Par Bruno Poucet
Maitron patrimonial (2006-2024)
Né le 8 mai 1929 à Millery (Rhône), mort le 15 novembre 2011 à Nantes (Loire- Atlantique) ; instituteur, puis directeur d’école dans l’enseignement primaire privé ; syndicaliste CFTC, puis CFDT ; membre du bureau du syndicat de l’enseignement privé de Loire-Atlantique, membre du bureau et trésorier de la Fédération des syndicats de l’enseignement privé CFTC (puis CFDT) (1970 -1977).
Benjamin d’une fratrie de six enfants, Jean Boulieu avait deux frères et trois sœurs. Il était le fils d’un artisan pâtissier, membre du syndicat des pâtissiers du Rhône et d’une mère au foyer, mais qui tenait la boutique de son mari.
Jean Boulieu fit ses études dans une institution des frères maristes à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), puis, à partir de la classe de quatrième, il poursuivit ses études à l’École spéciale du Montet (à Saint Génis Laval dans le Rhône). En 1947, il interrompit ses études en classe de première, en échange d’un poste d’enseignant qu’on lui proposait. Il obtint le brevet élémentaire, puis le certificat d’étude pédagogique en 1963.
Il milita dans sa jeunesse au mouvement Cœurs Vaillants. En 1953, il se maria avec Odile Bourcier, née le 26 janvier 1933. Il exerça d’abord des fonctions de professeur de latin et d’histoire géographie au collège de Saint-Genis Laval pendant quelques mois, puis de 1947 à 1949 dans l’enseignement primaire, à la Côte-Saint André (Isère), à Larajasse (Rhône), l’année suivante : c’était des écoles dirigées par des frères maristes, membres d’une congrégation qu’il pensait rejoindre. Au retour de son service militaire en Allemagne qu’il effectua comme instituteur des appelés puis des enfants d’officiers, il abandonna sa vocation religieuse. Il fut nommé au Perreux (Rhône), puis à Mauves-sur-Loire (Loire-Inférieure) où il put rejoindre sa femme, et enfin à l’école « Toutes-joies » à Nantes (Loire-Inférieure) en 1953 : cette école était dirigée par un frère mariste qu’il remplaça pendant deux ans à la direction de l’école. Les salaires étaient à l’époque si dérisoires, que la femme de Jean Boulieu, employée de commerce aux magasins Decré à Nantes (avant d’être employée de maison dans les écoles où son mari enseignait) gagnait, selon les années, deux à trois plus que lui.
En 1959, il fut nommé au Bignon (Loire-Atlantique). En 1964, il obtint sa mutation pour la direction de l’école privée Sainte Jeanne d’Arc (qui prit ensuite le nom de Marcel Callo, du nom d’un militant jociste mort en déportation à Mauthausen) à Nantes et y demeura jusqu’à se retraite, en 1987. Dans cette école, Jean Boulieu devait se battre pour obtenir la signature d’un contrat d’association avec l’État, contre les autorités religieuses (sauf le curé) et civiles (le maire de la commune) qui ne le souhaitaient pas.
Jean Boulieu adhéra dès 1953 au syndicat professionnel, non confédéré mais reconnu par la direction diocésaine de l’enseignement catholique. Dès l’année suivante, celui-ci passa à la CFTC. Nommé membre du conseil, il devint membre du bureau, puis trésorier du syndicat départemental de l’enseignement libre (puis privé) CFDT de Loire-Atlantique. Il dut s’opposer au SNI qui refusait que les instituteurs participent au jury d’inspection pour le CAP et fut ainsi assigné au tribunal.
Jean Boulieu siégea dans nombre de commissions paritaires départementales. Il participa activement au « colloque des deux enseignements » à Nantes, principalement entre 1968 et 1971. Ce fut un moment d’intense activité de réflexion et de propositions quant au rapprochement des « deux écoles » et à leur possible transformation. À souligner que lors des événements de mai 1968, son école était en grève, ce qui ne manqua pas de provoquer la réaction de certains parents d’élèves.
En 1964, Jean Boulieu fut élu membre du conseil fédéral de la Fédération de l’enseignement privé (FEP) CFDT, lors du congrès où la fédération CFTC décida d’accepter l’évolution vers la CFDT. Il fut ensuite élu membre de la commission exécutive de la FEP-CFDT de 1970 à 1977 : il y exerça les fonctions de trésorier fédéral. Toutefois, il considérait que ses fonctions, en la matière, étaient largement honorifiques, l’essentiel du travail étant fait par la trésorière adjointe, Monique Delannoy*. En revanche, il apportait la position politique de sa région d’appartenance, au sein même de cette instance.
Jean Boulieu siégea également, au nom de la FEP-CFDT dans des commissions paritaires nationales, en particulier dans celle des maîtres du primaire. Il fut l’un des animateurs des sessions de formation de la FEP-CFDT et initia ainsi nombre de militants à l’analyse marxiste. Il faut souligner que l’ensemble des activités militantes exercées se faisaient sans aucune décharge syndicale, uniquement sur le temps libre laissé par l’exercice professionnel, c’est-à-dire, le jeudi, puis le mercredi, les samedi-dimanche et pendant les temps de vacances.
Après son départ de la Fédération, il réorienta son action militante en direction du PS auquel il adhéra en 1977 : en tant que chrétien, son entrée ne se fit pas sans mal, mais il fut finalement accepté, après trois ans d’attente. Il milita également dans la Fédération des Conseils de Parents d’élèves (FCPE), à l’APEEC (Association des parents d’élèves pour l’évolution de l’enseignement catholique), à l’ACO, et se lança dans la catéchèse et l’animation de chorale.
Toutefois, au moment où Jean Boulieu était devenu retraité, en 1987, il lui fut demandé de représenter ses collègues au sein de l’union régionale des syndicats des travailleurs de l’enseignement privé (région de Nantes) et il fut chef de chœur jusqu’à son décès en 2011 de la chorale Melody des retraités.
Jean et Odile Boulieu étaient parents de trois enfants : Christine née en 1956, Gildas en 1958 et Cécile en 1963.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Bruno Poucet
SOURCES: Arch. FEP-CFDT, 23Y12 : témoignage oral de Jean Boulieu et retranscription. — Arch. Centre d’histoire du travail (CHT) de Nantes : fond CFDT. — Notes de Charles Lechat. — Trait d’Union, n° 100. — Guy Goureaux, L’École catholique : aliénation ? Paris, Éditions de l’Épi, 1968, 368 p. ; id., L’Occasion manquée d’une école unifiée, Nantes, Siloë, 2000, 220 p. — Bruno Poucet, Entre l’Église et la République, une histoire de la Fédération de la Formation et de l’Enseignement privés CFDT, Paris Éditions de l’Atelier, 1998, 252 p. ; Histoire et mémoire de la FEP-CFDT, Paris, Éditions de L’Harmattan, 1999, p. 93-99 ; « Les syndicats de l’enseignement privé, éléments pour une histoire », Le mouvement social n° 195, avril-juin 2001.