BONENFANT Alphonse, Joseph.

Par Jean-Pierre Ducastelle

Maitron patrimonial (2006-2024)

Ath (pr. Hainaut, arr. Ath), 3 août 1908 – Maffle (aujourd’hui commune d’Ath), 31 mars 1983. Ouvrier carrier puis journaliste, militant à la Jeune garde socialiste, militant syndical, militant communiste, résistant, conseiller communal communiste de Maffle, député communiste de l’arrondissement de Tournai-Ath.

Fils de Jean-Joseph Bonenfant, ouvrier chaisier, et de Gabrielle Soyez, ouvrière de fabrique, Alphonse Bonenfant fait des études primaires à l’école communale de Maffle jusqu’à l’âge de quatorze ans. Il suit les cours du soir à l’école industrielle (coupe des pierres) puis à l’Académie de dessin d’Ath (ornement et modelage) jusqu’à l’âge de vingt-et-un ans. Ayant appris, dès quatorze ans, le métier de tailleur de pierre à la carrière du Clypot à Neufvilles (aujourd’hui commune de Soignies, pr. Hainaut, arr. Soignies), il exerce cette profession à Comines, Valenciennes, Tourcoing (département du Nord, France), Bruxelles et Maffle de 1922 à 1936.

Dès l’âge de quatorze ans, Alphonse Bonenfant fait partie du Syndicat des carriers de Maffle, affilié au Parti ouvrier belge (POB), et participe aux activités des groupes socialistes du village. Il milite à la Jeune garde socialiste et il fait partie de la fanfare ouvrière, L’Avenir, créée à la maison du peuple de Maffle.

En août 1927, à l’âge de dix-neuf ans, Alphonse Bonenfant adhère au Parti communiste de Belgique (PCB). Il continue cependant à militer au syndicat des carriers et écrit encore des articles dans le journal socialiste, L’Égalité, en janvier 1928. Il est exclu du syndicat avec dix de ses amis en 1929, malgré l’opposition de la section locale. La même année, il devient trésorier fédéral du PCB puis secrétaire fédéral, fonction qu’il Il occupera jusqu’en 1940, puis de 1945 à 1955. Il est entré au Comité central du parti en 1935 à la Conférence de Charleroi. Il en reste membre jusqu’en 1971. À partir de 1948, il est membre de la Commission de contrôle politique dont il assure la présidence à partir de 1960.

Alphonse Bonenfant se fait remarquer à partir de 1928 en éditant un petit journal mensuel, Le Réveil des carriers. En même temps, il est correspondant occasionnel du Drapeau rouge. Ces activités et son efficacité militante lors des grèves de 1932 et de 1936 attirent l’attention de Joseph Jacquemotte. Lorsque ce dernier fonde La Voix du peuple en 1936, il propose au jeune militant d’entrer dans l’équipe de rédaction en octobre. Bonenfant est chargé de rendre compte de ce qui se passe sur le front du travail. En 1938, il est envoyé aux cours des correspondants ouvriers organisés à Paris par le Parti communiste français. L’année suivante, il assure l’édition de la revue, Le Monde, qui remplace l’hebdomadaire de l’Internationale communiste, La correspondance internationale, interdite par la censure française. La police de ce pays lance en Belgique un mandat d’arrêt contre lui. Il est emprisonné en Belgique pendant un mois à la prison de Forest (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale). Son activité journalistique et son militantisme lui valent de subir de nombreuses perquisitions policières à son domicile privé.

Après le 10 mai 1940, Alphonse Bonenfant est arrêté puis relâché après le bombardement de la prison de Mons (pr. Hainaut, arr. Mons). Réfugié en France pour échapper à une nouvelle arrestation, il va jusqu’à Abbeville (département de la Somme) mais est de retour à Maffle le 23 mai 1940. Au début de l’année, refusant, pour des raisons familiales, d’entrer dans l’illégalité en même temps que les autres militants engagés à la tête du PCB, il est exclu quelque temps du Comité central. À la fin de 1940, il reconstitue les sections du parti dans la région de Tournai-Ath. En février 1941, il fonde le journal fédéral, La Vérité.

En juin 1941, Alphonse Bonenfant entre dans la clandestinité. Son action se poursuit d’abord dans les arrondissements d’Ath et de Tournai. Au service des Partisans armés, il est officier supérieur, adjoint au commandant de corps du Tournaisis, à partir de juin 1941. En avril 1942, ses responsabilités sont transférées à la Fédération de Namur (pr. et arr. Namur) et à tout le secteur sud du pays à partir d’août 1943. Il prépare des pastilles incendiaires avec la collaboration d’un chimiste. Pour échapper aux recherches de la Gestapo, Bonenfant poursuit son action clandestine dans la Basse-Sambre. Il organise la suppression du rexiste Hublet de Tamines (aujourd’hui commune de Sambreville, pr. et arr. Namur) qui avait dénoncé le résistant communiste, Henri Glineur*. Il établit un dépôt d’armes dans un caveau du cimetière du Roux. Il prépare le sabotage du charbonnage Sainte-Marie à Lambusart (aujourd’hui commune de Fleurus, pr. Hainaut, arr. Charleroi) .

Alphonse Bonenfant est arrêté à Namur en décembre 1943. Il est emprisonné à Charleroi (pr. Hainaut, arr. Charleroi) et interrogé au local de la Gestapo à l’avenue Louise à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) avant de se retrouver au camp de Breendonk (commune de Willebroek, pr. Anvers-Antwerpen, arr. Malines-Mechelen) où il est enfermé jusqu’au 6 mai 1944. Malgré les mauvais traitements et la torture (pendaison par les bras les mains derrière le dos, position debout dans sa cellule pendant cinq mois), Bonenfant ne communique aucun renseignement à la Gestapo. Déporté au camp de concentration de Buchenwald (Thuringe) en Allemagne, il prend part à l’activité du parti communiste au sein du camp et devient responsable de plusieurs « blocks ».

À son retour de déportation, Alphonse Bonenfant reprend ses activités politiques. Seul élu communiste, avec 158 voix (15,94 % des suffrages), au conseil communal de Maffle aux élections du 16 octobre 1938, il se représente lors du scrutin du 24 novembre 1946. Sa liste recueille 394 voix (41,64 %) et fait un meilleur score que le Parti socialiste belge (331 voix, 34,98 %). Il y a quatre élus communistes. Bonenfant reste dans l’opposition face à la coalition des socialistes et du Parti social-chrétien (PSC). Il sera réélu conseiller communal à chaque élection jusqu’à la fusion des communes en 1976. De 1947 à 1952, il est responsable national du travail politique en direction des paysans. C’est à ce titre qu’il assure la parution de quelques numéros du journal, La vie rurale.

Aux élections législatives du 17 février 1946, Alphonse Bonenfant est élu député de l’arrondissement de Tournai-Ath. Il profite de la percée de son parti dans les arrondissements de l’ouest du Hainaut. Les communistes recueillent 17.477 voix (24,68 %) alors qu’ils n’en avaient que 3.161 (4,38 %) avant la guerre. Bonenfant obtient 963 voix de préférence contre 252 en 1939. De 1949 à 1954, les pertes communistes sont fort sensibles : 13,21 % en 1949 ; 8,53 % en 1950 et 6,96 % en 1954. Lors de cette dernière élection, Bonenfant perd son mandat à la Chambre.

Nullement découragé, Alphonse Bonenfant continue la lutte. Il exerce des responsabilités importantes au sein du PCB jusqu’en 1971. C’est un militant communiste exemplaire. Ses origines ouvrières ont contribué à former sa conscience politique. Il s’est engagé totalement au service de l’idéal politique auquel il est resté fidèle toute sa vie. Ses convictions sont fermes et sa volonté inébranlable. Il résiste sans faille aux interrogatoires de la Gestapo. Rien ne l’amène à dénoncer ceux qui faisaient partie de son mouvement de résistance. Ses capacités d’organisateur sont au service du parti communiste puis des organisations de résistance. Militant discipliné, il se dit aussi grand ami de l’URSS. Jamais il ne doute de la validité des idéaux communistes et de la nécessité d’un parti bien structuré pour les mettre en œuvre. Selon son dossier des cadres à l’Internationale communiste, il est un « travailleur réservé et modeste devant faire face aux difficultés causées par son faible niveau d’instruction », mais cependant « ferme et vigoureux ».

Alphonse Bonenfant a épousé à Maffle, le 14 juin 1930, Suzanne Terache, tailleuse. Six garçons sont nés de ce mariage. Deux sont décédés en bas âge, un troisième à l’âge de huit ans suite à un accident de la circulation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/bonenfant-alphonse-joseph-2/, notice BONENFANT Alphonse, Joseph. par Jean-Pierre Ducastelle, version mise en ligne le 4 juin 2014, dernière modification le 18 juin 2024.

Maitron patrimonial (2006-2024)

Par Jean-Pierre Ducastelle

SOURCES : Archives de la ville d’Ath : Registres de population et de l’état civil d’Ath et de Maffle – CArCoB, Dossier Alphonse Bonenfant CCP 3007 – Le Drapeau rouge, 28 septembre 1973 (interview d’Alphonse Bonenfant) – Discours de Jean Terfve et Alphonse Bonenfant à l’occasion de ses 50 années au Parti communiste, Ath, 1977 – Le Courrier de l’Escaut, 1er avril 1983 ; 2, 3 et 4 avril 1983 (notices nécrologiques) – L’Égalité, 1928.