BERNSTEIN Michel

Par Michel Cordillot

Maitron patrimonial (2006-2024)

Né le 13 janvier 1906 à Lyon 4e arr. (Rhône), mort le 15 août 2003 à Villefargeau (Yonne) ; libraire ; militant socialiste ; résistant.

Le père de Michel Bernstein, Léon Bernstein, originaire de Vilnius (Lituanie), fut en 1897 le plus jeune délégué au congrès du Bund. Après plusieurs condamnations, il fut forcé de quitter la Russie et trouva refuge en Suisse, puis en France. Il s’installa à Lyon, où il gagna sa vie comme imprimeur et journaliste. Tout en écrivant des articles pour la presse russe d’opposition, il fut chargé de chroniquer les événements russes pour le Progrès de Lyon, qui était alors un quotidien d’audience nationale.

Lorsque la Révolution de 1917 éclata, la famille de Michel Bernstein était installée à Paris, où elle entretenait des contacts quotidiens avec les milieux russes exilés et avec les journalistes socialistes français. Si Léon Bernstein était favorable à la poursuite de la guerre (au nom de la défense de la patrie de la Révolution française contre la barbarie allemande), nombre de ses amis prirent le parti de Lénine et des révolutionnaires victorieux.

Baignant dans cette ambiance d’exaltation et de discussion, Michel Bernstein, qui poursuivait alors ses études au lycée Louis-le-Grand, puis à l’école des Langues orientales, se politisa rapidement. Suite à la fondation de l’Institut Marx-Engels à Moscou en 1922, Léon Bernstein fut chargé par David Riazanov – en dépit de leurs désaccords politiques – de servir de correspondant en France pour les achats de livres et d’archives. Ce fut en secondant son père que Michel Bernstein se familiarisa avec la librairie ancienne et acquit sa première collection importante de brochures de la Révolution française.

De 1925 à 1932, Michel Bernstein travailla à la Délégation commerciale soviétique en France, où on lui confia des responsabilités importantes. Sentant venir la montée du stalinisme, il préféra démissionner et mettre à profit ses connaissances commerciales pour s’installer à son compte. En quelques années, il devint un très important libraire d’ancien spécialisé dans l’histoire économique et sociale, la Révolution française et le mouvement ouvrier.

Militant de la VIe section du Parti socialiste en 1938, il fut chargé par André Weil-Curiel* de défendre la Gauche révolutionnaire lors d’une assemblée générale de la section qui, en présence de 250 personnes, étudiait les sanctions prises par la direction nationale contre la majorité de la Fédération de Paris. Il rejoignit le PSOP après le congrès de Royan, et le quitta avec André Weil-Curiel pour manifester son désaccord avec le maintien d’une ligne pacifiste après l’Anschluss et Münich.

Appelé sous les drapeaux, il fut démobilisé à Royan et regagna Paris en septembre 1940. Alerté par un raid de la Gestapo dans l’appartement occupé par son père, Michel Bernstein, qui avait pris contact dès février 1942 avec Philippe Viannay décida de se cloîtrer dans l’appartement de son épouse Monique Rollin (il y resta 800 jours sans sortir une seule fois) pour y mettre sur pied l’atelier des faux papiers de Défense de la France. Il fabriqua ainsi près de 12000 faux tampons, d’innombrables papiers d’identité, et même de faux timbres postes qui permirent leur acheminement. Il rédigea également à l’usage des résistants un Manuel du faussaire Peu avant la libération, à la demande de Défense de la France, Michel Bernstein et Monique Rollin rejoignirent les maquis de Seine-et-Oise nord. Son action de résistant lui valut d’être décoré de la Légion d’honneur et de la médaille militaire.

Après la libération, Michel Bernstein travailla durant quelques mois à la direction de France-soir aux côtés de Philippe Viannay, avant d’être le gérant et co-directeur de l’hebdomadaire Noir et Blanc de février 1945 à fin mars 1947.

Las des querelles intestines, il reprit ensuite son métier de libraire, qu’il exerça jusqu’en 1967, date à laquelle il se retira dans l’Yonne. Lecteur boulimique, découvreur passionné de textes dont il savait mettre en évidence les apports et l’importance, il compta parmi ses visiteurs assidus des historiens et des économistes venus du monde entier tels John M. Keynes, Giuseppe Del Bo, Piero Sraffa, Earl J. Hamilton. Il fournit aux Instituts Feltrinelli et Basso en Italie d’importantes collections en rapport avec l’histoire sociale.

En 1966, Michel Bernstein fut avec Léon Centner le co-fondateur des édition Edhis, spécialisées dans le reprint de textes rares, bien connues de tous les historiens.

Sa fille Michèle Bernstein, mariée à Guy Debord, a joué un rôle important au sein de l’Internationale situationniste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/bernstein-michel/, notice BERNSTEIN Michel par Michel Cordillot, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 20 octobre 2008.

Maitron patrimonial (2006-2024)

Par Michel Cordillot

ŒUVRE : « L’Atelier des Faux », in Épreuves dans l’ombre, Paris, Groupe parisien de l’imprimerie clandestine, 1946, p. 89-106 ; Fragments et notules sans grande importance (1944-1945), Impr. moderne Auxerroise, 1995 (brochure de 45 p. tirée à 40 ex. destinés aux anciens de Défense de la France).

SOURCES : Trois pages manuscrites de Michel Bernstein sur le PSOP après la lecture du livre de Jacques Kergoat sur Marceau Pivert. — Olivier Wieviorka, Thèse sur le mouvement Défense de la France, Université Paris I. — Notices nécrologiques rédigées par Michel Cordillot, in Libération, 1er septembre 2003 et Bulletin de liaison n° 24 de l’Association des amis de la Bibliothèque municipale d’Auxerre (janvier 2004).

L’ Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam a reçu de Michel Bernstein des matériaux de l’époque de la Révolution Française, sur le Saint-Simonisme et Cabet, la Révolution de 1848, la Commune, ainsi que la Tribune des Femmes 1832-4, L’Écho de la Fabrique(1831-1834). Léon a aussi collaboré avec l’IIHS.

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