Maitron patrimonial (2006-2024)
Né le 20 mai 1960 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; cheminot, agent de train ; syndicaliste CGT, secrétaire (1993-2000) puis secrétaire général du secteur CGT de Marseille (1996-2000), membre de la commission exécutive de la Fédération CGT des Cheminots (1996-2013), administrateur salarié de la SNCF (2000-2013) ; militant communiste, membre du comité exécutif de la fédération PCF des Bouches-du-Rhône.
Henri Bascunana était le fils de Rodrigue Bascuñana, originaire de Vera (Espagne), qui travaillait comme pointeur manutentionnaire dans l’établissement Calberson du quartier de la Joliette à Marseille (Bouches-du-Rhône), et de Suzanne Capoduro, femme de ménage. Non militants, ses parents étaient des électeurs de gauche. La famille comptait deux fils dont Henri était le cadet. Son frère ainé travailla aux PTT et milita à la CFDT, ce qui entraina quelques discussions mouvementées entre les deux frères.
Henri Bascunana effectua sa scolarité à Marseille. En 1975, il obtint son BEPC au lycée Victor Hugo puis, il intégra le lycée du Rempart pour y préparer un baccalauréat d’électrotechnicien. Il n’obtint pas l’examen mais, au terme de sa scolarité, en 1979, il fut embauché à la CGEE-Alsthom. L’année suivante, il accomplit son service national. À son retour, il demeura sans emploi pendant un an, pratiquant son passe-temps favori : la pétanque. Au hasard, des parties de boules, il se lia d’amitié avec Michel Frutuoso, contrôleur de train, qui l’incita à postuler à la SNCF.
Sur l’impulsion du gouvernement de la gauche et de Charles Fiterman, ministre communiste des Transports, l’entreprise embauchait alors de nombreux jeunes actifs. En février 1982, Henri entra à la SNCF en qualité d’agent d’Exploitation bureau à l’Établissement commercial train (ECT) de Marseille. Son premier travail consista à faire et défaire les couchettes dans les trains de nuit. Par la suite, il devint agent de train voyageur. Après un examen interne passé à Lyon il devint contrôleur de route à l’ECT de Marseille. En 1993, il fut placé en service libre au titre de ses responsabilités syndicales. Il demeura permanent jusqu’en 2015, année de son départ en retraite.
Au moment de son entrée à la SNCF, Henri Bascunana n’avait aucune culture syndicale. Néanmoins, il estima qu’il était important de se syndiquer. Il choisit la CGT en raison de son influence auprès des cheminots. « Quand tu entrais à l’ECT de Marseille tu voyais d’abord les militants de la CGT et ensuite la direction de la SNCF » expliqua-t-il lors de notre entretien. Au départ, il se considéra comme un simple « assuré » du syndicat.
Le déclic favorisant son investissement militant eut lieu à l’occasion de la grève de 1986 où il répondit à la demande de la CGT afin d’aider à l’occupation des locaux de la Pergola (nom du siège de l’ECT de Marseille) et réaliser les tours de garde nécessaires à l’occupation. Dans le cadre de ce mouvement, il se rapprocha des responsables de la section syndicale et en particulier de Marcel Almero. Après le conflit, on lui proposa de prendre des responsabilités syndicales. D’abord comme membre de la section syndicale de Marseille, puis en tant que secrétaire du Comité technique de secteur des agents de train et ensuite comme membre du Collectif technique national des agents de train (CTN Train) de la Fédération CGT des Cheminots. À la même période, il fut également élu délégué du personnel. Il milita avec des camarades expérimentés : Marcel Almero, Yvon Puech et Marc Fartouck de Marseille, Claude Mercieka et Noël Albin de Nice, Jean Bertin d’Avignon, , Guy Bonnot pour le CTN.
En 1993, il fut sollicité par Jean-Marc Coppola, alors secrétaire général du secteur CGT des cheminots de Marseille, pour intégrer le secrétariat du secteur avec la responsabilité de l’Activité revendicative. Là-aussi, il fut très bien entouré dans ses prises de responsabilités. Outre Jean-Marc Coppola, il bénéficia des conseils « des dinosaures du secteur » tels Pierre Vallorani, Jacques Luchetti des ateliers de Marseille Prado mais aussi de Lucienne Gay, jeune dans sa responsabilité au Bureau régional UFCM- CGT mais militante expérimentée de l’activité syndicale interprofessionnelle. Des camarades rigoureux et exigeants mais toujours à l’écoute.
Pour lui, cette période fut fortement marquée par la grève de l’hiver 1995. Cette action, il la définit en trois phases. D’abord, une orientation avec des syndiqués auteurs, acteurs et décideurs ; ensuite, une organisation qui réunit les syndiqués afin qu’ils définissent une position de la CGT, position soutenue en AG qui était l’instance qui décidait en dernier ressort et cela dans chaque établissement ; enfin, des revendications claires : les retraites bien sûr mais aussi la lutte contre la suppression de 6000 kilomètres de ligne et de nombreux emplois.
Lors d’un entretien en 2023, il se rappela avec émotion deux moments de cette période. Le premier fut sa participation aux AG en dehors de la SNCF et, en particulier, une AG d’enseignants où il dut présenter la situation chez les cheminots et l’intérêt qu’il y avait à ce que l’action se développe dans d’autres entreprises. Au gré des questions et des débats contradictoires, l’ambiance était loin de celles des AG de cheminots mais quel plaisir de voir les mêmes professeurs, le lendemain, à la manif avec leur banderole. Le second souvenir fut celui du jour où Jean-Marc Coppola l’avertit qu’il fallait réunir les secrétaires de syndicat pour leur présenter le courrier du ministère des Transports à la Fédération CGT actant la réussite du mouvement, victoire qui induisait la reprise du travail. Pour sa part, Henri Bascunana était à cent lieues d’une reprise et il refusa de soutenir cette décision. Ce fut la raison pour laquelle, lors de cette rencontre, il ne se tint pas à côté de Jean-Marc Coppola mais en face de lui pour lui signifier son opposition à cette décision. « Une véritable trahison envers Jean-Marc, et c’est toujours un mauvais souvenir pour moi, heureusement les secrétaires de syndicat ont eu une meilleure analyse que moi et surtout Jean-Marc ne m’en a pas tenu rigueur ».
Henri Bascunana conserva la responsabilité de l’activité revendicative jusqu’en 1996, puis il devint secrétaire général du secteur CGT de Marseille. Il demeura à cette fonction de 1996 à 2000 tout en étant représentant syndical au Comité d’établissement Régional PACA et administrateur du CA de la Caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF. En 1996, il intégra également la Commission exécutive fédérale dont il fut membre jusqu’en 2013.
Ces quatre années à la tête du secteur CGT des cheminots de PACA marquèrent une nouvelle étape dans la vie militante d’Henri Bascunana. Il y retrouva Marcel Almero, secrétaire du CER, et s’entoura de militants aguerris tels Georges Malet et Geneviève Motte, Yves Cudennec, Alain Prouvenq et José Grammatico. Il travailla également avec Vincente Fabre (dit Tounette) la secrétaire administrative du secteur : « Tounette, pour l’embêter, je lui disais qu’elle était ma secrétaire générale adjointe mais c’était avant tout ma confidente dans les moments difficiles professionnels et personnels ».
Au plan régional, cette période fut marquée par plusieurs actions revendicatives. En 1998, il y eut la mobilisation des agents de conduite (ADC) et des contrôleurs de train au sujet de l’emploi et des roulements. Des actions très suivies et gagnantes qui valurent un échange musclé avec Louis Gallois alors président de la SNCF sur la qualité du service public ferroviaire en PACA. Les jours suivants, le directeur régional acta la création de vingt emplois supplémentaires d’agents de conduite et près de cinquante postes de contrôleurs.
À la suite de ces mobilisations, il fallut également lutter pour éviter les sanctions prises contre les cheminots agents de conduite mobilisés qui durent subir l’intimidation de la direction. Pas moins de 4 révocations furent annoncées par la direction. Des actions locales importantes et l’appui de la Fédération permirent de faire reculer la direction. Une victoire amère car les camarades incriminés restèrent lourdement sanctionnés.
Le sujet des 35h fut aussi un enjeu d’important débat. Le secteur était divisé sur l’accord 35h et la tension importante. Ce ne fut qu’après une discussion avec Christiane Bedon, alors secrétaire fédérale, qu’Henri se rangea définitivement derrière la position fédérale et arriva avec son secrétariat à convaincre le comité général de secteur de Marseille en faveur de l’accord.
En 2000, Henri fut sollicité par la direction de la Fédération CGT des Cheminots afin d’être élu au Conseil d’administration de la SNCF (CA SNCF). Une expérience nouvelle, d’abord difficile car le militantisme au CA n’était pas le militantisme sur le terrain, en lien direct avec les cheminots. Pour autant, il s’adapta à cette nouvelle action. D’abord, grâce à l’aide des militants qui l’entouraient, parmi lesquels Didier Le Reste, secrétaire général de la Fédération, Jean-Michel Sgorlon, secrétaire général adjoint, Sylvain Brière secrétaire du Comité central d’Entreprise et surtout son camarade Thierry Roy, administrateur lui aussi. « Notre surnom à la fédération c’était Plic et Ploc, les camarades s’en amusaient mais avec une certaine déférence pour notre travail et je pense que notre duo était respecté, aussi, parmi les autres administrateurs et la Direction SNCF » disait-il avec une certaine fierté. Au sein du CA, il porta la voix des cheminotes et des cheminots.
Après treize années de mandat ans dans cette instance, il poursuivit son engagement en acceptant d’être le conseiller de Gilbert Garrel alors secrétaire général de la Fédération CGT des Cheminots. Outre ses conseils, on lui demanda de créer des relations constructives et durables avec les vice-présidents Transports des différentes régions et les parlementaires communistes. C’est ce qu’il fit en développant avec eux le collectif de travail « Sénat, CGT, Assemblée Nationale » (SCRAN), créé quelques années auparavant. Il occupa ces fonctions jusqu’en 2015, année de son départ en retraite.
Pendant son militantisme, Henri se forma à toutes les étapes de sa vie militante : formation générale, stage de base puis 1er, 2eme niveau et branche, ainsi qu’une formation de l’Union Interprofessionnelle des Transports pour son mandat au conseil d’administration. Il participa à tous les congrès fédéraux de 1993 à 2013 mais à aucun congrès confédéral. « Ma vie militante fut uniquement avec les cheminots et la Fédération CGT des cheminots. Je n’ai jamais rien voulu faire dans l’action interprofessionnelle, ce fut peut-être une erreur mais je l’assume » expliquait-il.
Sur le plan politique, Henri milita au Parti communiste français à compter de 1994. Au moment de son entrée au secteur de Marseille il comprit l’intérêt de l’action politique. Adhérent, il n’occupa pas de responsabilités particulières compte-tenu des difficultés à conjuguer vie syndicale et politique. Pendant ses premières années de retraite, il s’investit plus amplement dans l’action politique en redynamisant la section d’entreprise PCF des cheminots de Marseille puis en intégrant le comité exécutif de la fédération PCF des Bouches du Rhône.
Henri épousa, en premières noces, Corinne Alonso dont il eut trois enfants. En secondes noces, en 2013, Henri se maria avec Isabelle Pasquet, cheminote, syndicaliste CGT et sénatrice PCF.
Maitron patrimonial (2006-2024)
SOURCES : Arch. IHS-CGT des Cheminots. — La Tribune des cheminots. — Notes de Bernard Régaudiat. — Renseignements fournis par l’intéressé, septembre 2023.