguerite qui fut l’ami d’Albert Doyen et devint son biographe le connut en 1899 au collège de Châlons-sur-Marne (Meuse) où Albert Doyen achevait ses études classiques. « Déjà possédé du démon de la musique, il composait de volumineuses symphonies que les obligations professionnelles m’obligeaient à lui confisquer. Car il fallait d’abord qu’il fût bachelier : c’était l’ordre paternel. » Élève de Wider pour la composition, il a comme maîtres Alfred Bruneau et Charpentier. C’est à cette époque qu’il rencontra celle qui allait devenir Rachel Doyen.
En 1903, Albert Doyen achevait Les Houles, Cycle symphonique en quatre parties, dont la seconde, une Symphonie Funèbre et Triomphale écrite à la mémoire d’Émile Zola, fut jouée la même année. Il composait des Mélodies (1904), Les Noces de la Terre et du Soleil, une Sonate (1905).
Albert Doyen fut un habitué de l’Abbaye de Créteil où il passait les mois d’été avec sa jeune femme. Il installa à Créteil (Seine, Val-de-Marne) un orgue. D’après Christian Sénéchal, Albert Doyen fut, avec Barzun, le représentant à Créteil du mouvement qui entraîna peu à peu une partie de sa génération vers un art délibérément social avec les autres membres de l’Abbaye : René Arcos, Albert Gleizes et Charles Vildrac.
Albert Doyen donna une de ses œuvres maîtresses, Le Triomphe de la Liberté (sur le Quatorze Juillet de Romain Rolland*), fête populaire dédiée au peuple de Paris, qui fut couronnée par la Ville de Paris en 1913, le Chant de Midi, fête civique pour la commémoration des morts, fruit de sa collaboration avec Georges Chennevière*, achevé en 1918.
Durant la Première Guerre mondiale, Albert Doyen partagea les idées de Romain Rolland* en faveur duquel il donna son témoignage aux Hommes du Jour, le 27 novembre 1915.
Dès avant la guerre, Albert Doyen avait rêvé de concilier la musique et le peuple ; il avait organisé en avril-mai 1914 le programme musical et poétique de fêtes réunies par la Bataille Syndicaliste. Lié après l’expérience de l’Abbaye de Créteil avec Georges Chennevière, ils formèrent ensemble le projet de grandes fêtes populaires. L’idée s’en fortifia lors de la fête commémorative de la mort de Jean Jaurès en 1916, au Trocadéro. L’Association « Les Fêtes du Peuple » naquit en décembre 1918.
Albert Doyen chercha d’abord à reconstituer la chorale de la Bataille Syndicaliste qu’il avait développée avant la guerre. L’occasion de lancer un appel à la constitution d’une chorale populaire s’était présentée en décembre 1918 : la CGT et le Parti socialiste avaient demandé à Albert Doyen d’organiser le programme d’une fête en l’honneur de Woodrow Wilson prévue au Trocadéro. Albert Doyen lança alors un appel à la constitution de la chorale par l’intermédiaire de l’Union des Syndicats du département de la Seine et de la Fédération socialiste de la Seine. Bien que la fête projetée n’eût jamais lieu, la chorale des Fêtes du Peuple se constitua, travailla et devint bientôt connue du public. Le 23 mars 1920, la chorale s’illustra à la Fête commémorative pour l’anniversaire de la Commune, organisée par la 9e section socialiste de la Seine. On reconnaissait la chorale des Fêtes du Peuple dans les manifestations et cérémonies socialistes grâce à sa bannière rouge tissée d’or et de soie. La chorale avait été présente, le 6 avril 1919, lors de l’hommage rendu à Jean Jaurès, en chantant l’Hymne à la Paix, devant le buste de Jean Jaurès, puis le 15 mai 1919 lors du défilé au Mur des Fédérés. La chorale qui s’était fait une place aux fêtes syndicales à Paris (13 avril, 11 mai 1919) voulut organiser une fête propre qui se placerait sous les auspices des seules Fêtes du Peuple, dans un programme purement musical ou poétique. Ainsi eut lieu le 31 mai 1919 la « Commémoration solennelle du centenaire de la naissance de Walt Whitman, poète américain », avec l’aide de Bazalgette. Albert Doyen y avait fait chanter la scène finale des Maîtres Chanteurs, première audition de musique wagnérienne depuis 1914. Après la Fête de la Fraternité donnée au profit de la Caisse des soupes communistes, à l’Union des syndicats de la Seine en juin 1919, les Fêtes du Peuple connurent une apothéose, le 31 juillet 1919, avec la Fête du Souvenir à la mémoire de Jean Jaurès et des morts de 1914-1918 au Trocadéro, à l’initiative du Conseil national et de la Fédération de la Seine du Parti socialiste, et des Amis de Jaurès. En présence de plusieurs milliers de personnes retentirent la marche funèbre du Crépuscule des Dieux, le Prélude en ut mineur et le Cantique de Bach, Rédemption, et le IIIe Choral de Franck, le Finale de la Neuvième de Beethoven, le Chant Triomphal, les pages de Jean Jaurès sur le Charbon et le Blé, l’Hommage d’Anatole France*, de Romain Rolland*, de Walter Hasenclaver, de Stefan Zweig, de Marcel Martinet*, de Georges Pioch*. Le 13 décembre 1919, les Fêtes du Peuple célébrèrent leur premier anniversaire au Trocadéro. Le 24 avril 1920, la Fête de la Joie au Trocadéro, avec l’exécution du chœur final de la Neuvième Symphonie de Beethoven, scella l’accord des interprètes et de leur public.
D’après Georges Duhamel, mettant cela au compte de l’épuration qui commençait à sévir dans les partis, ce serait en 1922 qu’Albert Doyen aurait été expulsé de la Bourse du Travail avec toute la troupe des Fêtes du Peuple.
Albert Doyen mourut brusquement le 22 octobre 1935 à son domicile 53, rue Caulaincourt, XVIIIe arr. Il fut enterré le 24 octobre au cimetière de Pantin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74772, notice DOYEN Albert [DOYEN Théophile, Albert] par Nicole Racine, version mise en ligne le 16 octobre 2009, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Nicole Racine

Albert Doyen (1922)
Albert Doyen (1922)
cc Agence Meurisse

SOURCES : Marguerite Jean, « Les Fêtes du Peuple. L’OEuvre, les Moyens, le But », Paris, Éditions de la Bibliothèque du Travail, 1921, 64 p. Cahiers du travail, 7. (Ce cahier contient également les statuts de l’Association « Les Fêtes du Peuple », ainsi que la liste chronologique des Fêtes données du 23 mars 1919 au 1er mai 1921). — Le Populaire, 23-24-25 octobre 1935. — Duhamel Georges, Thrène pour mon ami Albert Doyen, dit part Blanche-Albane Duhamel au Festival des œuvres d’Albert Doyen, 22 décembre 1935, Paris, Les Fêtes du Peuple, 1936, 24 p. Les Cahiers des Fêtes du Peuple, 3. — Les espoirs et les épreuves 1919-1928, Mercure de France, 1953, 285 p. — Rolland Romain, Journal des années de guerre, Paris, Albin Michel, 1952, 1913 p. — Dumesnil René, Portraits de musiciens français, Paris, Plon, 1938, 284 p.

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