BOGHAERT-VACHÉ Arthur. Pseudonyme : DUVERGER Arthur.

Par Jean Puissant

Maitron patrimonial (2006-2024)

Péruwelz (pr. Hainaut, arr. Tournai), 28 juillet 1854 – Bruxelles, (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 1940. Militant socialiste, journaliste et publiciste.

La première apparition d’Arthur Duverger, qualifié de rentier dans une note de police du 22 mars 1880, remonte à un meeting du Parti socialiste brabançon le 18 février 1878. Là, il prend le contre-pied de Désiré Brismée, en affirmant qu’en 1848, « c’est le peuple qui a maintenu Léopold 1er, qui voulait se retirer sur le trône. » (sic !)

Arthur Duverger est le cofondateur, avec Boisson, du Cercle démocratique en 1879. La police qualifie cette organisation de cercle d’étudiants et signale : « Cette société d’étudiants se compose plutôt de bourgeois que de socialistes ». L’Indicateur y souligne son rôle mais écrit qu’Hector Denis « écrirait des conférences pour Duverger qui les transmet comme étant son travail » (note du 29 août 1879). Il y aurait à ce moment 108 membres.

Dans ses Souvenirs d’un meneur socialiste (vol. 1, p. 182), Louis Bertrand explique ainsi la création du Cercle : « Des jeunes gens de la bourgeoisie, étudiants, employés, vinrent se ranger autour de nous. Mais les ouvriers se méfiaient un peu de ces bourgeois… Pour ne pas se priver d’un concours qui pouvait nous devenir utiles, à quelques-uns, nous eûmes l’idée de fonder un Cercle démocratique. Son local se trouvait rue des Brasseurs ». Selon lui, le Cercle est fréquenté par L. Morichar, H. Bertiaux, R. Serrure, étudiants, Arthur Duverger, P. Dubois, J. Boisson, employés d’administration, H. Barette, E. Berr, futur journaliste à Paris comme Dubois, Guillaume Bartholoméus, etc.

Anarchistes et socialistes révolutionnaires tentent de rejoindre le Cercle démocratique pour en prendre le contrôle face aux sociaux-démocrates conduits par Louis Bertrand. Arthur Duverger s’inscrit pleinement dans cette dernière mouvance. Le 13 août 1879, se tient un premier meeting public du Cercle démocratique, présidé par Duverger. Louis Bertrand s’y oppose à l’admission d’anarchistes comme Charles Debuyger

En décembre, Arthur Duverger signe le manifeste du Parti socialiste belge, Au peuple belge, ouvrant la lutte en faveur du suffrage universel, avec les principaux dirigeants de ce courant : Edouard Anseele, Louis Bertrand, Philippe Coenen*, César De Paepe*, Edmond Van Beveren*. Il participe au Congrès du 1er février 1880, à Bruxelles, qui lance ce mouvement. Il siège au Comité central chargé de préparer la campagne de propagande, une pétition et, le cas échéant, la manifestation nationale durant la célébration du cinquantenaire du pays. Il participe à divers meetings à Bruxelles et en province.

Arthur Duverger appartient donc au cercle restreint des principaux militants de cette époque. Il est un des principaux rédacteurs de La Voix de l’ouvrier. Il est d’ailleurs dénoncé par ses adversaires, lors d’un meeting à Pâturages (aujourd’hui commune de Colfontaine, pr. Hainaut, arr. Mons), comme étant « le colporteur de La Voix… ». Il habite rue Linné. Comme le dit une note de police, « Il a quitté la vie bourgeoise pour se faire socialiste et combattre pour le droit », non sans arrière-pensée de carrière, ajoute le policier le 18 septembre 1879. Certains disent qu’il est réactionnaire, tandis qu’il réaffirme que « la réforme peut s’accomplir sans violence ». « Nous devons donc avant tout instruire l’ouvrier et lui inculquer les sciences sociales. Quand le peuple sera suffisamment éclairé et qu’il saura comment il faut remplacer les gouvernements renversés, la révolution s’accomplira plus aisément. » « Considérant que le suffrage universel (SU) étant, pour le moment, le meilleur moyen d’arriver à la révolution sociale, il y a lieu d’abolir le suffrage restreint… » « Si le SU n’est pas accordé, nous créerons un parlement du travail et, à côté des bureaux établis par la loi, nous en établirons, par la volonté du peuple, où nous irons voter en masse ».

Arthur Duverger s’oppose donc vivement aux « anarchistes et révolutionnaires » qui, inversement, le prennent pour tête de turc. Avec Désiré Brismée, il se dit hostile aux grèves ou révolutions partielles qui n’aboutissent à rien. Il représente deux sections du Borinage (pr. Hainaut) au Congrès socialiste de juillet 1880. Il participe à la manifestation du 15 août en faveur du SU à Bruxelles et dénonce les interventions policières, injustifiées, lors d’un meeting de protestation. Pourtant, le 22 avril, il est fait état de sa lettre de démission du Cercle démocratique : « des motifs sérieux le forcent de quitter momentanément la vie politique. Néanmoins, il aidera de ses conseils le cercle qu’il a eu l’honneur de former. » Le 1er mai, une note de police explique ce retrait car il s’est aperçu « que plusieurs socialistes sont au courant de ses démêlés antérieurs – condamnation pour fraude et faux en écriture – avec la justice. »

Membre des Solidaires, Arthur Duverger participe à l’organisation du Congrès rationaliste du 28 mars 1880 et du Congrès international du mois d’août, auxquels il assiste. Le 28 mars, il propose de rejeter « les révolutionnaires » du mouvement rationaliste. La manifestation du 15 août 1880, qui réunit quelques milliers d’ouvriers autour de la revendication du SU, est une réussite sociale mais un échec politique. Elle passe inaperçue au moment où le pays célèbre avec faste le cinquantième anniversaire de son indépendance. « Les évolutionnistes » qui y avaient jeté toutes leurs forces sont bousculés par « les révolutionnaires » à Bruxelles, dans le Borinage. La Voix de l’ouvrier finit par disparaître en septembre 1881.

Le 2 août 1882, la vie de Arthur Duverger bascule. César De Paepe, qui le considère comme un ami intime, le blesse d’un coup de feu, heureusement légèrement pour les deux protagonistes, au boulevard Anspach à Bruxelles. Duverger avait séduit la maisonnée féminine de son mentor en politique, la jeune épouse, la fille aînée et même la servante, si l’on en croit les débats de la Cour d’assises. Les défenseurs de César De Paepe, Paul Janson et Eugène Robert, obtiennent son acquittement, notamment en raison de la légèreté des mœurs du jeune publiciste, désormais rejeté du milieu socialiste.

Arthur Duverger poursuit ensuite une carrière de journaliste et de publiciste prolixe et d’historien sous son véritable nom et sous de nombreux pseudonymes : A. Beduwez, Robert Harthaug, A.B.V., A du V, AD, B, Pascal, Pasquin, Hoplite, Marforio.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/boghaert-vache-arthur-pseudonyme-duverger-arthur/, notice BOGHAERT-VACHÉ Arthur. Pseudonyme : DUVERGER Arthur. par Jean Puissant, version mise en ligne le 7 septembre 2012, dernière modification le 17 juin 2024.

Maitron patrimonial (2006-2024)

Par Jean Puissant

ŒUVRE : L’inquisition en Belgique, quelques notes, Verviers, 1879 – Le parti socialiste belge, son histoire, son programme, Lyon, 1880 (extrait de La Revue socialiste) – Le Suffrage universel, Bruxelles, 1880 (extrait de La Voix de l’ouvrier) – A.D., Quelques mots sur l’idée d’une législation internationale du travail proposée par monsieur le Dr De Paepe, Bruxelles, 1880 (extrait de La Voix de l’ouvrier) – B, La législation du travail en Belgique et le principe d’une législation internationale du travail, Bruxelles, 1887 – Aux examens électoraux. Guide du candidat électeur et spécialement des capacitaires de droit menacés de radiation, Bruxelles, 1889 – A.B.V., L’examen électoral. Législation, Organisation des examens, formalités imposées aux récipiendaires. Questionnaire officiel imposé pour la période 1889-1893, avec les réponses, Bruxelles, 1889, 5e édition en 1891.

SOURCES : BERTRAND L., Souvenirs d’un meneur socialiste, 2 vol., Bruxelles, 1927 – DE LE COURT J.V., Bibliographie nationale. Dictionnaire des anonymes et pseudonymes (XVe siècle-1900), Bruxelles, 1960 – WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de Ie Internationale (1866-1880), deel III, Leuven-Paris, 1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60) – PEIREN L., César De Paepe, de l’utopie à la réalité, Gand, 1990.