LIMOUSIN Charles, Mathieu

Par Michel Cordillot, mise à jour par Bernard Boller

Né le 24 octobre 1840 à Saint-Étienne (Loire), mort le 8 septembre 1909 à Paris ; margeur ; journaliste ; franc-maçon.

Notons tout d’abord qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer, à l’origine de l’Internationale, ce qui fut l’œuvre respective d’Antoine Limousin et de Charles Limousin. Ce dernier, signataire en février du Manifeste des Soixante — voir Lefort H. — paraît avoir remplacé son père en fin d’année ou au début de 1865, quand s’organisa le premier bureau parisien de l’Internationale — voir Tolain — qui s’installa, 44, rue des Gravilliers, le 8 janvier 1865. En février, il signa une déclaration « ouvriériste » (voir Aubert Jean). Trois secrétaires-correspondants dirigeaient le bureau de Paris : Tolain, Fribourg, et Ch. Limousin qui suppléait son père Antoine Limousin empêché par son mauvais état de santé. Antoine ne sera plus secrétaire-correspondant après le congrès de Genève, premier congrès de l’Internationale, septembre 1866 ; il fut remplacé par Varlin et sa présence dans l’Internationale fut de courte durée.

Ch. Limousin fut gérant de la Tribune ouvrière, publiée par le bureau parisien de l’AIT dont le n° 5, 4 juin-9 juillet 1865, imprimé à Bruxelles, fut saisi, et il fut condamné à un mois de prison. Il assista à la Conférence de Londres, 25-29 septembre 1865, dont il signa avec Fribourg un compte rendu qui fut publié par L’Opinion nationale, 8 octobre, L’Avenir national, 12 octobre, Le Siècle, 14 octobre. Il fut reproduit également dans une brochure sans date (1866), in-16, 4 p., sous le titre Le Congrès ouvrier, publication du bureau parisien de l’AIT qui se proposait d’être périodique, mais fut réduite à ce numéro unique qui contient, outre ce compte rendu, les statuts provisoires de l’association, le programme proposé par le bureau parisien pour le congrès qui devait se tenir à Bruxelles et n’eut pas lieu, etc... Le texte de cette brochure est intégralement reproduit dans La Première Internationale (J. Freymond), t. I, pp. 16-24. Cette même année 1866, le 13 avril, Ch. Limousin écrivait à Émile de Girardin, propriétaire et directeur de La Liberté, pour solliciter de sa protection un emploi de margeur à l’imprimerie de son journal. « Ne pouvant combattre à vos côtés au grand jour, avec les armes de l’esprit, écrivait-il, je souhaiterais de le faire obscurément, par un travail purement manuel, d’être un des servants de la pièce qui lance votre foudre ». Assurant son correspondant de sa considération « très respectueuse », Ch. Limousin signait : « Ex-gérant de la Tribune ouvrière, ex-rédacteur de l’Association [Bulletin international des Sociétés coopératives, mensuel puis hebdomadaire, Paris-Bruxelles, n° 1, novembre 1864-n° 45/46, 12 août 1866], et de La Liberté [Bruxelles, début de parution 1865], rédacteur de La Mutualité [Journal du travail, des sociétés coopératives et de secours mutuel, fondé en novembre 1865] et du Journal de l’Association internationale des Travailleurs de Genève [organe de la section de la Suisse romande, 17 décembre 1865-2 septembre 1866], ouvrier margeur en disponibilité, rue de l’Orillon, 34, Belleville, Paris XIe arr. » (Archives CIRA Fonds A. Dide, Genève.)

Ch. Limousin abandonna l’Internationale au cours de l’année 1866, du moins en tant qu’élément dirigeant, mais continua à s’intéresser au mouvement ouvrier et à suivre de près les questions sociales. C’est ainsi qu’il rendit compte dans Le Siècle des troisième et quatrième congrès de l’Internationale, Bruxelles septembre 1868, Bâle septembre 1869.

Du 6 septembre ou 16 octobre 1870, il fut adjoint au maire du XIVe arr. et demanda par la suite à être entendu par la commission d’enquête sur le gouvernement du 4 septembre (cf. Arch. Nat. C 2876).

Le 9 septembre 1870, il participa, en compagnie du metteur en page, Pierre, Etienne Brun, des compositeurs, Louis Ledrux, Lespinasse et Martin, à la cérémonie d’investiture des officiers élus qui commandèrent le bataillon des typographes. Cette séance fut présidée par l’ancien ateliériste, typographe et prote, Leneveux, également maire du 14e arrondissement.

G. Lefrançais affirme que « dès le lendemain de la proclamation de la Commune », « une foule d’amis... parfaitement inconnus, et d’autres trop connus venaient alors [...] offrir leurs dévouements... moyennant appointements ». Parmi eux, se serait trouvé Ch. Limousin, « transfuge de l’Internationale » et, poursuit Lefrançais, on refusa ses offres « avec le sans-façon que comport[ait] son impudence » (Souvenirs d’un révolutionnaire, pp. 499-500). Charles Limousin est toutefois donné comme collaborateur du Journal officiel de la République française sous la Commune (cf. La Comune di Parigi, G. Del Bo, op. cit.), mais peut-être cette collaboration fut-elle éphémère. Membre dirigeant, avec Jules Amigues, de l’Union nationale des Chambres syndicales, groupant plusieurs milliers d’industriels et de commerçants, Ch. Limousin tenta sans succès un rôle de conciliation vers la fin de la guerre entre Paris et Versailles.

En 1873, Ch. Limousin était secrétaire de la Société d’études et de propagande pour le développement des Associations coopératives. Il tenait également la rubrique « Le mouvement social » dans La Gironde, quotidien publié à Bordeaux (cf. Arch. Dép. Gironde, série M, Police générale, lettre du commissaire central de Bordeaux au préfet de la Gironde, 6 avril 1875). Il était alors domicilié, 112, avenue d’Orléans à « Paris-Montrouge ». De 1872 à 1879, il rédigea le Bulletin du Mouvement social qui prit le nom de Revue du Mouvement social de 1880 à 1887 : il y publiait des annonces concernant les activités coopératives et syndicales.
Le 28 février 1874, Charles Limousin annonça dans le Bulletin du Mouvement sociale, la conclusion d’un accord entre les Chambres syndicales patronales et ouvrières, comportant pour la première fois l’institution d’une commission mixte chargée de résoudre à l’amiable les conflits du travail.
En 1876, il reçut mission du gouvernement de se rendre à l’Exposition de Philadelphie pour y étudier les problèmes de la coopération. Ces questions retinrent toujours son attention et il publia un compte rendu du congrès des coopératives anglaises auquel il avait assisté (29-31 mai 1880). En 1898, il collaborait au Stéphanois et à L’Union coopérative. Dans La Coopération des Idées que dirigeait G. Deherme, il écrivit en 1900 une lettre signée Ch-M.L... franc-maçon, membre de la Société de Statistique de Paris, de la Société de Sociologie de Paris, associé de l’Institut International de Sociologie. Il collabora aussi à la Revue d’Économie politique. Les besoins de sa nombreuse famille autant que ses préoccupations économiques et sociales l’incitèrent à collaborer à de nombreux journaux, et les notices nécrologiques publiées dans L’Acacia énumèrent : La Cloche, La France dont il fut plusieurs années rédacteur en chef, Le Temps, Le Journal des Débats, le Journal de Statistique, L’Épicerie française dont il fut rédacteur en chef.

C’est en 1903 qu’il fonda L’Acacia, revue d’études et d’action maçonniques, sociales et philosophiques, qu’il dirigea jusqu’à sa mort. Charles Limousin avait reçu « la lum... » le 4 juin 1869 à la Loge n° 133 (Saint-Vincent-de-Paul devenue plus tard La Justice). Il parvint au 31e grade du Rite écossais, puis se tourna finalement vers le Grand-Orient qui lui conféra le grade de 33e. Son fils aîné, Henri, né le 17 mars 1868, entra en 1892 à la Loge Le Libre Examen (Rite écossais) ; en 1905, il appartenait au Suprême Conseil.

Charles Limousin fut incinéré au Père-Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75960, notice LIMOUSIN Charles, Mathieu par Michel Cordillot, mise à jour par Bernard Boller, version mise en ligne le 18 janvier 2010, dernière modification le 6 juin 2020.

Par Michel Cordillot, mise à jour par Bernard Boller

ŒUVRE : Plusieurs dizaines de brochures de quelques pages sont constituées par des études que Ch. Limousin publia dans la Bulletin du Mouvement social (Bibl. Nat. 4° Lc 2/3912) devenu la Revue du Mouvement social (Bibl. Nat. 8° R 4077), puis Revue du mouvement social et économique, L’Acacia, (revue d’études maçonniques), Le Journal de la Société de statistique de Paris, le Journal des Économistes, la Nouvelle Revue, le Bulletin des Sommaires... La plupart de ces brochures traitent de la franc-maçonnerie, du judaïsme, d’économie, de linguistique.
En 1884, Limousin fit paraître la Populaire qui eut dix numéros (Gr. Fol. Lc. 2/4329).
Parmi ses œuvres figurant au catalogue de la Bibliothèque nationale, nous retiendrons :
Manuel des réunions publiques, 1869, in-32, 128 p., 8° Lb 56/2221 (en collaboration avec A. Rousselle). — Proclamation du maire provisoire du XIVe arr., invitant ses administrés à concentrer leurs pensées sur la défense de Paris et à inaugurer la République des États-Unis d’Europe (signé H. Leneveux, E. Ducoudray, Ch. Limousin, A. Deberlé), in-fol. plano Fol. Lb 57/273. — Le septième congrès de l’Internationale, 1874, in 8°, 16 p., G 31638. — Les Progrès du communisme d’État, 1891, in-8°, 16 p. Lb 57/12524 — Pourquoi je ne me dirai plus socialiste, mais socionomiste, 1897, 16 p. 8° R Pièce 7300.

SOURCES : celles données dans la biographie. Il convient d’y ajouter les notes nécrologiques parues dans L’Acacia, revue maçonnique, sept-oct. et nov-déc. 1909. — Paul Chauvet, Les Ouvriers du livre en France, de 1789 à la constitution de la Fédération du Livre, Marcel Rivière, 1964, p. 314 et 411.

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